Albert Camus pensait qu'elle était « le plus grand esprit de notre temps ». Voici rassemblés pour la première fois en un seul volume de poche une quinzaine de textes célèbres ou moins connus de Simone Weil (1909-1943) qui couvrent les trois grands espaces où elle déploya sa réflexion : l'oppression et la liberté, le monde du travail, la beauté de la religion, et qui, tous, aident à vivre malgré « la crainte des grandes catastrophes collectives ».
Désarroi de notre temps.¬- Réflexions sur les causes de la liberté et de l'oppression sociale.- Étude pour une déclaration des obligations envers l'être humain.- Les besoins de l'âme.- Méditation sur l'obéissance et la liberté.- Note sur la suppression générale des partis politiques.- La vie et la grève des ouvrières métallos.- La rationalisation.- La condition ouvrière.- Expérience de la vie d'usine.- « Le sentiment que je ne possède aucun droit ».- À propos du syndicalisme « unique, apolitique, obligatoire ».- Condition première d'un travail non servile.- « Je t'enseignerai des choses dont tu ne te doutes pas ».- L'amour de dieu et le malheur.- Théorie des sacrements.- Pensées sans ordre concernant l'amour de dieu.
Le présent recueil, articulé autour du texte "Luttons-nous pour la justice?", de 1943, réfléchit sur le fait d'être soumis à la force et sur les conditions d'un véritable consentement, et offre ainsi une étonnante résonance aux luttes modernes.
En 1934, à 25 ans, Simone Weil entre pour un temps indéfini à l'usine afin d'éprouver au plus vif d'elle-même la condition ouvrière. Cette expérience la bouleverse, tant sur le plan intellectuel que sur le plan intime. Après avoir tenu un journal et livré par lettres ses impressions à quelques amies proches, elle n'a de cesse, jusqu'à sa mort en 1943, de témoigner au sujet du travail ouvrier : elle en révèle le caractère inhumain, pense toutes les dimensions de sa nature oppressive et esquisse des formes d'organisation susceptibles de le transformer en un « travail non servile ».
Ces textes, rassemblés en 1951 par Camus pour former La Condition ouvrière, présentent une unité remarquable. Renvoyant dos à dos les théories du travail capitalistes et celles communistes ou anarchistes, Weil juge possible de dégager une perspective philosophique et politique indiquant comment les travailleurs manuels pourraient « atteindre la joie pure à travers la souffrance ».
Dossier
1. Aux sources de La Condition ouvrière
2. Le travail, entre nécessité, oppression et liberté
3. Décrire, dénoncer et penser le travail après Simone Weil.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Simone Weil. Recueil de pensées et de réflexions intimes, "La pesanteur et la grâce" constitue une remarquable initation à l'oeuvre de Simone Weil. Sa démarche, où prend place une expérience spirituelle qui dépasse la raison, montre combien la raison tendue à l'extrême porte un ordre qui n'est pas le sien, qu'elle assimile mais ne dicte pas. Que ce soit l'ordre grec où s'inscrit l'exil, ou le désir de transcendance qui verrait la fin de cet exil, elle ne prend pas la voie simple d'un désir réalisé pour lui-même. Elle impose une exigence temporelle pleinement assumée qui diffère la satisfaction d'obtenir pour soi. Simone Weil représente "l'autre", celui qui est insitué, extérieur et à sa propre tradition et à une tradition d'accueil, l'autre par rapport auquel on doit se situer, presque malgré soi. Aussi tente-t-elle de définir un lieu neuf à la pensée à partir d'une expérience de l'individu lié au monde. Dans son époque, elle repose la question de Dieu selon d'autres normes, sans le souci des preuves, mais selon la nécessité d'un autre discours qu'elle suggère par la recherche d'une méthode et de structures.
Il est possible de vivre heureux. Nous pouvons encore bâtir cette société-là. Simone Weil en indique le chemin dans ces pages qui veulent redonner un horizon à ceux qui sont à terre, insuffler des forces, une énergie pour se relever. "Les Besoins de l'âme", ce sont nos "communs", quatorze valeurs vitales, dont les plus précieuses sont le besoin de vérité et la liberté intellectuelle, qui renvoient à deux exigences actuelles : je ne veux pas qu'on m'impose ce que je dois penser, et je veux que les informations qui circulent soient fiables. De là découlent des questions qui traversent toutes les sociétés qui visent à l'égalité. Ai-je des droits ou des obligations ? Peut-on tout dire ? Comment lutter contre l'impunité des puissants ? Obéir, est-ce le début de la servitude ?
Quel est le plus important : avoir des droits ou des devoirs ? Chef-d'oeuvre de la pensée politique, L'Enracinement est un livre engagé sur le patriotisme, les déracinements et notre besoin vital d'appartenances, mais aussi - et surtout - de vérité. Il peut se lire comme un "manuel de citoyenneté" qui prône une société où l'épanouissement de chacun est la norme, où des principes moraux nous guident, et où l'argent et la technique ne font plus la loi.
Comment sortir de la souffrance et de la servitude au travail ? En se le réappropriant pour lui donner du sens. Voulant ressentir l'oppression comme la ressentent les opprimés, et poursuivre le plus authentiquement son projet de définition d'une société libre, Simone Weil est entrée à l'usine en décembre 1934. Tour à tour découpeuse, emballeuse, fraiseuse, enchaînant les maladies et les accidents du travail, les renvois et les mises à pied, la philosophe rebelle a fait l'expérience de la machine, de la soumission, de l'humiliation, de l'inégalité pendant près d'un an. La brutalité de cet esclavage l'a marquée à vie.
La présente édition comprend d'abord une notice sur la genèse de l'essai de Simone Weil. Suit le texte intégral des Réflexions sur les causes de la liberté et de l'oppression sociale (1934), établi et révisé à partir de la dactylographie originale déposée à la BnF. Enfin, une étude intitulée «Transposer la pensée de Simone Weil», par Robert Chenavier, permet au lecteur de poursuivre la réflexion en donnant à la fois un commentaire de la structure du texte et en faisant ressortir l'originalité des thèses de Simone Weil.
Le but de cet essai est de mettre en évidence que les analyses de la philosophe peuvent être transposées aujourd'hui, afin de mieux comprendre le désarroi de notre époque et d'aider à trouver une sortie qui soit à la fois possible et souhaitable à la crise que nous vivons.
Simone Weil est une philosophe humaniste française (1909-1943).
Libertalia a publié son essai Grèves et joie pure.
Agrégé et docteur en philosophie, Robert Chenavier est l'auteur de Simone Weil. Une philosophie du travail (Cerf, 2001) et de Simone Weil, l'attention au réel (Michalon, 2009). Il vient de publier Simone Weil, une Juive antisémite? Éteindre les polémiques (Gallimard, 2021). Il dirige l'équipe éditoriale chargée de l'établissement des OEuvres complètes de Simone Weil (Gallimard).
"Est criminel tout ce qui a pour effet de déraciner un être humain ou d'empêcher qu'il ne prenne racine."
1942. Résistante, Simone Weil est à Londres, rédactrice au service de la "France Libre". C'est alors qu'elle écrit, pour l'après-guerre, plusieurs textes ayant vocation à préparer la refondation du pays.
Parmi eux, Étude pour une déclaration des obligations envers l'être humain et Luttons-nous pour la justice ? Suivra, au début de l'année suivante, La personne et le sacré. Trois textes que guident, phares en ces temps sombres, les idées de consentement, de beauté et de communauté humaine.
Un triptyque tout entier imbriqué à la grande oeuvre tardive et inachevée de Simone Weil : L'enracinement.
Écrit peu avant sa mort, cet essai de Simone Weil condense les réflexions d'une vie. Premier constat : nulle personne n'est sacrée, mais le sacré est à chercher en l'Homme. À l'heure où la notion de personne est au centre des discours politiques, du marketing et des réflexions morales, ce renversement est salvateur. De cette affirmation, la philosophe nous entraîne dans une réflexion passionnante sur les droits de l'homme. Le terme de "droit" y est jugé opposé à la quête ultime de l'homme : l'attente qu'on lui fasse du bien. Pour la combler, il est urgent d'inventer des institutions qui aboliront ce qui oppresse les humains, cause l'injustice et qui ne se limiteraient pas à protéger leurs droits. Quelles sont-elles ? Vous le découvrirez au fil de cette pensée extraordinairement lucide.
Nommée professeur de philosophie, Simone Weil (1909-1943) devient en 1934 ouvrière d'usine chez Renault, condition indispensable à l'action militante (La Condition ouvrière). À peine repris son enseignement, elle rejoint en 1936 les anarchistes à Barcelone. Réfugiée en 1940 à Marseille, elle rédige les Cahiers, d'où est extrait La Pesanteur et la Grâce. Elle gagne les États-Unis puis désire rallier la "France libre". Malgré sa santé défaillante, c'est à Londres qu'elle écrit L'Enracinement.
Les principes fondamentaux de la République sont-ils contraires au colonialisme ? Quels impacts la colonisation a-t-elle sur un État qui se transforme en métropole d'un empire ? Et quels sont ses effets intérieurs ? Dans ces articles, écrits entre 1936 et 1943, le verdict de Simone Weil est sans appel : coloniale, la France opprime des peuples et perd ses principes. La colonisation rend impossible l'amitié entre les peuples (ce qui posera problème, dit-elle, si la France veut de nouveau enrôler les populations des colonies dans une guerre). Ces réflexions sur la colonisation pensée comme déracinement vont la conduire à son oeuvre majeur : L'Enracinement.
En 1943, alors qu'elle a rejoint, à Londres, le commissariat à l'Intérieur de la France combattante, Simone Weil écrit ce qui sera sa dernière oeuvre. Sa mort prématurée quelques mois plus tard met fin brutalement à la rédaction de ce texte majeur par lequel elle entendait apporter sa contribution à la France d'après-guerre.
Prélude à la nouvelle Déclaration des droits de l'homme souhaitée par le général de Gaulle, essai sur les causes du déracinement du peuple français et sur les conditions de sa renaissance, méditation sur la force et sur l'obéissance, L'Enracinement est aussi le testament spirituel de Simone Weil. Selon Albert Camus, qui l'édita pour la première fois en 1949, ce livre « d'une audace parfois terrible, impitoyable et en même temps admirablement mesuré, d'un christianisme authentique et très pur, est une leçon souvent amère, mais d'une rare élévation de pensée ».
D'une érudition vertigineuse, cette "Lettre à un religieux" - écrite en 1942 au Père Couturier, à la veille du départ pour Londres où elle rejoint la Résistance, et quelques mois à peine avant de mourir à l'âge de 34 ans - est l'un des textes majeurs sur la réflexion et le parcours spirituel de Simone Weil. Elle y affirme sa foi en Jésus-Christ mais refuse pourtant d'entrer dans l'Église, y voyant le danger d'une oppression de la vie spirituelle à cause de son organisation terrestre d'origine romaine et estimant en outre qu'elle y trouverait un refuge trop facile qui l'éloignerait d'une expérience religieuse plus profonde du Christianisme. Pour elle, l'Église est catholique de droit mais non de fait. "Quand je lis le catéchisme du concile de Trente, il me semble n'avoir rien de commun avec la religion qui y est exposée. Quand je lis le "Nouveau Testament", les mystiques, la liturgie, quand je vois célébrer la messe, je sens avec une espèce de certitude que cette foi est la mienne, ou plus exactement serait la mienne sans la distance mise entre elle et moi par mon imperfection. Cela fait une situation spirituelle pénible. Je voudrais la rendre, non pas moins pénible, mais plus claire." [...] "La réflexion sur ces problèmes est loin d'être un jeu pour moi. Non seulement c'est d'une importance plus que vitale, du fait que le salut éternel y est engagé; mais encore c'est d'une importance qui dépasse de loin à mes yeux celle de mon salut. Un problème de vie et de mort est un jeu en comparaison."
« Je peux dire que dans toute ma vie je n'ai jamais, à aucun moment, cherché Dieu », écrit la philosophe Simone Weil au printemps 1942. Elle ne dit pas ici son agnosticisme mais exprime la radicalité de sa foi chrétienne : ne pas chercher, ne pas vouloir, mais désirer et attendre Dieu. L'ardente militante de la cause ouvrière, qui en 1936 s'était engagée en Espagne contre le franquisme, et allait bientôt rejoindre la France Libre à Londres, signe ici un testament spirituel qui a marqué le xxème siècle par sa beauté et sa force. Attente de Dieu est le titre que donna en 1949 le père Joseph-Marie Perrin aux textes que Simone Weil lui avait adressés avant son départ de France.
Ces pages inouïes constituent l'éclairage qui donne toute sa cohérence à la vie et à l'oeuvre de la philosophe où l'attention à l'autre et à la beauté du monde expriment son amour attentif de Dieu.
Ce réquisitoire balaie d'un revers de main la démocratie telle qu'elle a cours. Et, ose-t-on ajouter, telle qu'elle a encore cours. Son argumentation repose sur des réflexions philosophiques qui traitent de l'organisation idéale de la collectivité en démocratie, notamment le Contrat social de Rousseau. La raison seule est garante de la justice, et non les passions, nécessairement marquées par l'individualité. Or, les partis, puisqu'ils divisent, sont animés par les passions en même temps qu'ils en fabriquent. Pour Weil, un parti comporte potentiellement, dans sa lutte pour le pouvoir, un caractère totalitaire. Ils défendent leurs intérêts propres au détriment du bien public. Il faut se garder comme de la lèpre de ce mal qui ronge les milieux politiques mais aussi la pensée tout entière. Contre les passions collectives, elle brandit l'arme de la raison individuelle.
Rédigé en 1943, ce texte propose un système fondé sur l'affinité et la collaboration de tous, un hymne à la liberté individuelle capable de s'exprimer dans le cadre d'une collectivité.
Au printemps 1936, une vague de grèves spontanées éclate en France, juste après la victoire électorale du Front populaire. Elle atteint son apogée le 11 juin avec près de deux millions de grévistes. Le présent recueil rassemble quatre articles de Simone Weil (1909-1943) rédigés in situ. Il s'agit de mettre en avant la lucidité et le génie d'une philosophé qui travailla en usine. Et de rappeler que la grandeur et l'importance des combats ouvriers résident avant tout dans l'invention de nouveaux moyens de lutte pour combattre l'aliénation et l'exploitation
Décédée à 34 ans, Simone Weil (1909-1943) n'a publié aucun livre de son vivant mais laisse une oeuvre considérable. Elle fut tour à tour enseignante en philosophie, ouvrière d'usine, engagée aux côtés des anarchistes en Espagne, résistante durant la Seconde Guerre mondiale, mystique et chrétienne sans église... Plusieurs de ses écrits, comme Réflexions sur les causes de la liberté et de l'oppression sociale ou L'Enracinement, sont des classiques indispensables pour penser une civilisation nouvelle.
Le texte de Simone Weil que nous publions est extrait de Réflexions sur les causes de la liberté et de l'oppression sociale (1934), un ensemble d'études consacrées à la critique politique et sociale. Son « grand oeuvre », dira-t-elle, qui fit fort impression sur son ancien professeur de khâgne, le philosophe Alain. Il en parlera comme d'un travail de première grandeur. Elle a vingt-cinq ans mais c'est un travail qu'elle ne publiera pas de son vivant. Nous sommes au milieu des années 30, la Russie est sous la chappe stalinienne, Hitler vient d'arriver au pouvoir, la France est confrontée à des mouvements politiques et sociaux d'une rare violence. C'est dans ce climat de grande incertitude que Simone Weil entreprend un travail de réflexion fondamentale sur la nature de l'oppression dans toutes les sociétés, y compris communistes (l'oppression peut subsister lorsque l'exploitation disparaît). Et sur les conditions d'une liberté effective, qui passe par une libération de la force spirituelle des individus et des peuples.
"Venise sauvée" est une pièce de théâtre inachevée de Simone Weil sur le projet avorté du renversement de la République Vénitienne par les Espagnoles en 1618. Le texte drammaturgique est intégralement imprégné des idées et de la philosophie de l'auteure, dont il constitue un mode l'exposition tout à fait original et singulier. Il s'agit de l'une des très rares oeuvres "littéraire" dont nous disposons de la main de Simone Weil.
S'il est un travail vivant - mode d'activité essentiellement humain - c'est d'abord le travail manuel, méprisé par les Anciens, véritable levier qui met le monde en mouvement et pivot spirituel de la communauté réconciliée. Il faudra libérer le travail, pour que naisse une société d'hommes libres, pour qu'autour de la production se cristallise la fraternité. Il appartient aux travailleurs de se réapproprier l'appareil productif, pour que s'élargisse « peu à peu le domaine du travail lucide ». Avec le travail ainsi entendu, l'homme sort de l'imaginaire et se conforme « au vrai rapport des choses ».
Le travail peut devenir transfiguration. Il peut être une « forme de sainteté ».
« Prendre parti », « prendre position pour ou contre » : un schéma manichéen qui s'est substitué pour le peuple à l'obligation de penser. C'est une véritable « lèpre », dit Simone Weil
Pour que le peuple puisse vivre dans la justice et la liberté, il faut faire taire les passions collectives et rendre possible l'expression d'une pensée sur les problèmes fondamentaux de la vie publique. D'où la première mesure d'urgence : la suppression des partis politiques. Il en va de l'avenir de la démocratie.
Cette lettre de Simone Weil, écrite en 1942 au Père Couturier, à la veille de son départ pour Londres où elle rejoint la Résistance, et quelques mois à peine avant de mourir à l'âge de 34 ans, est l'un des textes majeurs sur sa réflexion et son parcours spirituel.
Elle présente en trente-cinq points, toutes les questions qui l'empêchent de se convertir totalement au christianisme. Trente-cinq obstacles entre elle et l'Église qu'elle souhaite universelle. Un court texte de la grande philosophe mystique qui dévoile la profondeur de sa réflexion et l'exigence de sa foi.
Préface d'Antoine Guggenheim, professeur de théologie, fondateur et ancien directeur du Pôle de recherche du Collège des Bernardins. Il a contribué au Cahier de L'Herne Simone Weil, publié en 2014.
Ce recueil réunit cinq textes de Simone Weil écrits entre 1933 et 1943, sur la guerre - et la force en général - et ses effets politiques, moraux et spirituels. Qu'advient-il lorsque la pensée se trouve prise dans des rapports de forces, lorsqu'elle est aux prises avec la force ? La capacité de juger, la lucidité, la capacité de penser et d'affirmer des principes peuvent-elles rester intactes ?
Ce recueil de textes de Simone Weil, écrits entre 1936 et 1938, témoigne de son expérience de la guerre d'Espagne. Simone Weil, l'Espagnole, n'a pas hésité à se rendre à Barcelone pour soutenir, au risque de sa vie, la cause d'un peuple pour lequel elle avait une affection sincère. L'Espagne fut la terre qui vit s'affirmer la force de caractère d'une femme prête à mourir pour ses convictions, elle fut malheureusement aussi le lieu où Simone Weil découvrit les affres de la guerre civile, les dérives des mouvements révolutionnaires, la médiocrité des hommes lorsqu'ils se confrontent au pouvoir. Dans le journal de son expérience du front, au-delà de son caractère historique, un style lapidaire laisse entendre une littérature qui se place sur la brèche. Les textes qui suivent le Journal d'Espagne donnent quant à eux un certain écho à la désillusion de Simone Weil tant face à la lâcheté politique qu'à l'inhumanité de ses camarades. Ce recueil se termine sur un article plus théorique, Ne recommençons pas la guerre de Troie, qui souligne le danger de l'utilisation de termes brumeux, d'entités vides : démocratie, capitalisme, communisme, liberté, etc. Les mots n'ont pas de contenu lorsqu'ils fourvoient les peuples et les précipitent dans le sang et dans la haine. Elle rejette catégoriquement les discours abstraits qui mettent en ordre de marche. Simone Weil y oppose une volonté de déconstruire les mécaniques du pouvoir et de son corollaire, le prestige du pouvoir. En ces textes, s'exprime toute la singularité de son humanité, faite d'intransigeance et de cohérence, de raison et de nuances, qui se place invariablement du côté des classes opprimées.
Ce recueil contient les textes :
- Journal d'Espagne
- Fragment de 1936 (« Que se passe-t-il en Espagne ? »)
- Lettre à Georges Bernanos
- Réflexions pour déplaire
- Faut-il graisser les godillots ?
- La politique de neutralité et l'assistance mutuelle
- Non-intervention généralisée
- Ne recommençons pas la guerre de Troie
Dans ce pamphlet contre la politique moderne écrit en 1943, Simone Weil démonte ainsi les illusions et montre la vérité crue, encore aujourd'hui d'une terrible actualité : « Dans ce que nous nommons de ce nom [démocratie], jamais le peuple n'a l'occasion ni le moyen d'exprimer un avis sur aucun problème de la vie publique ; et tout ce qui échappe aux intérêts particuliers est livré aux passions collectives, lesquelles sont systématiquement, officiellement encouragées. » Et de continuer en démontrant que les partis visent à leur propre survie et non au bien commun :
« Dès lors que la croissance du parti constitue un critère du bien, il s'ensuit inévitablement une pression collective du parti sur les pensées des hommes. [...] La pression collective est exercée sur le grand public par la propagande. Le but avoué de la propagande est de persuader et non pas de communiquer de la lumière. »
Née en 1909, Simone Weil fut élève de l'École normale supérieure, disciple du philosophe « Alain », et agrégée de philosophie en 1931. D'abord enseignante en lycée, elle abandonne un temps sa carrière et travaille comme ouvrière, entre autres chez Renault. Militante syndicale et proche des milieux anarchistes, elle s'engage dans les Brigades internationales en 1936 et, malgré son dégoût de la guerre, part se battre en Espagne. Mais elle en revient désillusionnée. Elle quitte la France en 1942 pour New York et, enfin, Londres, où elle rejoint la résistance gaulliste pour la France Libre. Atteinte de la tuberculose, elle meurt le 24 août 1943 au sanatorium d'Ashford (Angleterre), âgée seulement de 34 ans.
Son oeuvre est considérée comme l'une des plus marquantes du XXe siècle.