Honorer la mémoire d'Amos Oz, qui vient de décéder à l'âge de 79 ans en Israël, c'est comprendre que sa voix faisait partie de celles qui, dans un monde qui se rétrécit, ont l'audace de porter une parole libre et universelle. C'est comprendre à travers ses livres, la complexité de la situation de son pays, la richesse de sa culture, le poids de son histoire, et la raison de son engagement. C'est le sens de la formule du "traître courageux" citée par Guy Duplat dans La Libre. Car si "Une histoire d'amour et de ténèbres" (qui n'existe pas encore en format numérique), est certainement un de ses tout grands livres, son dernier roman paru en français "Judas" témoigne avec subtilité, intelligence, et courage, de ce que la littérature peut apporter au débat.
Nous vous proposons ici la critique qu'en avait faite la Librairie Point Virgule (Namur), lors de sa parution.
Dans le vaste continent des livres, rarissimes sont ceux qui créent un univers-langage aux pouvoirs de déracinement.
Ainsi parle Véronique Bergen lorsque, dans Le carnet et les instants, elle évoque ce livre qui ne ressemble à aucun autre, Poney flottant d'Isabelle Wéry, long monologue d'une romancière à succès qui se réveille d'un coma et entreprend d'écrire mentalement ses jeunes années. Enfant en peine de croissance dans une Angleterre fantasmée, elle dit un texte ébouriffant, déjanté, audacieux, qui explose d'inventivité narrative.
On peut en dire autant du propre livre de Véronique Bergen, Tous doivent être sauvés ou aucun, roman polymorphe, roman charnière sûrement, ouverture sur un nouveau monde où le centre n'est plus l'humain, mais celui qui jusqu'à présent n'a pas eu la parole. Ici c'est le chien, quelques chiens qui ont traversé l'histoire et qui, témoins d'un monde qui demain ne sera peut-être plus, la racontent dans une écriture messagère d'un possible effondrement. C'est étonnant, c'est détonant.
Et puis, il y a toujours la poésie de la langue. C'est le ton adopté par Véronique Janzyk dans La robe de nuit, celle que porte sa mère sur son lit d'hôpital, façon de raconter les liens fragiles qui les unissent, dans une scansion qui prête à une lecture à voix haute.
Ce n'est pas rien d'être éditeur aujourd'hui, lorsqu'on porte des voix nouvelles.
Cinq titres d'auteurs belges, dont quatre sont présentés ci-dessous, le cinquième n'existant pas en numérique : Les pas perdus, d'Etienne Verhasselt (Le Tripode éditeur), et qu'on peut trouver chez nos libraires en format "papier" bien sûr.
Et le lauréat est donc La vraie vie, d'Adeline Dieudonné, dont il faut souligner qu'il a déjà été couronné par ailleurs (Prix Renaudot des Lycéens, Prix Fnac, Filigranes) et a figuré dans la liste des nominés au Prix Goncourt. Saluons le travail d'un éditeur qui mérite d'être mieux connu, L'Iconoclaste
David Diop (Prix Goncourt des lycéens 2018), David Lopez (Prix du livre Inter 2018), Kaouther Adimi (Prix Renaudot des lycéens 2017), Edouard Louis (mis en scène à La Colline à Paris).... Quatre frères en édition, hébergés par Le Seuil, et Patrick Chamoiseau comme père d'adoption.
Un "choix libraire" de nos confrères français, que nous approuvons et reprenons à notre compte.
A moins que le Goncourt des Lycéens, dont le choix est toujours excellent, ne le rattrape. Et c'est fait !
Frère d'âme, de David Diop