Nestor Ivanovitch Makhno (1888-1934) est issu de la paysannerie pauvre d'Ukraine orientale, berceau des Cosaques zaporogues.
Sous son impulsion, entre 1917 et 1921, le groupe communiste libertaire de Gouliaï-Polié prit la tête du formidable mouvement insurrectionnel paysan dont l'intervention contre les troupes d'occupation austro-allemandes, puis contre les armées blanches, infléchit de manière décisive le cours de la guerre civile russe. Mais l'épopée de la guerre des partisans ne constitue qu'un aspect de l'histoire de la Makhnovchtchina.
Makhno et les siens se battaient pour un nouvel ordre social " où il n'y aurait ni esclavage ni mensonge, ni honte, ni divinités méprisables, ni chaînes, où l'on ne pourrait acheter ni l'amour ni l'espace, où il n'y aurait que la vérité et la sincérité des hommes ". Sur un territoire de deux millions et demi d'habitants affranchi de tout pouvoir d'État, ils formèrent des communes agraires autonomes dotées des organes d'une démocratie directe : soviets libres et comités de base.
Les insurgés makhnovistes croyaient sauver la révolution russe et mondiale - car ils ne luttaient pas seulement pour leur compte - et s'aperçurent trop tard qu'ils faisaient le jeu de la dictature d'un Parti-État dont les objectifs s'opposaient radicalement aux leurs. Malentendu tragique, non seulement pour eux-mêmes mais pour le projet révolutionnaire du xxe siècle - jusqu'à nos jours.
« L'anarchisme, ce n'est pas seulement une doctrine qui traite de la vie sociale de l'homme, comprise dans le sens étroit que lui prêtent les dictionnaires politiques et, parfois, lors de meetings, nos orateurs propagandistes. C'est aussi un enseignement qui embrasse la vie de l'homme dans son intégralité».
Ainsi commence cette nouvelle édition de ces textes, trop souvent négligés par les penseurs d'aujourd'hui, signés du plus célèbre anarchiste ukrainien de la Révolution russe et de la terrible guerre civile qui ensanglanta la future URSS dans les années vingt.
Des textes fondateurs de la pensée politique de celui qui réussit à tenir tête à Lénine, Trotsky comme à l'armée des contre-révolutionnaires sous les ordres du général Dénikine.
Ce recueil est précédé de la vibrante nécrologie que Lucille Pelletier, célèbre militante anarchiste française écrivit en 1934 dans la revue libertaire, La Révolution prolétarienne, en hommage à Nestor Makhno.