Dans Sensations du combat, Anna Ayanoglou continue de mêler sa petite musique intime à la puissance d'écriture toute en retenue et en éclats qui était à l'oeuvre dans Le fil des traversées, son premier recueil. L'auteure s'inspire d'une réalité dont elle se saisit pour ne plus la lâcher:la vie, la vraie, voilà la matière qui importe. Et les mots pour ordonner le chaos.Ne nous y trompons pas, Anna Ayanoglou mène une lutte permanente face aux défis de la vie:le carcan des discours simplistes, la fadeur du quotidien ou encore la difficulté d'aimer. La seule échappatoire possible est alors de «nourrir en soi le feu / ne pas perdre la force / savoir construire la ruse». La poétesse, qui a trouvé dans l'écriture un foyer, se doit de continuer, avec détermination, et «le coeur débordant, n'en rien laisser paraître.»
L'univers poétique d'Anna Ayanoglou puise largement aux confins d'une Europe balte, lituanienne, estonienne où elle a beaucoup séjourné. Lieux sévèrement marqués par l'empreinte nazie et soviétique, et qui forment aujourd'hui comme un arrière-pays invisible.
L'auteure y mène un voyage composé d'instants, de sensations, de souvenirs déjà échappés au détour de rues sans importance. Elle ne se veut pas prisonnière d'une forme esthétique principale. Elle préfère la voix du poème à celle du roman. Le poème permet l'expression de formes plus fines, plus subtiles, mais aussi plus fortes. Le poème va plus vite, plus loin. « Les rues de Vilnius noyées sous le feuillage » figurent un monde d'Europe mystérieux et intime. Ce sont là comme des miniatures profondes, impressions de journées ordinaires dans la surprise que tout cela « tient ensemble ». Le fil des traversées offre ainsi au lecteur une géographie personnelle, comme un journal aux secrets bien gardés.
Avec ce recueil, Anna Ayanoglou fait entendre une musique singulière, d'intimité européenne, étonnant de maturité.