Broken English (1979) constitue une renaissance et un tournant pour Marianne Faithfull, l'égérie britannique des années 1960. La voix abimée par des années d'excès pose une nouvelle atmosphère tournée vers la décennie des années 1980.
Des théoriciens de l'Anarchisme aux événements majeurs de l'Histoire dans lesquels les anarchistes ont joué un rôle de premier plan (révolution mexicaine, révolution russe, guerre d'Espagne...), les grandes idées et les conquêtes de l'esprit libertaire sont ici convoquées dans un récit satirique et corrosif. Mouvement occulté et méconnu, l'Anarchie connaît un actuel regain qui témoigne de sa fécondité dans notre monde contemporain en crise.
En 1975, dans un New-York en surfusion, à l'écart du son des protopunks, surgit un disque culte, un brasier de poésie rock, Horses. Après Janis Joplin, Patti Smith est la pionnière d'un nouveau visage du rock féminin, un rock anguleux, halluciné.
La vie doit être mouvement » écrivait Annemarie Schwarzenbach, en 1930, dans un article sur la jeunesse. Ceux qui connaissent la destinée de cette écrivaine à la personnalité aussi étonnante que mystérieuse savent à quel point cette affirmation aura été, pour elle, impérieuse et programmatique. Dès son plus jeune âge, et bien avant certaines grandes figures du récit de voyage, Annemarie Schwarzenbach se met à bouger, que ce soit sur les routes ou par l'esprit. Quelles sont les raisons de ce besoin fondateur de mobilité et d'itinérance chez Annemarie Schwarzenbach ? Quelles sont les formes qu'il aura prises, quels auront été ses aboutissements, mais aussi, bien sûr, ses impasses ? Véronique Bergen s'attache à répondre à ces questions dans Annemarie Schwarzenbach, la vie en mouvement. Ce faisant, elle dresse un portrait sensible et original de l'écrivaine, et apporte un éclairage nouveau sur l'une des personnalités suisses les plus inspirantes du siècle dernier.
Cette nuit, la forme que mon récit doit adopter m'a été révélée par un rêve. Davantage qu'un livre-amphibie, il me faut inventer un roman vortex, dansant comme un tourbillon d'écume, un roman aux pages-branchies, aux phrases ciselées comme des écailles, un roman qui se lance à la mer et nage vers le paléolithique. Tout à la fois roman des cétacés et récit des amours d'Anaïs, Écume se place dans le sillage de Moby Dick, le chef-d'oeuvre d'Herman Melville, pour transformer le récit d'une chasse en ode à la vie et à la liberté. Véronique Bergen est romancière, poète et philosophe. Parmi ses derniers ouvrages parus, on trouve Marianne Faithfull. Broken English (Éd. Densité) ou encore Marolles. La Cour des chats chez CFC Éditions. Elle a publié plusieurs romans chez ONLIT dont Tous doivent être sauvés ou aucun, récompensé par le prix Scam Littérature.
Être Barbarella, c'est être femme libre et indépendante, émancipée et aventurière, séduisante et fascinante, pleinement inscrite au coeur des sixties.
Dessinée par Jean-Claude Forest dès 1962 à partir de la plastique de Brigitte Bardot, incarnée par Jane Fonda pour la caméra de Roger Vadim en 1968, Barbarella brise les tabous comme les images stéréotypées de la pin-up.
Fille de l'espace, elle est aussi une fille de son temps, qui traverse les problématiques contemporaines :
L'éthique et l'érotique, l'antispécisme et le transhumanisme, l'urgence écologique et la critique des modes de gouvernance. Ambassadrice de la paix, Barbarella fait l'amour plutôt que la guerre ; sa conquête spatiale est celle du plaisir, son odyssée, sauvage et impromptue, ouvre le champ de tous nos possibles.
Cet essai interroge Portier de nuit un filmculte, chef d'oeuvre de la cinéaste, qui suscita bien des controverses à sa sortie en 1974. Il questionne l'esthétique de Liliana Cavani, la lecture qu'elle produit du nazisme, le lien d'amour qui lie un ancien bourreau et sa victime. A partir de la notion de « zone grise » forgée par Primo Levi, il ausculte la figuration des pulsions, les dédales de la mémoire, la représentation de situations extrêmes ainsi que le jeu transcendant de Charlotte Rampling et Dirk Bogarde.
En analysant Portier de nuit, le livre approche l'oeuvre d'une cinéaste que Pasolini qualifiait d'« hérétique et de révolutionnaire ». La caméra de Cavani sonde les mouvements du désir, des forces transgressives et les points de crise de l'Histoire.
Cet essai consacré à la légendaire pianiste Martha Argerich évoque l'univers Argerich au travers d'une série d'entrées : choix d'Å«uvres musicales qu'elle interprète, approches de son jeu, constellation de ses amis musiciens, galerie de portraits de ses confrères d'élection, de ses compositeurs de prédilection…
Le cinéma de Visconti a trop souvent été lu sous le prisme d'un classicisme décadentiste ayant succédé à ses films néoréalistes. Cet essai entend contester cette approche et réinterroger les créations du Visconti sous l'angle du motif du «trop tard», en abordant deux oeuvres en particulier, Les Damnés et le scénario Proust resté à l'état de fantôme. L'analyse des paradoxes et tensions de l'esthétique viscontienne, de la fonction qu'il impartit au cinéma mettra au jour sa problématique de l'Histoire, sa métaphysique de la mort et les promesses que recèle tout crépuscule.
1828, un adolescent surgit sur une place de Nuremberg, une lettre à la main. Illettré, comme coupé du monde, il passe aux mains de différents tuteurs avant de disparaître en 1833. Très vite, d'extraordinaires rumeurs circulent sur le jeune homme : il serait le fils du grand-duc de Bade et de Stéphanie de Beauharnais, une nièce de Napoléon. Il aurait été enfermé dès sa naissance dans une minuscule cellule et privé de tout contact avant d'être relâché vers sa seizième année.
Banal cas d'autisme ou enfance martyre, brisée par la raison d'État ? Telle est encore aujourd'hui l'énigme de Kaspar Hauser.
L'histoire de Kaspar Hauser est ici renouvelée à travers les récits vibrants d'amour ou de haine de personnages proches de l'enfant : sa mère, un cheval, son assassin...
« Ce quartier vit à jamais en moi. D'emblée, enfant, j'ai été attirée par la déclivité des rues étroites, fascinée par l'impression d'une ville enclavée dans la ville. Riche terreau de luttes, terre de métissage, mixité de la population, affirmation des différences s'avancent comme quelques-unes des strates qui composent le visage de ce tissu urbain singulier. » Les Marolles composent un monde dans un monde, inventent un espace de liberté dans le tissu du centre-ville de Bruxelles. Essai poétique, politique, onirique, Marolles. La Cour des chats évoque un lieu en marge, marqué au cours des siècles par la "zwanze", cet esprit d'auto-dérision, et les soulèvements populaires, l'esprit des luttes, soumis de nos jours à la pieuvre de la gentrification. Ce livre est tout à la fois une lettre d'amour à un tissu urbain qui se tient sous le signe du contre-pouvoir, une promenade dans les plis du présent et les méandres de la mémoire, un hommage au "situationnisme marollien", un manifeste dédié aux acteurs actuels et passés d'un quartier anticonformiste, "sans dieu ni maître". Il est aussi un requiem pour les rues assassinées. « Quartier en marge et de la marge ... Les Marolles se placent sous le signe d'Hermès, dieu entre autres des petites gens. Le tracé de ses rues, l'architecture de ses maisons, l'esprit de ses habitants se singularisent par les bifurcations, la fantaisie. [ ... ] Les Marolles offrent le corps d'un grand blessé mais surtout celui d'un grand vivant. De tout temps, l'enjeu a été politique. Démolir les Marolles, c'est, comme avec Haussmann à Paris, imposer l'ordre, discipliner le chaos, dompter l'anarchie, étouffer les émeutes, faire rentrer les esprits libres dans le moule imposé.»
Ce livre s'ancre dans la poésie en s'ouvrant sur la rencontre entre deux univers, l'univers musical et mental de Serge Gainsbourg, et l'univers secret de Bambou.
Il s'agit d'une fiction poétique autour de ce tandem Serge Gainsbourg-Bambou qui entend moins apporter une pierre de plus au mythe Gainsbourg qu'interroger de façon intimiste les zones de résonance entre deux êtres tendus vers l'extrême. Il n'est point question d'une traversée de l'oeuvre de Gainsbourg mais d'une traversée de son rapport au verbe, aux femmes, à la mort.
Le second volet de ce livre offre une suite poétique où l'auteure explore des contraintes de diverses natures - phonétique, syntaxique, stylistique... -, la règle de base importe moins que le bougé qu'elle produit dans l'ensemble du texte. C'est dès lors l'écart qu'elle catalyse à l'intérieur même du récit, les mouvements centrifuges et les effets déstabilisateurs qu'elle induit. Toucher aux conventions par l'inoculation d'une règle altère le poids d'évidence que nous conférons aux premières et dégage le geste constructiviste dont elles sont les retombées. C'est ainsi que l'adoption d'une contrainte déséquilibre le corpus de règles instituées, que l'adjonction d'une loi libère l'aléatoire. Le recours au lipogramme, à l'homophonie... vaut par la redistribution des paysages qu'il provoque. Les opérations de soustraction ou de prolifération de lettres, le transfert de procédés extra-littéraires dans le champ de l'écrit que ce recueil met en oeuvre ne ressortissent donc pas à l'esprit de formalisation, à son seul souci d'explorer les instruments dont il dispose. Il n'est, en effet, de jeu sur la structure qui ne soit un jeu sur l'événement. Il n'est d'intervention sur les codes de base qui ne soit ébranlement de l'agencement en son ensemble.
Il se dégage de cet ensemble une sensualité peut commune et qui ne s'enferme pas dans des formules : nous controns l'avancée des souffles de l'enfance / par une danse nuptiale / sexe contre sexe.
Des Marolles aux cantons de l'Est, on côtoie dans les Belgiques de Véronique Bergen des mathématiciens admirant la mer du Nord déchaînée, des physiciens invités à défendre la mécanique quantique au congrès Solvay, mais aussi des pianistes, un anarchiste venu assassiner Léopold II, ou encore de chers disparus revenus errer dans les rues de Bruxelles, le temps d'une quarantaine pandémique...
Autant de balades douces-amères à travers une Belgique aussi rêvée qu'ancrée dans les passions de Véronique Bergen, académicienne, philosophe, poète qui, à travers son oeuvre romanesque, s'attache à donner une voix aux oubliés.
Icône H. projette au 21e siècle la légendaire Hélène, la « plus belle femme du monde » dont l'enlèvement par Pâris provoqua la guerre de Troie. Séductrice compulsive, elle élève au rang d'art son odyssée dans les plaisirs, son génie de l'érotisme.
Ce roman raconte la vie de Janis Joplin, artiste chanteuse qui, à l'instar de toute une génération, se révoltera contre l'AmericanWay of Life. Rejetant le rêve américain, samorale oppressive, son traditionnalisme obtu et sa promesse de vie aseptisée, elle se bat en faveurs du droit des noirs Américains, vit pleinement sa musique hors de toute contrainte, tout en brûlant la vie en affamée, se perdant, lumineuse, dans l'alcool, la drogue et le plaisir des sens.
Dans ce récit tendu sous tension, on croise également Jim Morisson et Jimmy Hendrix, autresmembres du club des 27 - ainsi que Ferlinghetti, l'un des apôtres de la beat generation. C'est tout un pan de la contre-culture américaine qui se vit sous nos yeux, en insuflant dans nos cerveaux une écriture aussi débridée que les volutes libératoires et fantasmatiques du LSD...
Les guerres provoquées par la débâcle écologique ont dévasté la Terre. Une galerie de personnages se relèvent pourtant : un écoguerrier, une femme-chamane ou encore un enfant muet. Entre vagues d'insurrection, effondrement mondialisé et nouvelles alliances avec la nature, Guérilla, écothriller d'un genre nouveau, se déploie au milieu des explosions de grenades pour entonner un vibrant appel en faveur de notre planète.
Dans le nouveau roman de Véronique Bergen, des chiens célèbres apparaissent tour à tour : Loukanikos, le « riot dog » des insurrections grecques contre l'austérité, Blondi, le berger allemand d'Hitler, Laïka, animale victime de la conquête spatiale, le chien d'une tribu Yanomami confronté à l'extermination des Indiens d'Amazonie ou encore ceux de Marie-Antoinette.
Comme autant de narrateurs et témoins de la folie humaine, ces chiens interrogent le futur de notre espèce à travers son passé : Tous doivent-ils donc être sauvés ? ou aucun ?
On connaît la star hollywoodienne, la sex-symbol. On a beaucoup écrit sur sa vie privée qui peut se résumer en une succession d'échec. On croit connaître son insatisfaction récurrente, tant dans sa vie professionnelle que dans sa relation au monde. Mais tous ces flashes superposés sur ces fragments de vie (fragments écrits, filmés, photographiés...) plutôt que de révéler la personne, font écran au sensible, durcissent le mythe, participent, jusqu'à dans sa mort, à la fabrique du divertissement - jusqu'à sa mort, tragique (suicide ? overdose ? assassinat ?) dont elle est dépossédée, et qui devient, elle-même, source de nouvelles fictions...
La force de ce nouveau récit sur et autour de Marilyn Monroe se trouve dans la capacité de l'auteure à inventer l'écriture qui redonne chair au sujet ; et qui dote le sujet d'une voix neuve, sensible, intelligente. Ce portrait de l'actrice, de cette star "antistar", est d'une telle densité qu'il nous offre par la même occasion le portrait en creux d'une époque, d'un système, et des homme qui forge "malgré elle" ce que l'actrive devient et contre quoi, dans un même temps, elle se rebelle.
Un roman qui semble écrit du sensible même de la star...
Les Roms se tiennent à la croisée d'une mondialisation destructrice des différences et d'un empire marchand uniformisant, travaillant à la production d'un rebut humain. De la fabrication de la question rom aux discriminations dont sont victimes les Roms de nos jours, cet ouvrage interroge les mécanismes, les formes, les enjeux de la romaphobie actuelle en remontant aux origines de l'antitsiganisme séculaire.
Avec le soin de ne pas parler à la place des Roms, l'auteure a pris le parti d'aborder ces populations sous l'angle de leur choix de vie - qu'il soit contraint ou voulu - et livre aux lectrices et aux lecteurs une analyse du combat mené contre le nomadisme par des États régis par la sédentarité et le néolibéralisme.
Ni bréviaire théorique, ni manuel pratique, cet essai entend se tenir au carrefour des résistances de pensées et des pensées de la résistance, pariant pour la bifurcation et l'envol dans le jeu de la matière. À partir de la formule sous-jacente "un autre monde est possible", une typologie de la résistance est dégagée, laquelle vise moins à épuiser les registres possibles qu'à repérer les opérateurs mis en oeuvre. Trois postures théoriques et pratiques sont ainsi mises en lumière : une posture dialectique, une posture vitaliste et une posture axiomatique. Notion issue de la physique, initialement de la mécanique des corps où elle désigne une force s'opposant à une action, à un mouvement, la résistance se voit donc versée dans le champ de la logique des forces dans le schéma dialectique, dans le champ de l'intensité, de l'énergie avec le paradigme vitaliste, enfin dans le champ de l'axiome dans le cadre badiousien.
Véronique BERGEN est philosophe et romancière, auteur de nombreux ouvrages, dont Ontologie de Gilles Deleuze en philosophie, et récemment Fleuve de cendres (roman, Denoël, 2008).
« J'ai vécu parmi des mots qui sentaient encore le carnage, la folie, la guerre, des mots que je mettais en mouvement pour les arracher aux champs de sang. Si je naquis le 7 octobre 1934 à Oldenburg, trois mois après la Nuit des Longs Couteaux, quelques jours après la création des Verfügungstruppen affiliées à la SS, je vis le jour le 14 mai 1970 lorsque nous libérâmes Andreas Baader. Le seul vrai baptême se sacre dans l'illégalité puisqu'il n'est aucune liberté possible dans l'espace de l'État. Ceux qui désavouent la révolution seront, par nous, désavoués. Entre eux et nous, le divorce prendra la forme d'un pistolet-mitrailleur MP5 en travers d'une étoile rouge. « Année zéro »Â ; « tous pour tous » en lieu et place d'« un ou de quelques-uns pour tous »Â ; « un se divise en deux »... Je viens de comprendre que la guérilla urbaine requiert l'invention de mathématiques nouvelles. L'homme à venir ne jaillira pas de l'arithmétique de nos pères. »
L'une des plus importantes artistes de notre temps, Marie-Jo Lafontaine, rencontre, dans Tout ange est terrible, véronique Bergen, écrivaine de même renom : toutes deux portées comme le vent par un certain sens de la tragédie qu'elles expérimentent du point de vue formel, politique, et, toujours, dans le bouleversement émotif du sensible. Livre d'art, récit philosophique et conte érudit, cette monographie offre un parcours moins chronologique que conceptuel dans l'oeuvre de Marie-Jo Lafontaine dont il souligne, d'abord, le décloisonnement inouï des pratiques inauguré par l'artiste. Le rapport texte-image inédit du livre en met en exergue la liberté. car, pour véronique Bergen, une recherche sur les ultimes contrées du visible demeure le projet de l'artiste, et, elle en décline l'importance dans le registre de la perception, de l'espace, de la couleur et de la fulgurance, extatique, des monochromes dont la philosophe donne une synthèse magistrale de l'histoire esthétique. au fil d'inventions poétiques stellaires, l'écrivaine décrit sa fascination pour « le regard » de Marie- Jo Lafontaine.