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nishimura poupee k.
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Mégapoles surpeuplées, transports saturés, violence des rapports sociaux, totale soumission à la hiérarchie masculine : les Japonais, c'est bien connu, vivent comme des fourmis. Inépuisable créativité, solidarité nationale, coutumes séculaires, sens de l'honneur et du service, perfectionnisme, discrétion et politesse : le Japon, c'est une évidence, est le joyau de l'Extrême-Orient. Paradoxe ? Peut-être. Incompréhension ? Certainement. Qu'on ne s'y trompe pas : l'Archipel, sorti exsangue de la Seconde Guerre mondiale, est devenu en l'espace de quelques décennies la deuxième puissance économique planétaire, le pionnier des innovations technologiques, une référence culinaire et un formidable creuset artistique. Pourtant, il demeure un nain politique et diplomatique. Cette contradiction, entre un rayonnement commercial, technique ou culturel et un pouvoir d'influence géostratégique étriqué, reflète l'ambivalence polymorphe de la civilisation nippone. Le Japon, qui cultive les contrastes, qui s'enorgueillit de marier harmonieusement modernité et traditions ancestrales, paraît illisible. Reste la réalité. Témoin alerte et passionnée, Karyn Poupée scrute la vie quotidienne des Nippons et décrypte les ressorts historiques et socioculturels du fonctionnement troublant de cette société unique. L'auteur peint ainsi, par petites touches, un tableau nuancé du pays du Soleil-Levant et de ses habitants. Génie de l'électronique, capitaine d'industrie philanthrope, mangaka, créateur d'humanoïdes, consommatrice insatiable, homme politique nationaliste ou yakusa, la galerie des acteurs du théâtre japonais est ainsi restituée dans toute sa diversité, sa subtilité et sa poésie.
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Inconnu il y a cinquante ans en Occident, le mot manga est depuis passé dans
toutes les langues du monde. Le boom planétaire de cette forme narrative
imagée, dont s'enorgueillit le Japon, s'inscrit dans un mouvement plus large de
fascination / méfiance à l'égard de ce pays et de ses habitants. Par intérêt
artistique ou par opportunisme mercantile, les Occidentaux s'inspirent
aujourd'hui de la « pop culture » japonaise tirée par ses manga pour renouveler
l'univers de la BD franco-belge ou celui des comics américains. Peu importe que
les origines de la composition graphique du manga se trouvent moins dans la
tradition picturale ancestrale nippone que dans la caricature, les images de
presse, et la bande-dessinée importées d'Occident, le manga actuel est bel et
bien une création nippone. C'est que cette forme d'expression a pris au fil des
décennies, sous la plume des dessinateurs japonais, amateurs ou professionnels,
une tournure nouvelle, à nulle autre pareille. Les traits caractéristiques du
manga contemporain sont nés au japon et ce genre protéiforme s'est démarqué du
reste de la production graphique mondiale du simple fait qu'il n'est autre que
le reflet de la société nippone, énigmatique, unique, et son histoire un miroir
de celle, tourmentée, du pays dans lequel il a mûri. L'inverse n'est pas moins
vrai : de par son importance dans la foisonnante production littéraire
japonaise, le manga s'est révélé être l'un des éléments les plus influents des
modes de vie et de pensée des Japonais. Bien qu'une infime partie des manga
nippons trouve un débouché à l'étranger, cet art populaire déflore les
multiples facettes d'une population et d'un mode d'organisation sociale
singuliers. Dès lors, explorer l'histoire des manga, c'est aussi retracer celle
de la société nippone depuis que cette forme de récit y a vu le jour, au début
du XXe siècle jusqu'à nos jours. Journaliste, correspondante permanente au
Japon pour l'Agence France-Presse (AFP), Karyn Poupée vit sur l'archipel depuis
2002, après avoir effectué la navette entre Paris et Tokyo pendant cinq ans.