"Imaginez que pour mettre au monde un enfant, vous ayez besoin de faire appel au vent, à l'eau, au feu ou à une autre nature que la vôtre. Comme si vous demandiez à un arbre d'apporter jusqu'à vous l'élu de votre coeur ! Comme si le végétal devenait le lien d'une union fructueuse entre vous et l'autre... Les plantes sont partout autour de nous et nous posons sur elles un regard tantôt distrait, tantôt émerveillé, sans soupçonner l'activité incessante qui règne derrière leur relative immobilité."
Des relations symbiotiques entre flore et faune, en passant par les tromperies et autres jeux de dupe, le mutualisme, l'influence des milieux et de l'évolution, Joanne Anton nous fait découvrir une vie sexuelle végétale débordante d'inventivité, voire d'excentricité pour les mammifères que nous sommes. À observer de plus près la sexualité flamboyante des plantes qui savent se faire aimer par tant d'animaux, comment ne pas être séduit ?
Dans ce récit intime, la narratrice se tutoie et, par la même occasion, tutoie le lecteur. Elle nous met à sa place, devant l'évidence de notre propre trouble identitaire. C'est à nous qu'est reproché d'avoir trahi notre clan ou nos origines. C'est nous, encore, qui sommes devenus étrangers à notre ville natale. Belge ayant choisi de s'exiler à Paris, la narratrice dénoue avec un humour cinglant les liens complexes avec sa famille, notamment sa mère, qui n'a de cesse de relever les indices du fossé qui s'est creusé entre elles : perte de l'accent, style vestimentaire... Preuves que sa fille mène à Paris une vie mondaine. Pour les Liégeois, Paris, "c'est l'bout du monde". Or, l'on est partout étranger. Mais une réconciliation est encore possible...
Découragée, l'auteur s'attelle à écrire sur le découragement... Cependant, Joanne Anton écrit avec rythme, avec dynamisme, précision et vitalité. Mais aussi avec une langueur particulière, en une lutte entre le corps et l'esprit. La pensée est la plus forte, c'est elle qui tire les ficelles du corps et de la plume. L'écriture devient acte de pensée, alors que l'auteur écrit en réfléchissant à l'acte même d'écrire... Tiraillée entre la question complexe de l'écriture littéraire et la difficulté à vivre, elle parvient à lier les deux, avec en arrière-plan une figure tutélaire, Thomas Bernhard et un livre en particulier : Marcher. Plus qu'un récit sur le découragement, protagoniste abstrait qui donne son nom à l'oeuvre, le texte de Joanne Anton est un récit-réflexion sur le mal de l'écriture.