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Lídia Jorge
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Vous n'avez jamais lu un texte comme celui-là !
Une vieille dame enregistre sur un petit magnétophone le journal d'une année de vie en maison de retraite. Sa fille, l'écrivaine Lídia Jorge, retranscrit les textes et leur rend leur force littéraire en suivant les pas de ce personnage extraordinaire qui a gardé une mémoire intacte, une imagination fertile, une curiosité pour les autres et une attention réelle à la beauté du monde, en dialoguant avec la mort comme avec un adversaire légitime.
Ce texte constitue un condensé incroyable de force vitale, de dérision, de révolte et de foi dans la vie. Avec des instants mémorables de la relation entre une mère et sa fille. Tout cela transforme ce récit en un témoignage admirable sur la condition humaine.
Misericordia est une véritable prouesse littéraire. Un récit à la fois brutal, ironique et aimable, un mélange de larmes et de rires qu'on n'oublie pas. Il nous montre une femme exceptionnelle portée par l'immortalité de l'espoir. -
La nuit des femmes qui chantent
Lídia Jorge
- Metailie
- Suite Portugaise
- 25 Septembre 2014
- 9782864249672
1987. Cinq jeunes femmes autour d'un piano, cinq survivantes du naufrage de l'Empire colonial portugais, elles sont là pour chanter. Il y a Gisela, qui les a convoquées et va mettre toute son audace et son énergie à leur transformation en un groupe vocal qui enregistre des disques et se produit sur scène. Il y a les deux soeurs Alcides, Maria Luisa la mezzo-soprano et Nani la soprano qui sortent du conservatoire. Il y a Madalena Micaia, The African Lady, à la sublime voix de jazz, noire et serveuse dans un restaurant, et enfin la plus jeune, Solange de Matos.
Il y a les relations de pouvoir si particulières des femmes, les pressions psychologiques, la façon de tout sacrifier à la réalisation d'un objectif. Elles ont travaillé dans un garage, elles ont appris à chanter, à composer des chansons, à danser sur scène, à marcher comme on danse, elles ont enregistré un disque, et l'impensable s'est produit.
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Notre monde contemporain, mû par un instinct sauvage de l'avenir, croise dans ce roman un monde plus ancien dans lequel une vieille usine abrite le destin d'une famille nombreuse récemment arrivée d'Afrique. Des mondes apparemment inconciliables que le hasard met en contact par l'intermédiaire de Milene Leandro, l'étrange jeune fille aux yeux de laquelle tout naît pour la première fois et dont la simplicité va tout bouleverser.
Dans un Algarve tragique et sauvage, Milene évolue entre une famille attachée à ses privilèges et à son image sociale et une tribu cap-verdienne vivace pour laquelle la musique irrigue la vie.
Milene nous conduit à travers la mort vers un amour impensable, un crime, une trahison et un silence à jamais scellé. Son regard toujours neuf sur la vie, le bien et le mal, sa vision de la valeur du monde constituent la matière même de ce roman.
Dans son oeuvre, Lídia Jorge fouille toujours au plus profond de la cruauté primaire des êtres. Ici, pour la première fois, elle nous découvre la perversité et la lâcheté qui l'accompagnent.
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La photo était là sur l'étagère tout en haut de la bibliothèque de son père. Un groupe d'hommes et de femmes autour d'une table de restaurant et parmi eux ses parents, l'éditorialiste lucide et la comédienne étrangère. Lorsque la CBS lui commande un documentaire revisitant les mythes de la révolution des oeillets, Ana Maria réalise que tous les acteurs du coup d'État qui renverse la dictature se trouvent sur cette photo. En compagnie de deux journalistes aussi jeunes qu'elle, elle les retrouve et, au fil de son enquête, découvre l'effet du passage du temps non seulement sur ces héros, mais aussi sur la société portugaise.
Survivants d'un temps oublié, les personnages de la photo essaient de recréer ce qu'a été l'illusion révolutionnaire, et le difficile chemin vers la démocratie. Le regard des jeunes gens sur les protagonistes d'une histoire que personne ne veut plus entendre réécrit cruellement leur épopée.
Lídia Jorge s'intéresse à l'espace indéfini qui sépare le récit que l'Histoire dévoile, avec ses vérités difficiles à affronter et la création du mythe, le moment où la vie a été transformée en une construction de l'imaginaire ou de la volonté.
Un roman exceptionnel sur la politique et le destin des rêves.
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Edmundo Galeano a 25 ans, il a parcouru le monde, participé à une mission humanitaire et est revenu dans la maison paternelle avec une main estropiée. Il est revenu pour écrire et passe ses jours à essayer d'élaborer littérairement son témoignage. Un roman qui expliquera le monde et l'empêchera de courir à sa perte.
Sa famille passe par une série de vicissitudes économiques qui mettent en danger la maison familiale, refuge de tous. Il y a l'aîné qui a mis sur pied un projet destiné à sauver la fortune de la famille en transformant deux bateaux, mais l'autorisation de l'administration se fait attendre depuis des années. Il a tenté de conjurer le sort et attend une bonne nouvelle. Un cadet avocat et dandy dont les affaires déclinent et qui essaie de sauver son cheval du naufrage de sa fortune. Le frère suivant qui réhabilite des immeubles vétustes pour les louer à des clandestins et est amoureux d'une belle Estonienne enceinte de lui et qui a besoin de place pour le bébé. La jeune soeur divorcée, avec un enfant de 8 ans fasciné par la baleine 52 Hertz, un enfant qui ne ressemble pas à son père mais au grand amour de sa mère. Et la tante Titi qui a sacrifié sa vie pour élever ses neveux et dont la vieillesse et la présence sont maintenant encombrantes. Lorsque le père de famille, armateur ruiné, baisse les bras, tout se précipite et chacun est confronté à ses échecs et à ses culpabilités. Edmundo prend alors conscience que ses aventures lointaines et son projet littéraire sont en relation directe avec les batailles privées qui se déroulent autour de lui.
Ce superbe roman choral nous montre, avec tendresse et ironie pour l'apprenti écrivain, le processus de la création littéraire, ses embûches, ce que représente le travail d'écriture. Il nous montre aussi comment les vies quotidiennes dépendent de ce qui se passe bien loin d'elles-mêmes et des décisions prises à d'autres échelles. Lídia Jorge, qui a toujours pratiqué un « réalisme aux portes ouvertes », nous trouble en introduisant des éléments fantastiques et irrationnels dans ses personnages et nous montre que la passion amoureuse va plus loin qu'on ne pourrait le penser. Elle montre le plus proche pour atteindre l'universel.
Après avoir exploré l'Histoire et les façons d'en rendre compte, Lídia Jorge revient à l'exploration des actions et des sentiments qui constituent les vies ordinaires et les abîmes qu'elles recouvrent. Un grand roman écrit par une très grande romancière.
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Au Mozambique, sur la terrasse d'un grand hôtel au bord de l'Océan, les sauterelles pleuvent sur les invités d'une noce et les brasiers éclairent les cadavres de noirs, au moment où le marié disparaît.
Vingt ans après, la jeune mariée, Eva Lopo, lit Les Sauterelles. Elle se souvient de cette période où elle a vu la guerre coloniale transformer le jeune marié en double de son capitaine et brandir sur des photos une tête de noir au bout d'une pique.
L'impitoyable portrait de la guerre et de la peur vu par une femme qui aurait voulu crier ce qui n'était que murmures.
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« J'étais la fille d'un hasard, d'une bêtise de jeunesse, de l'exubérance du corps... Alors j'étais responsable de ce que cette barque noire soit venue couler à notre porte. » Emma découvre qu'elle est la fille du jeune frère de son père, chassé par la famille et dont elle ne connaît que les dessins d'oiseaux qui jalonnent ses voyages à travers le monde. Elle va aimer passionnément ce père étrange qui lui a donné sa couverture de soldat et son revolver. Puis, adolescente, elle assiste à la lente destruction par la famille de l'image de l'absent.
Lídia Jorge écrit ici un roman poignant, direct, limpide, d'une force incroyable, qui vous tient prisonnier bien au-delà de sa lecture. Un livre exceptionnel.
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La nuit du passage à l'an 2000 va changer toute la vie d'Osvaldo, le psychanalyste, qui se définit comme un simple déchiffreur d'histoires. Autour de lui, la réalité commence à se modifier, comme les histoires que lui racontent ses patients dans le silence de son bureau. Cette nuit-là il perd sa femme mais en rencontre une autre, et sa "patiente magnifique, la visiteuse du soir", se prépare à lui révéler un secret qui va le placer devant une réalité clandestine aux répercutions incalculables.
Ce roman inquiétant nous plonge dans la vie intérieure d'Osvaldo, confronté à un combat qui le dépasse. Le lecteur, placé à un point d'observation unique, partage cette tension psychologique, sous la conduite d'une romancière qui nous a toujours montré qu'il n'existe rien de plus réel que l'onirique et rien de plus fantastique que le réel. Le titre n'est pas une incitation militante à combattre les ombres de la société moderne mais le constat de l'ironie qu'il y a dans l'impossibilité d'atteindre les auteurs du mal et de ne pouvoir combattre que leur ombre. Les crimes dont parle ce roman sont l'un des ingrédients de la grande tromperie qui constitue nos sociétés et que révèlent les rêves du psychanalyste. C'est un roman sur le risque de vivre pour l'homme ordinaire face au monde totalitaire que la modernité est en train de créer.
Ce livre a reçu dès sa sortie le Grand Prix de la Société des Auteurs Portugais.
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" Je me suis bornée à aider par curiosité de savoir.
Je ne suis pas coupable, déclare la romancière. Installée dans une vieille maison de Lisbonne, elle observe la vie des jeunes gens qui habitent sur le même palier qu'elle. Leonardo, qui veut battre des records d'immobilité et se produire au cours d'un happening à New york , Paulina la velléitaire, qui déclare n'être jamais responsable , Falcao le cinéaste, qui traque les images de la modernité, donc du crime ; Susana Marina, défiant la mort à la recherche d'une image d'elle-même.
Au rez-de-chaussée se noue le drame entre la logeuse, ex-Miss Plage, et son mari, l'opposant torturé par la police de Salazar. Le labyrinthe du roman s'articule autour des arborescences qui envahissent les murs de la chambre de la narratrice. Innocence et fuite devant la responsabilité forment la toile de fond de cette confrontation entre des générations aux valeurs devenues étrangères les unes aux autres.
Le roman culmine dans l'incendie du quartier du Chiado et la mort. Formidablement construit, au-delà de l'anecdote, ce roman oblige le lecteur à s'interroger sur le monde qu'il contribue à créer et sur la perversion de ses valeurs. Unanimement salué au Portugal, ce roman a été élu meilleur livre de l'année 1997 par la critique littéraire allemande.
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Deux femmes que lie une amitié-coup de foudre : julia grei, la jeune veuve encore adolescente, dont le seul garde-fou est joia, son petit garçon, et anabela cravo, la conquérante qui se prostitue pour payer ses études d'avocate.
Elles n'ont rien en commun, sinon leur fascination mutuelle, la solidarité qui les lie et d'étranges rapports de pouvoir. julia et anabela nous entraînent dans leurs trajectoires croisées qui passent par l'abjection de la prostitution pour atteindre la conquête de soi. " la romancière entrelace les deux brins de sa trame, les deux coloris de son univers, avec une virtuosité qui force l'admiration. on ne peut manquer d'être étonné par ce registre qui va de maupassant à virginia woolf par ces motifs qui reviennent à l'envers du tapis avec une si parfaite sûreté de dessin.
" jacques fressard, la quinzaine littéraire.