L'érotisme n'est pas la pulsion sexuelle, mais sa représentation, le symbole par lequel Éros, artiste et technicien, reformule siècle après siècle notre puissance à connaître physiquement la saveur de l'éternité. Le culte du plaisir a été trop souvent pris en otage par les sectateurs de l'effroi et de la souillure : après un millénaire et demi de répression, le désir sexuel garde un amour coupable pour ses tortionnaires, au point de se laisser aller parfois à la dérive. Mais cet érotisme-là ne peut nous faire oublier l'étendue infiniment plus vaste et, somme toute, plus enthousiasmante, d'un autre érotisme, affirmatif, joyeux et libérateur : celui qui a fondé le socle mythique des premières cicilisations, qui oeuvre à concilier le désir et les spiritualités, qui participe à tous les combats pour l'émancipation des corps et des esprits, celui enfin qui a fait notre modernité. C'est cette histoire bouleversante - la nôtre - que Pierre-Marc de Biasi nous conte avec émotion et en toute liberté.
Découvrir un pays revient toujours à mettre ses pas dans les traces de ceux qui nous y ont précédés. Quand il s'agit d'écrivains ou d'artistes, ces traces sont des mots et des images que le voyage fait confusément ressurgir dans notre mémoire pour nous aider à vivre plus intensément le présent. C'est le défi de ce livre?: partir en Tunisie en compagnie de grands écrivains français qui l'ont traversée à quatre moments du xixe?siècle?: Chateaubriand en 1807, Dumas juste avant la révolution de 1848, Flaubert pour écrire Salammbô en 1858 et Maupassant, vers la fin du siècle. Leurs récits sont très contrastés?: promenade érudite, journal de voyage picaresque, carnet de repérage littéraire, reportage de presse. Une diversité de points de vue qui témoigne d'intentions et de sensibilités différentes, mais qui enregistre aussi les étapes d'une irréversible métamorphose sous l'effet de l'Histoire. Avec une formidable leçon politique?: c'est le regard anticolonial de Flaubert et de Maupassant qui nous donne l'image la plus authentique de l'identité tunisienne, de ce qu'elle persiste à être en dépit de l'occupation française.
Une biographie unanimement saluée par la critique (prix de la biographie du Point en 2009), par un grand spécialiste de Flaubert. De l'oeuvre à l'existence, avec entre les deux, une manière spéciale de vivre.
Il écrivait jusqu'au petit matin, au premier étage de sa maison de croisset, chaque nuit, avec une telle constance que les mariniers qui remontaient la seine, de nuit, se servaient de ses fenêtres illuminées comme d'un fanal pour naviguer.
Persuadé qu'" une oeuvre n'a d'importance qu'en vertu de son éternité ", et que l'enjeu valait bien le pari d'y consacrer sa vie, flaubert s'était donné le nom d'" homme-plume ". amours, voyages, recherches, passions, amitiés, révolutions, solitude, toutes les expériences vécues, que révèle son étincelante correspondance, n'ont convergé que vers un seul but : écrire, donner à la prose française son statut d'oeuvre d'art, inventer les formes du roman moderne.
" j'écris non pour le lecteur d'aujourd'hui, mais pour tous les lecteurs qui pourront se présenter, tant que la langue vivra " (à george sand, 4 décembre 1872). voici donc gustave flaubert, notre contemporain, raconté par pierre-marc de biasi.
Il y a dix ans, Steve Jobs présente son dernier-né : iPhone, premier téléphone cellulaire contenant un navigateur Internet, un iPod et un écran tactile multi-touch. C'est une révolution. Depuis, le smartphone a su se rendre aussi indispensable que l'air que l'on respire : on ne l'éteint que forcé et contraint, on ne s'en sépare jamais, au point que certains parlent de pathologie addictive, d'amnésie, d'hyper connexion, de confusion mentale. D'un autre côté, chacun mesure l'étendue des services rendus : communiquer, s'informer, traduire, écouter, lire, écrire, voir, photographier, se localiser, payer, jouer... Le smartphone n'est pas qu'un intercesseur efficace du réel, il est devenu notre point de vue sur le monde. Son rôle de médiateur est tel qu'il finit par adhérer à nous comme une sorte d'artefact organique, sans frontière entre l'outil et son utilisateur.
Avec l'intelligence artificielle et la 5G, le smartphone augmenté nous dotera de super pouvoirs, mais en aggravant les dangers. Il nous a appris à désapprendre : il fera de nous des assistés. Il vend nos profils au plus offrant : il servira à nous manipuler pour orienter nos votes. Il espionne notre vie privée : il fera de nous les sujets d'un véritable empire de la surveillance. À moins qu'il ne devienne l'instrument d'une nouvelle conscience collective capable de donner leurs chances à la fraternité, à la démocratie directe et à la survie de la planète.
Enrichi de témoignages, Le troisième cerveau est un essai décapant sur un comportement à risque : notre sujétion aveugle à l'objet fétiche de la culture numérique.
La génétique des textes, en plein essor, est l'une des principales innovations critiques des trente dernières années. Elle renouvelle la connaissance des textes à la lumière de leurs manuscrits de travail, en déplaçant la réflexion de l'écrit vers l'écriture, de la structure vers les processus, de l'oeuvre vers sa genèse. Le manuscrit est ainsi réinterprété à travers la succession des esquisses et des brouillons qui lui ont donné naissance et qui l'ont conduit à sa forme imprimée.
L'ouvrage, présentant l'histoire, les techniques et les méthodes de la discipline, est donc un essentiel pour les étudiants en lettres et tous ceux qui cherchent à approfondir leurs connaissances en la matière.
Le papier ne serait-il pas la plus importante invention de tous les temps ? Imagine-t-on un monde sans papier ? Un monde sans livres, sans images, sans journaux ; une vie dans laquelle les hommes ne se seraient jamais adressé de lettres, les écoliers n'auraient jamais eu de cahiers, ni les fonctionnaires d'archives...
Ce contact quotidien avec le papier dans tous ses états, c'est aux Chinois que nous le devons. Trois siècles avant notre ère, ils en mettent au point les principes de fabrication, à partir d'une pâte de bambou ou de mûrier : puisage à la forme souple, séchage, encollage, coloration. Peu à peu, ce nouveau matériau fait route vers l'Ouest, atteint le monde arabe en 751, puis l'Italie, l'Europe du Nord, toute la planète enfin.
En 1799, l'invention de la machine à papier en continu, par Louis-Nicolas Robert, le fait passer dans l'âge industriel. Désormais, avec 300 millions de tonnes produites par an, à partir de pâte de bois et de papiers recyclés, il sert à tout, il est à lui seul un monde, dans lequel nous guide Pierre-Marc de Biasi.
La mémoire littéraire de l'Afrique, des Caraïbes et de nombreux pays émergents risque de disparaître physiquement à court terme. Comment faire face à ce désastre annoncé ?
Les archives sont « uniques » et « irremplaçables », comme le rappelle la Déclaration universelle sur les archives de l'UNESCO, mais elles sont fragiles. Les manuscrits littéraires, porteurs de l'histoire et de la mémoire des peuples, constituent une part essentielle du patrimoine culturel. Leur importance devient majeure lorsque cette histoire est celle d'un peuple colonisé qui n'est devenu acteur de sa propre culture qu'en devenant indépendant.
Or l'intégrité et l'existence même de ces manuscrits modernes se trouvent aujourd'hui remises en cause par les risques climatiques, biologiques, économiques, sociaux, religieux, politiques ou militaires. Face à ces dangers, les dépositaires des fonds d'archives restent souvent complètement démunis. Des Manuscrits de Tombouctou aux archives contemporaines, la totalité d'une tradition écrite est en péril. Si rien n'est fait, dans vingt ans cette mémoire aura disparu.
Comment sauvegarder, conserver et valoriser ces manuscrits littéraires ? Comment les arracher au risque d'une prochaine destruction, les rendre accessibles, sans en déposséder les pays auxquels ils appartiennent légitimement ?
Ce grand projet de sauvegarde relève de l'urgence. Il implique la mise en place d'un réseau d'experts et de bibliothèques, ainsi qu'une plateforme internationale permettant leur numérisation et leur consultation en ligne.
Et si Flaubert, dont on fête en 2021 le bicentenaire, n'était né, en réalité, qu'il y a une cinquantaine d'années?? Entre?1960 et?1980, la France traverse une période d'intense effervescence intellectuelle?: ce que l'on appellera le moment théorique. Les sciences de l'homme sont mises à contribution pour repenser la littérature selon les normes d'une axiologie formelle - le structuralisme - où prévalent les exigences de systématicité et de radicalité.
C'est dans ce contexte que Flaubert acquiert une notoriété de premier plan. En moins d'une décennie, il s'impose comme une référence dominante pour la nouvelle critique, l'Université et les jeunes romanciers qui découvrent sa flamboyante Correspondance à travers une anthologie, centrée sur sa poétique?: Préface à la vie de l'écrivain de Geneviève Bollème, où il apparaît comme un véritable précurseur du roman contemporain et de l'esthétique conceptuelle.
De Roland Barthes à Michel Foucault, de Jean-Paul Sartre à Pierre Bourdieu ou à Jacques Rancière, de Michel Butor, Nathalie Sarraute et Alain Robbe-Grillet à Pierre Bergounioux ou Pierre Michon, de Jean-Pierre Richard à Gérard Genette, c'est toute une génération qui reconnaît en Flaubert la figure souveraine de l'écrivain, au sens absolu du terme, à la fois prophète du minimalisme, théoricien du style et du travail sur la prose, penseur du processus créatif et inventeur du roman moderne. Sans chercher à être exhaustif, cet ouvrage suit l'ordre alphabétique pour explorer, à travers quelques grands acteurs du moment théorique, ce fascinant processus de réception créatrice dont nous continuons tous aujourd'hui à être les héritiers.
Discipline jeune, née du « moment théorique » des années 1970, la génétique constitue l'une des principales innovations des trente dernières années dans les méthodes d'approche de la littérature et de la création. Après avoir défi ni sa démarche et ses outils d'analyse dans le champ des études littéraires, la critique génétique élargit son horizon à de nouveaux domaines, textuels ou non, relevant notamment de l'histoire de l'art et de l'histoire des sciences.
Dans le prolongement des deux précédents congrès de critique génétique, les Actes de cette rencontre (Cerisy, 2010) qui a réuni une soixantaine de chercheurs et une douzaine de nationalités, offrent une image complète et détaillée des avancées de la discipline et de ses enjeux majeurs : théorie et terminologie de la génétique, relations aux méthodes critiques et à l'esthétique, grands corpus et nouveaux champs d'investigation (littératures francophones, peinture, photographie, architecture, cognition, informatique), édition en ligne des manuscrits, liens entre conservation et recherche, archive numérique, diffusion de la discipline dans le monde, recherches doctorales en cours.
Un « état de l'art » indispensable pour découvrir les avancées et les potentialités surprenantes de cette approche scientifique qui renouvelle notre connaissance de l'oeuvre à partir de ses archives de travail et de ses processus de création.
On dit l'« Olympia » de Manet, « La Joconde » de Vinci, ou « Guernica » de Picasso, comme si le lien entre le tableau et son titre allait de soi. Pourtant, identifier l'oeuvre d'art par un « titre » est une pratique récente. Mais est-ce toujours l'artiste qui nomme sa création ? Par quel processus et à quel moment prend forme l'acte d'intituler une oeuvre ? Quel rôle le titre joue-t-il dans sa création et dans sa réception ? La Fabrique des titres répond pour la première fois à ces questions en portant l'enquête dans les coulisses de la création, du XVIIe siècle à nos jours : intitulés personnels des artistes, titres d'ateliers, intitulations de Salon, musée ou galerie, qualifications de circonstance, dénominations fictives, jusqu'au cas paradoxal des « sans-titre ».
Réunissant les meilleurs spécialistes de Courbet, Manet, Gauguin, Rodin, Joan Miró, André Masson, Alechinsky, Cy Twombly, Louise Bourgeois et Gina Pane, le livre aborde une multiplicité de genres allant de la peinture aux arts graphiques, de la sculpture à la photographie, de l'action aux performances.
Un champ de recherche inédit, fertile en découvertes surprenantes, pour comprendre la genèse de ce geste inaugural : donner à l'oeuvre le nom qui la représentera.
écrivain chercheur dont l'oeuvre a profondément redéfini les liens entre savoir et création, Flaubert s'est intéressé très tôt aux mythologies antiques, à l'histoire des religions, aux hérésies et aux formes les plus étranges de la croyance, mais aussi à la place du religieux et de la faculté de croire dans la pensée et l'esthétique de son temps. Dans le prolongement de Flaubert. Les pouvoirs du mythe, tome 1, qui a mis au jour l'importance, jusque-là mal connue, des relations de l'écriture flaubertienne à l'intertextualité mythographique, à la question du symbole et aux processus de désymbolisation, le présent volume approfondit la théorie et la poétique du mythe dans l'oeuvre de Flaubert et ses dossiers manuscrits.
Expert en mythographie, le texte flaubertien ne se nourrit jamais des mythes comme de simples sour- ces, mais s'emploie, par le montage et la réécriture du vu et du lu, à sonder l'énigme du mythologique pour en faire l'espace même de l'oeuvre contemporaine.
Avec les contributions de P.-M. de Biasi, D. Boltz, Ph. Dufour, A. Herschberg Pierrot, G. Hindemith, C. Reichart, R. Schlesier, D. Stöferle, B. Vinken, L .Windels et E. Zollinger.
Flaubert n'est pas seulement l'auteur qui a bouleversé l'histoire du roman, ni l'homme singulier que révèle sa correspondance : il est l'écrivain-chercheur dont l'oeuvre ne cesse de s'élargir comme l'horizon de notre écriture.Pierre-Marc de Biasi
Dominé par les rythmes courts de la communication, notre monde s'asphyxie avec ses propres clichés: il multiplie les points de vue et les interprétations, mais semble de moins en moins apte à vérifier ses sources et à maîtriser son vocabulaire. Dans un tel contexte, les formules toutes faites naissent vite, mais vieillissent et meurent aussi prématurément. D'autres, pas plus enviables, ont la vie dure.
Ce livre se veut une enquête sur l'esprit et la lettre de notre temps: comment les mots agissent-ils sur les croyances ? Par quels processus naissent les formules qui frappent, et à quel prix ?
Antisémite, audimat, clone, consensus, dette, deuil, flux, gouvernance, image, pornographie, proximité, service public, virus... tous ces mots, que l'on utilise sans trop y réfléchir, que veulent-ils dire ? À notre insu, ils fabriquent l'actuel, mais au passage certains se sont mis à penser à notre place. Alors, finalement, qui parle à travers nous oe Voici une première moisson de termes suspects et de formules à double fond. Chaque échantillon est examiné à la loupe: étymologie, genèse, histoire, usages actuels, arrrière-pensées, sous-entendus idéologiques, effets pratiques. En prononçant tel mot, ou en faisant mine de l'admettre, voici en réalité ce que nous nous engageons à penser, à dire et à faire croire.