Nous avons demandé aux libraires volontaires de proposer un coup de coeur, livre neuf ou plus ancien, roman, essai, livre jeunesse ou de cuisine. Libre choix...
Voici une sélection de titres francophones, dont deux belges. En "cliquant" sur un titre, on peut accéder à la fiche du livre et au commentaire du libraire.
Une allée est au centre de ce texte : une allée sur laquelle vont et viennent les familles, les proches, qui rendent visite à des patient·es, dans un hôpital psychiatrique. Au bout de cette allée, se trouvent ces patient·es, des jeunes qui décompensent, comme ces baleines échouées, égarées par le bruit du monde. Si ces familles se trouvent confrontées à leur propre douleur, leurs propres difficultés, toutes forment néanmoins un ensemble, un groupe uni, un « troupeau », lit-on. Sur cette allée bordée de doutes et d'?incompréhension, théâtre d'?une histoire entre espoir et résignation, les allers et retours de chacune, comme un mouvement pendulaire, marquent un rythme propre au texte.
À la lecture de ce roman, écrit à la deuxième personne, on va et vient sur cette allée, accompagnant les allées et venues de celles et ceux qui, au fil de leurs visites, nous délivrent des informations clefs de l'histoire des patient.es interné.es. Nous sommes confronté.es à différents points de vue et à une succession de scènes fortes qui donnent la mesure de la solitude dans laquelle chacun.e se trouve au quotidien.
La langue oscille entre une poésie propre à l'?expression des sentiments et de la douleur, et une oralité qui génère un effet de proximité, d'?intimité avec les différents personnages. Une familiarité s'?instaure et, au fil du texte, on est sensibles aux changements que l'?on peut observer chez eux.
Quarante ans après la mort de son oncle Désiré, Anthony Passeron décide d'interroger le passé familial. Évoquant l'ascension de ses grands-parents devenus bouchers pendant les Trente Glorieuses, puis le fossé grandissant apparu entre eux et la génération de leurs enfants, il croise deux histoires : celle de l'apparition du sida dans une famille de l'arrière-pays niçois - la sienne - et celle de la lutte contre la maladie dans les hôpitaux français et américains.
Dans la lignée d'Annie Ernaux ou de Didier Éribon, Anthony Passeron mêle enquête sociologique et histoire intime. Dans ce roman de filiation, il évoque la solitude des familles à une époque où la méconnaissance du virus était totale, le déni écrasant, et le malade considéré comme un paria.
Danaé Berrubé-Portanguen dite Poussin possède le rare don de savoir nager.
Orpheline, tour à tour sauveuse et naufrageuse, elle vit au milieu de l'Atlantique, sur l'île d'Ys, berceau d'un peuple obsédé par l'honneur et le courage. Une île où même les terriens se vantent d'être marins, où seuls les plus braves ont le privilège de vivre dans la cité fortifiée à l'abri des grandes marées d'équinoxe. Suivant le destin des riverains qui doivent se partager plages et marges, Danaé Poussin se soumettra aux cycles qui animent les mouvements de la mer comme à ceux qui régissent le coeur des hommes.
Les marins ne savent pas nager s'adresse à celles et ceux qui, un jour, se sont demandé si c'était la montée des eaux qui les faisait pleurer ou leurs larmes qui faisaient monter les eaux. Dominique Scali signe un roman d'aventures maritimes époustouflant campé dans un XVIIIe siècle alternatif salé par l'embrun et rempli de la cruauté du vent.
« Avec une maîtrise rare, un souffle pour le moins lyrique, Marie Vingtras nous donne une histoire forte, peuplée d'êtres solitaires, violents, en quête de rédemption ».
Bruno Corty, Le Figaro.
Le blizzard fait rage en Alaska.
Au coeur de la tempête, un jeune garçon disparaît. Il n'aura fallu que quelques secondes, le temps de refaire ses lacets, pour que Bess lâche la main de l'enfant et le perde de vue. Elle se lance à sa recherche, suivie de près par les rares habitants de ce bout du monde. Une course effrénée contre la mort s'engage alors, où la destinée de chacun, face aux éléments, se dévoile.
Marie Vingtras est née à Rennes en 1972. Blizzard est son premier roman.
Lassée de servir ses patrons, la protagoniste réclame son indépendance du jour au lendemain. Elle passe alors trois jours et deux nuits d'errance dehors, découvrant le monde dans un long monologue constitué d'une seule phrase.
« Ce que je veux moi, c'est porter le prénom que j'ai reçu à la naissance. Sans le cacher, sans le maquiller, sans le modifier. Sans en avoir peur ».
Elle est née Polina, en France elle devient Pauline. Quelques lettres et tout change.
À son arrivée, enfant, à Saint-Étienne, au lendemain de la chute de l'URSS, elle se dédouble : Polina à la maison, Pauline à l'école. Vingt ans plus tard, elle vit à Montreuil. Elle a rendez-vous au tribunal de Bobigny pour tenter de récupérer son prénom.
Ce premier roman est construit autour d'une vie entre deux langues et deux pays. D'un côté, la Russie de l'enfance, celle de la datcha, de l'appartement communautaire où les générations se mélangent, celle des grands-parents inoubliables et de Tiotia Nina. De l'autre, la France, celle de la materneltchik, des mots qu'il faut conquérir et des Minikeums.
Drôle, tendre, frondeur, Tenir sa langue révèle une voix hors du commun.
Par la fenêtre d'un grand appartement presque vide à Bruxelles, apparaît une femme, en peignoir. Elle passe une grande partie de son temps au téléphone, pour parler à sa fille de Ménilmontant qui voyage beaucoup, à son autre fille qui vit aujourd'hui en Amérique, à ses cousines, à sa grande famille dispersée à travers le monde. Elle leur parle sans vraiment leur parler, évitant certains sujets, comme des parents que l'on a perdus dans les camps ou des histoires tragiques que l'on garde pour soi. Par-delà les drames, elle se concentre sur ses souvenirs heureux et des bribes de clarté qui permettent de poursuivre sa vie.
Sous la forme d'un flux de conscience, glissant d'un esprit à un autre, comme une conscience partagée, Une famille à Bruxelles est le portrait d'une femme au travers de ses relations à ses filles et à son mari. Comme prise sur le vif et toujours pressée, sa langue fait s'entrechoquer les souvenirs. Dans ce texte proche de l'autofiction, aucun nom ne vient fixer une quelconque identité. L'intimité et l'amour d'une famille prennent le pas sur les thématiques biographiques. Une famille à Bruxelles est un livre sur le cours inéluctable du temps.
Psychanalyste, Simon a fait profession d'écouter les autres, au risque de faire taire sa propre histoire. À la faveur d'une brèche dans le quotidien - un bol cassé - vient le temps du rendez-vous avec lui-même. Cette fois encore le nouveau roman de Jeanne Benameur accompagne un envol, observe le patient travail d'un être qui chemine vers sa liberté. Pour Simon, le voyage intérieur passe par un vrai départ, et - d'un rivage à l'autre - par le lointain Japon : ses rituels, son art de réparer (l'ancestrale technique du kintsugi), ses floraisons...
Quête initiatique qui contient aussi tout un roman d'apprentissage bâti sur le feu et la violence (l'amitié, la jeunesse, l'océan), c'est un livre de silence(s) et de rencontre(s), le livre d'une grande sagesse, douce, têtue, et bientôt, sereine.
La cour est vide. La maison est fermée. Claire sait où est la clef, sous une ardoise, derrière l'érable, mais elle n'entre pas dans la maison. Elle n'y entrera plus. Elle serait venue même sous la pluie, même si l'après-midi avait été battue de vent froid et mouillé comme c'est parfois le cas aux approches de la Toussaint, mais elle a de la chance ; elle pense exactement ça, qu'elle a de la chance avec la lumière d'octobre, la cour de la maison, l'érable, la balançoire, et le feulement de la Santoire qui monte jusqu'à elle dans l'air chaud et bleu.
Années 1960. Isabelle, Claire et Gilles vivent dans la vallée de la Santoire, avec la mère et le père. La ferme est isolée de tous.
Grand prix RTL-Lire Prix Relay des Voyages lecteurs Qui prête attention à Joe ? Ses doigts agiles courent sur le clavier des pianos publics dans les gares. Il joue divinement Beethoven. Les voyageurs passent. Lui reste. Il attend quelqu'un, qui descendra d'un train, un jour peut-être. C'est une longue histoire. Elle a commencé il y a cinquante ans dans un orphelinat lugubre. On y croise des diables et des saints. Et une rose.
Une enfance pas comme les autres, bercée par la voix de Sylvie Vartan...
Niché dans un HLM du 13e arrondissement, l'appartement familial est devenu le territoire de Roland, dernier enfant d'une famille juive séfarade. Un terrain de jeu qu'il explore à quatre pattes, prêtant l'oreille aux discussions de sa mère et de ses voisines, à leurs prières et chuchotements. Car Roland n'est pas un petit garçon comme les autres. Les médecins sont formels : il ne marchera jamais. Le monde extérieur, c'est à travers la télévision qu'il le découvre. Il y rencontre Sylvie Vartan, une fée bienveillante à la carrière naissante, dont la voix l'accompagnera sur le chemin de la guérison.
Quand le miracle auquel sa mère n'a jamais cessé de croire se produit enfin, quand Roland, sept ans, parvient à faire ses premiers pas, c'est un monde nouveau et infini qui s'offre à lui : les trottoirs de Paris, le métro, et surtout l'École des enfants du spectacle...
Cet ouvrage a reçu le Prix du Cheval Blanc
« Il est tout blanc, d'un blanc spectral, taillé en Hermès. Privé de son socle, pour ainsi dire détrôné, il jouxte des artefacts faits de la même substance dure, compacte, quelque peu élimés par le temps, imprégnés de la même grandeur surannée. La vitrine expose une matière - l'ivoire - à travers ses multiples usages exhumés d'un grenier de grand-mère. Un chausse-pied, des coquetiers, des ronds de serviette, un coupe-papier, un bougeoir, des boules de billard, une brosse à cheveux, et au milieu de ce bric-à-brac de brocanteur, un roi avec sa barbe et ses médailles. Léopold II n'est plus qu'un bibelot parmi d'autres. »King Kasaï est le nom d'un éléphant empaillé qui fut longtemps le symbole du Musée royal de l'Afrique centrale, situé près de Bruxelles. C'est devant le « roi du Kasaï » et près d'un Léopold II à la gloire déboulonnée, dans cette ancienne vitrine du projet colonial belge aujourd'hui rebaptisée Africa Museum, que Christophe Boltanski passe la nuit. En partant sur les traces du chasseur qui participa à la vaste expédition zoologique du Musée et abattit l'éléphant en 1956, l'auteur s'aventure au coeur des plus violentes ténèbres, celles de notre mémoire.