On ne possède pas un chat, c'est le chat qui nous possède. Décrire ce qui apparaît et disparaît, essayer de saisir l'insaisissable, l'eau, la neige, le feu... ou un chat semble si difficile, voire impossible, que bien souvent on renonce, on donne sa langue au chat. Jacques Poullaouec, pourtant, s'y est essayé en subtilité à travers ses haïkus et gravures. À défaut de le faire parler, il lui a donné sa langue dans ce makimono, ce rouleau manuscrit et peint que les Japonais déroulaient et lisaient horizontalement. Voici donc un inventaire à la Prévert de ses sensations face aux postures, mouvements, silences ou miaulements de cet animal emblématique du haïku : la soudaine mobilité qui succède à l'immobilité la plus totale. Il est entré dans l'oeil du chat, pourra-t-il en sortir ?
Il ne suffit pas d'être entourée d'eau pour être une île.
Il faut que l'insularité soit singularité et que, risquant plus que ses grèves et ses landes, elle devienne une expérience.
Il ne suffit pas de prendre le bateau, de traverser le Fromveur pour être à Ouessant, pour voir l'île dans son essence, la rare, pour y découvrir la secrète alliance de son espace et de nos voeux.
En cela une île, une île véritable est un comme un théâtre, un monde en soi. Sans comparaison possible et clos sur lui même dans une exactitude mystérieuse. Et ce monde en soi parle du monde, parle de la totalité mieux que les livres.
Mais plus qu'une métaphore, l'île est un monde à partir duquel le rapport au monde peut se réinventer non pas une image miniature du monde mais la porte même des infinis.
Sans montagne on ne verrait pas le ciel, sans désert on ne verrait pas le sable, sans forêt on ne saurait rien des arbres et sans Ouessant une connaissance de l'océan manquerait. Un océan qui à partir de cette petite terre en forme de pince de crabe semble avoir gardé toute l'exigence des temps anciens. L'ailleurs s'y déploie jusqu'à se confondre à l'horizon avec nos désirs inassouvis et nos destins interrompus.
À Ouessant il y a des chemins qui mènent n'importe où en dehors du monde
Certains veulent mettre Paris en bouteille, d'autres se proposent d'enfermer l'univers entier dans le format réduit d'une photographie ou d'un haïku.
Le haïku est un court poème de la tradition classique japonaise, qui, dans l'espace réduit de trois vers, essaie de capturer un instant précis (provisoirement définitif et définitivement provisoire) où va se produire un phénomène naturel, une surprise, si modeste soit-elle, mais révélatrice de la relation entre l'homme et l'univers. Fixer son objectif sur un fragment d'espace, un alignement de mégalithes de Carnac, l'éternité de la pierre.
Poser trois lignes sur la feuille. et attendre le moment magique (le pinceau d'un rayon de soleil, l'apparition furtive d'un mouton. ) pour déclencher et saisir l'éphémère, l'instantané. voilà le dialogue que se proposent le photographe et le poète dans cet ouvrage qui se veut accessible à tous, où l'on fait d'une pierre un poème et d'un poème une image. Les photographies de Pierre Converset et les haïku de Jacques Poullaouec vous invitent à partager cet art de la contemplation qui est aussi effacement et modestie devant le monde : une façon de regarder, d'être et de se dire sans se montrer.
Les pierres sont polyglottes ! Elles parlent anglais avec Sika Fakambi, Laura Solomon, et l'aimable collaboration de Kate Davis. Elles ont prêté leur voix allemande à Regula Le Brun. Quant aux menhirs, ils s'expriment évidemment en breton sous la plume de David ar Gall.
Décoller, prendre de la hauteur, et laisser l'oeil embrasser le monde... Puis voir que le sol est derme, car s'y devinent tatouages et rides, cicatrices et veines, craquelures et insolites motifs... Monter donc, pour mieux plonger dans les regards et les sourires d'ailleurs. Y lire la tendresse et la curiosité, la gaîté et le courage, la sagesse et la joie. Mouvement d'ascension et de descente, mouvement du céleste au terrestre qui s'impriment dans le recueil photo-poétique de L. Philibien et J. Poullaouec. Et nos yeux, qui ont peut-être perdu leur capacité de s'étonner, de soudainement se dessiller...