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Pierre Alferi
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2103. An quarante de la nouvelle ère. Ce qui reste de l'humanité survit dans des nacelles suspendues au-dessus de la Terre. Dans la haute atmosphère, où l'air est encore respirable, de frêles esquifs rattachés à un mystérieux Navire Amiral abritent d'étranges survivants. La surface de la Terre, en surchauffe, voit se succéder épidémies et cataclysmes. Il a fallu se faire à la vie suspendue entre ciel et terre. Les minuscules communautés inventent une nouvelle vie, chacune mal soudée par un hobby qui les rassemble. On ne mange plus, on s'imprègne. On surgèle les mourants, et plus haut, des «aristechnocrates» surveillent, et plus haut encore le Navire Amiral se tait. Hors sol est un grand roman poétique d'anticipation qui, de nacelle en nacelle, invite le lecteur à explorer une nouvelle vie humaine dans le ciel autour de feu la Terre. On y retrouve surtout les tendances les plus folles de notre société contemporaine : écartèlement des classes, saccage du vivant, insularisation et hyperconnexion, dérives transhumanistes, hédonisme sexuel et indifférence...
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«la honte nous survivra nos descendants diront enjambaient des corps longeaient des familles à terre pour faire leurs courses ou des as du contrôle héros de sf parleront de l'époque où l'on s'est mis à s'entrevoir en mesures de chair humaine biomasse sans dessin net et scruteront les figurants au drôle d'accent d'une série z en costumes» Pierre Alferi.
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Compagnon de route de Suzanne Doppelt dans la revue Détail, complice d'Olivier Cadiot pour la Revue de littérature générale et traducteur des poètes américains les plus iconoclastes (Louis Zukofsky, John Ashbery), Pierre Alferi est une importante figure du renouveau poétique et littéraire des trente dernières années. Si le travail de Pierre Alferi s'inscrit à la fois dans les milieux de la poésie, du roman, du théâtre, de l'essai, mais aussi du cinéma, de la musique ou encore du dessin, il en explore d'autant plus les territoires limitrophes à travers l'examen, le déplacement et le branchement des techniques, des médias et des formats.
En interrogeant nos usages du langage et des signes et en testant divers dispositifs de pensée, Alferi mène une réflexion sur le réel marquée par l'attention, l'exploration et l'expérimentation, ouvrant ainsi un espace, tel un courant d'air, d'élucidation et de reconfiguration de la pluralité d'aspects de nos conditions de vie. -
«Que cherchent les écrivains qui, au risque de passer sous les radars médiatiques, n'empruntent pas l'autoroute du récit linéaire et du reportage romancé ? La voie étroite de la poésie débouche sur des formes minoritaires et sur des consistances bizarres de prose. Comme s'il fallait d'urgence ranimer, redessiner les mots en troublant leur usage. Mais dans quel but, au juste ? De temps à autre, on m'invite à exposer des idées. Mon choix du sujet est toujours intéressé. Il concerne ce que je pratique : la poésie et la prose narrative surtout, un peu le montage et le dessin. Il s'agit de parler en s'adressant à des gens en particulier. La dispute n'est jamais loin. Le ton n'est pas toujours sérieux. Limité par le temps, je procède quelquefois par simples assertions, qui se lisent alors comme les têtes de chapitres manquants. Esquisses d'une réflexion que d'autres prolongeraient, ces brefs discours sont ensuite laissés en l'état. Ils portent, donc, sur des inventions marginales : poèmes prosaïques, visuels ou animés, récits digressifs ou hétérogènes, figures de monstres, films dansants, fantômes tracés. Ils suggèrent une certaine politique des formes. Ils plaident pour une imagination technique assez négligée - ou mal vue - en littérature.»
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Au début du XIVe siècle, Guillaume d'Ockham assigna à la philosophie une tâche nouvelle, dont elle a encore à s'acquitter : penser la singularité de chaque chose, décrire depuis ce point irréductible le contenu de l'expérience et le fonctionnement du langage.
Pour cerner ce projet, on propose ici une interprétation systématique de la pensée d'Ockham.
En affirmant résolument leur singularité, il cherche dans les choses mêmes un point de départ modeste pour la philosophie. C'est le projet d'une ontologie réduite à sa plus simple expression. Il demande à l'expérience de montrer comment cet arbre, cette pierre devient pour nous l'élément d'une série - les arbres, les pierres.
C'est le projet d'un empirisme. Il demande au langage de montrer que l'on peut, fût-ce par des termes généraux, signifier des choses singulières, afin d'analyser la référence sous toutes ses formes. C'est le projet d'un nominalisme.
Singularité, sérialité, référence : trois faits fondateurs et trois questions à nouveau ouvertes. Qu'est-ce que le singulier ? Comment, autour de lui, constituer des séries ? Comment le signifier ?
P.
A.
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Ce roman bref met en scène un héros, Horacio Picq, dont on comprend assez vite qu'il est un «révolutionnaire professionnel» qui, pour parfaire sa connaissance des fortifications militaires, s'est rendu en province dans une forteresse, précisément, dont la bibliothèque, ouverte aux chercheurs, recèle de précieuses indications. Las, il semble avoir été démasqué, et se trouve en fait emprisonné par surprise. Dans sa chambre qui devient une cellule, il découvre, outre une carte du ciel, une paire de jumelles qui ont cette propriété non seulement de fouiller au plus profond l'espace nocturne mais de l'animer, d'y faire entrer le temps, l'évolution : spectacle dont notre prisonnier ne va plus se lasser. Par ailleurs sa vie est rythmée par les visites régulières d'une geôlière-cuisinière bien en chair mais intraitable, puis de sa soeur jumelle tout à fait compréhensive, amoureusement compréhensive, elle. Ce presque conte écrit avec raffinement est une merveille d'humour, de drôlerie légère. Les fantasmes révolutionnaires s'y défont avec grâce tandis que les ébats amoureux et les découvertes de science amusante servent à merveille de sentimentales supercheries.
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Les poèmes de La Voie des airs sont du genre lyrique sec. Une voix en appelle une autre pour donner forme aux forces qui lient un homme à une femme, une conscience précaire aux corps et décors qui la traversent quotidiennement. Airs de musique et liaisons téléphoniques, fluide et traces lumineuses, ondes et vide chargé qui attire ou repousse, odeurs et influences, choses qui affectent d'autant plus qu'elles restent impalpables : cette matière s'est déposée en poèmes brefs, où un simple tiret marque un changement d'angle ou de rythme.
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Ce sont des poèmes improvisés comme une conversation. Un exergue extrait un sujet. Donc on voit en gros de quoi ils parlent (d'amour, du jour et de la nuit, de temps, de cinéma, de mouvement), et précisément ce qu'ils disent, mais pas très bien ce qu'ils veulent dire. Ils repoussent le sens d'une image à l'autre, qu'ils défont, d'une phrase à l'autre, qu'ils coupent, un peu comme on frappe un ballon. Peut-être qu'ils ne riment à rien ? Peut-être qu'ils sont fidèles, en esquivant la communication, à un «sentiment monstre», à une expérience du présent où «aucun flou n'est évitable».
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Le narrateur se soumet à quatre expériences. La première est de sortir. La deuxième, de passer le temps. La troisième, de rentrer chez soi. La quatrième de regarder. Récit d'une aventure.
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Cette suite d'articles, pour la plupart publiés en ligne sur le site des Cahiers du cinéma, certains dans la revue Vacarme, s'organisent autour de quelques faits ou éléments constitutifs, pour Pierre Alferi, du pouvoir qu'exerce le cinéma sur nous. D'abord le fantastique et l'immaturité qui sont d'ailleurs, hors même le genre dit fantastique qui fait ici l'objet de beaux développements, au coeur du cinéma qui produit des fantômes animés. Pierre Alferi s'attache à l'évocation et à la critique aussi bien des films à effets (science-fiction, monstres, vampires, etc.) que d'oeuvres plus discrètes, elliptiques, mais pas moins efficaces (ainsi du cinéma de Jacques Tourneur). Ensuite la mélancolie filmée à travers cette manière qu'ont certains héros non pas de regagner le monde qui leur a été refusé, mais d'en faire leur deuil. Ensuite encore, bien sûr, les acteurs, ce qui les fait, peut-être, des êtres d'un genre unique dont les personnages endossés seraient les espèces. Quelques portraits pour cerner une singularité qui ne s'affiche pas, hyperphysique, qui se laisse entrevoir de rôle en rôle, entre les avatars. Enfin, quelques articles imaginent des cinéastes à partir de leurs films. Certains s'appuyèrent sur un modèle déjà classique du beau, dans le théâtre et la peinture, pour maintenir farouchement une volonté d'art dans l'usine à films (Lang, Murnau, Ulmer, Preminger). D'autres, arrivés un peu tard, ont mimé cette volonté (Minnelli, Corman, Lynch, Kitano).
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Dans la famille lambda vous demandez la mère, le père, le frère, la soeur. Chaque fois que vous attendez une carte, vous en obtenez au moins deux - Mammère première la naturelle, Mammère seconde l'adoptive, Mompère l'espion, le pianiste, le pasteur, un frère proliférant dans les fourmilières et la mousse, une soeur poupée ou cantatrice, etc. Dans le cinéma des familles, chacun porte sur l'écran une ombre démesurée où l'autre peut se fondre. Leur rencontre a lancé des scénarios de crimes, de sacrifices, de fugues, de retrouvailles. Jim fut-il condamné à tort ? Quel âge avait Tom ? Rose a-t-elle survécu ? Alice est-elle idiote ? Où va la rivière ? Suis-je un monstre ? Avec ça, les témoins s'inventent des dialectes, car ce sont des enfants. Et là où une autofiction aurait cru rassembler les membres, le cinéma de toutes les familles démultiplie le foyer, le disperse jusqu'à la lune, jusqu'aux étoiles. C'est Alice qui chante cela. Le film a déjà commencé.
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Un homme se dit prisonnier du regard d'une femme. Il part à la rencontre de n'importe qui. Une histoire se noue, se dénoue. Le couple se penche sur la petite différence, le petit différend qui l'a fait basculer. Il s'agit donc d'amour : hantise et abandon, désir et déception. Il y a de la mystique, des adresses, de la pornographie, des scrupules. Et il s'agit de genres : féminin, masculin et neutre, prose et poèmes en prose, confession et dialogue, vidéo littéraire, récit de voyage urbain, sermon, science-fiction, brèves épiphanies sexuelles, monologues intérieurs. «Prostitution de l'âme» et décentrement du langage.
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C'est le texte de trois pièces - Répète, Coloc, Les Grands - commandées par Fanny de Chaillé. Pour parler, donc, de plein de choses, comme tous les jours. Mais aussi, se parler à distance, transcrit, trahi. Être parlé.e.s, ventriloqué.e.s.
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Genre : poésie, faite ici des mouvements les plus quotidiens du corps, du regard et de la pensée, refaits et repensés. Sujet : variété de ces mouvements (dérive, chute, oscillation...), courbes décrites lors d'un transport (nage, mémoire ou promenade), petits gestes, petits mobiles. Forme : syntaxe de ces mouvements, rythme qui fait franchir le pas, vers enjambés. Allures naturelles : machinales et forcées, comme est la marche des animaux. Les dix suites brèves qui composent ce livre ont pour thème chacune un mouvement accompli tous les jours, qu'une à cinq variations décomposent, interprètent, et surtout essaient d'imprimer. Le seul souci poétique de ces pages, par ailleurs sans apprêt, est rythmique : produire par tous les moyens - de la syntaxe, de la prosodie, de la ponctuation - un équilibre instable qui soit une légèreté en même temps qu'un entraînement, comme un enfant apprend à marcher, un derviche à tourner. Ces mouvements qui ne sont ni métaphoriques ni mécaniques, mais vécus sans qu'on s'y arrête, Pierre Alferi a choisi de les appeler «allures naturelles», par analogie avec la démarche instinctive des chevaux.
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«- Récapitulons le monde a une longueur d'avance sur vous vous espériez le rattraper en vous lançant dans la première histoire d'amour venue et vous vous retrouvez je vous cite cernée par des objets et des gens menaçants plus perdue que jamais. - Exactement. - Vous implosez vous venez me voir je vous en félicite. - Je n'y suis pour rien. - C'est pourtant ce que vous avez fait de mieux et maintenant vous refusez le traitement ? vous vous croyez soudain guérie parce que vous avez acquis la certitude je vous cite que quelqu'un veille et vous protège tout cela sur la foi d'un post-it ramassé sous un meuble c'est bien ça ? - En gros oui. - Alors vous voilà prête à mener l'enquête sur vos proches qui je vous cite vous cachent des choses depuis le début concernant certains fruits ? - Avec votre encouragement j'y mettrai tout mon coeur. - Ah mais non surtout pas je vous le déconseille je vous le déconseille vivement.»
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«Cher lecteur ou chère lectrice, on m'appelle Ben. J'ai dix-neuf ans et un CDD au musée de l'École de Médecine de Liguse. À la suite d'une rupture, j'ai emménagé dans les quartiers nord - 17, rue de la Cité. Mes voisins sont charmants. La rue est fréquentée la nuit, mais les petits trafics y sont inoffensifs, et tout le monde vit en bonne intelligence. Pourtant, depuis quelques semaines, une vague de crimes s'abat sur nous : destruction, explosion, enlèvement, expropriation. J'ai mené mon enquête. Je connais maintenant les auteurs. Je ne crois pas qu'ils l'aient deviné, mais je préfère prendre les devants. Sachez donc qu'il s'agit de Or il ne put écrire la première lettre d'un nom. Dénoncer lui était impossible.»
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Contre la littérature politique
Pierre Alferi, Leslie Kaplan, Nathalie Quintanae, Tanguy Viel, Antoine Volodine, Louisa Yousfi
- Fabrique
- 19 Janvier 2024
- 9782358722728
À l'aube des années 10 de ce siècle, alors que la sous-direction antiterroriste frappait à la porte, aux fenêtres et sur les ami-es de notre maison d'édition, nous avons publié « Toi aussi, tu as des armes », sous-titré poésie & politique. Ce livre, où il était question de poésie, réunissait des écrivain-es qui avaient en commun de ne pas trop aimer qu'on les traite de poètes. Il venait témoigner d'une conversation presque clandestine à propos des manières de faire de la poésie une politique et de rendre à la politique sa poésie. Il y a plus de dix ans ce geste constituait une petite bizarrerie. Aujourd'hui, le mot « politique » est partout en littérature, peut-être au point d'en disséminer le sens et d'en atténuer la portée. C'est ce qui nous a à nouveau poussés à réunir quelques ami-es (et ami-es d'ami-es) parmi ceux et celles qui ont maintenu un effort pour renouveler la tension entre littérature et politique moins comme un thème ou une position mais davantage comme une manière de faire et de défaire.
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Sylvie Fanchon
Pierre Alferi, Ingrid Luquet-gad
- Ecole Nationale Superieure Des Beaux Arts
- 10 Février 2021
- 9782840567653
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