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Au fil des saisons, nous avons formé des cortèges bigarrés, muni·es de bêches, de mégaphones et de meuleuses, vêtu·es de bleus de travail et de combinaisons blanches, escorté·es par des oiseaux géants... Nous avons traversé les bocages et les plaines, arpenté les vallées industrielles et le bitume des usines - et même frôlé les cimes alpines. Nous nous soulevons pour défendre les terres et leurs usages communs. Contre les méga-bassines, les carrières de sable, les coulées de béton et les spéculateurs fonciers, nous voulons propager les gestes de blocage, d'occupation et de désarmement, pour démanteler les filières toxiques. Nous nous soulevons parce que nous n'attendons rien de ceux qui gouvernent le désastre. Nous nous soulevons parce que nous croyons en notre capacité d'agir. Depuis des siècles, du nord au sud, des mouvements populaires se battent pour défendre une idée simple : la terre et l'eau appartiennent à tou·tes, ou peut-être à personne. Les Soulèvements de la terre n'inventent rien ou si peu. Ils renouent avec une conviction dont jamais nous n'aurions dû nous départir.
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Contre l'antisémitisme et ses instrumentalisations
Judith Butler, Ariella aïsha Azoulay, Leandros Fischer, Sebastian Budgen, Maxime Benatouil, Houria Bouteldja
- La Fabrique
- 18 Octobre 2024
- 9782358722872
La lutte contre l'antisémitisme serait le parent pauvre de la gauche. Reprise comme une évidence, cette affirmation est pourtant rarement étayée ni accompagnée d'une tentative d'explication sérieuse. Plus grave, elle est aujourd'hui devenue l'étendard d'une offensive réactionnaire qui instrumentalise l'antisémitisme contre les forces politiques anticapitalistes et anti-impérialistes en se faisant passer pour progressiste. Dans la séquence dramatique qui s'est ouverte le 7 octobre, toute expression de solidarité avec le peuple palestinien a été ainsi ciblée et criminalisée. Ce livre réunit des voix internationales qui s'alarment du procédé autant que de ses conséquences pour la lutte contre tous les racismes.
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Dans cet ouvrage majeur, Ilan Pappé, historien israélien de renom, revient sur la formation de l'État d'Israël : entre 1947 et 1949, plus de 400 villages palestiniens ont été délibérément détruits, des civils ont été massacrés et près d'un million d'hommes, de femmes et d'enfants ont été chassés de chez eux sous la menace des armes. Ce nettoyage ethnique a été passé sous silence pendant plus de soixante ans et peine encore à être considéré dans sa pleine mesure. S'appuyant sur quantité d'archives, Ilan Pappé réfute indubitablement le mythe selon lequel la population palestinienne serait partie d'elle-même et démontre que, dès ses prémices, l'idéologie fondatrice d'Israël a oeuvré pour l'expulsion forcée de la population autochtone. Ce qui fut un grand livre d'histoire est aujourd'hui une lecture indispensable hélas éminemment d'actualité. Publié pour la 1 re fois en français en 2006 chez Fayard, il a été mis en arrêt de commercialisation à la fin de 2023 alors que les bombes pleuvaient sur Gaza.
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Confrontant l'histoire des luttes passées à l'immense défi du réchauffement climatique, Andreas Malm interroge un précepte tenace du mouvement pour le climat : la non-violence et le respect de la propriété privée. Contre lui, il rappelle que les combats des suffragettes ou pour les droits civiques n'ont pas été gagnés sans perte ni fracas, et ravive une longue tradition de sabotage des infrastructures fossiles. La violence comporte des périls, mais le statut nous condamne. Nous devons apprendre à lutter dans un monde en feu.
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Une courte nouvelle de Tchekhov nous montre deux gendarmes en compagnie d'un vagabond qu'ils mènent en prison. En écoutant celui-ci raconter ses rêves de liberté, les gendarmes tendent leur esprit pour se représenter la « distance effrayante qui les sépare du pays de la liberté ». Ce livre envisage l'oeuvre tout entière du narrateur Tchekhov comme une tension pour prendre la mesure de cette distance : pour montrer combien la vie que ses contemporains mènent est éloignée de la liberté mais aussi pour l'imposer comme le point focal qui commande de changer cette vie et ne se laisse pas oublier. De là le rapport très particulier qui s'établit entre le choix de ses sujets, la manière dont il les traite et les effets qu'il en attend. Tchekhov ne montre pas des hommes écrasés par les forces de l'exploitation et de la répression mais des hommes chez qui la servitude est une manière d'être, un cours normal du temps et des choses qu'ils n'osent pas interrompre. Il ne procède pas par tableaux d'ensemble destinés à montrer les maux d'une société que des réformateurs auraient pour tâche de guérir. Ses récits ne partent pas d'une situation originelle dont ils développeraient les conséquences jusqu'à leur conclusion nécessaire. Ils commencent par le milieu en se concentrant sur des moments privilégiés où des personnages quelconques - riches ou pauvres, gendarmes ou voleurs, professeurs ou illettrés... - se trouvent invités à franchir un pas devant lequel ils se dérobent le plus souvent. Les cinq premiers chapitres du livre dessinent la dramaturgie de la servitude et de l'appel typique du récit tchekhovien. Les quatre derniers analysent le mode d'adresse et la poétique qui y répondent. Tchekhov s'adresse aux semblables de ses personnages mais non pas pour leur faire prendre conscience des causes globales de leur situation. Il n'y a pas d'autre raison à la servitude que la servitude elle-même qui reproduit sans cesse les manières, les affects et les pensées qui la perpétuent en retour. Pour briser le cercle, pour former des hommes capables de transformer en réalité l'appel de la vie nouvelle, il faut d'abord changer les manières de sentir. C'est à cette révolution des affects que s'emploie l'écrivain. Pour cela il lui faut raconter et moduler autrement le malheur en mêlant ses accents à ceux de l'appel lointain. Il lui faut constituer un enchaînement mélodique qui s'oppose au ronronnement de la servitude et s'enfonce plus profondément que lui dans l'expérience sensible des humains. Le récit adressé à ces hommes et femmes qui vivent mal et ont toujours le pouvoir de vivre mieux doit être semblable au chant rauque et pourtant consolateur du butor invisible dans les marais : il doit leur faire sentir leur malheur d'une manière plus heureuse, donc plus libre, en les faisant pleurer deux fois : non pas seulement par la honte ressentie mais aussi par la consolation qui lui est apportée.
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Le culte de l'auteur : Les dérives du cinéma français
Geneviève Sellier
- Fabrique
- 13 Septembre 2024
- 9782358722841
Ce livre propose « d'aller plus loin » dans l'analyse de la crise que vit actuellement le « cinéma d'auteur » français. Si les comportements abusifs d'un certain nombre de réalisateurs - qui se posent comme des héritiers de la Nouvelle Vague - remontent souvent aux années 1980-1990 et sont donc prescrits, de nombreux témoignages dénoncent des faits récents et tout porte à croire que les harcèlements et abus sexuels n'ont pas cessé sur les plateaux de tournage. Au-delà des récentes dénonciations, cette crise doit nous amener à nous interroger sur les représentations que propose ce cinéma d'auteur : « À partir de la Nouvelle Vague, la tâche des critiques de cinéma en France consiste à faire l'éloge et l'exégèse des oeuvres, en les référant au génie de leur auteur, dont on analyse le style et les "obsessions", en laissant soigneusement dans l'ombre les déterminations sociales, qu'elles soient de genre, de classe ou de race, qui structurent aussi toute oeuvre artistique. » « La liberté de création artistique qui consiste en "la capacité de matérialiser, sans contraintes, une ou plusieurs oeuvres, de formes diverses, dans un domaine artistique" a été réaffirmée en
France par la loi du 7 juillet 2016. Elle aboutit à légitimer le fait que l'artiste puisse se placer au-dessus des lois, sous prétexte d'exprimer le caractère "transgressif" de son génie. Dans les faits, cette assimilation du réalisateur de films à un artiste dont il faut protéger la liberté de création a permis à Polanski de continuer à faire des films en France dans un cadre plus que confortable alors qu'il est toujours poursuivi pour agression sexuelle sur mineure aux États-Unis. »
Geneviève Sellier passe au crible des dizaines de films, en féministe et en cinéphile.
Cet oeil neuf dénote aussi une volonté de prendre en compte le caractère collectif de la conception et de la production des films distribués dans le circuit commercial : « La "politique des auteurs" que François Truffaut et sa bande des Cahiers du cinéma ont réussi à imposer comme critère exclusif de jugement, est sans doute la plus grande supercherie de l'histoire du cinéma. » -
Il y a cinquante ans, le 22 décembre 1974, la population des quatre îles de l'archipel des Comores (Grande Comores, Anjouan, Mohéli et Mayotte) était invitée à se prononcer sur le statut de leur territoire : plus de 99 % des GrandComoriens, des Anjouanais et des Mohéliens votèrent pour l'indépendance. Mais à Mayotte, où un courant sécessionniste animé par l'élite créole exerçait un puissant lobbying, 63 % des électeurs votèrent contre, tandis qu'à Paris, l'armée et le « parti colonial », encore très puissant, ne voulaient pas perdre cette position stratégique dans l'océan Indien. La France accorda donc l'indépendance à trois îles (tout en choisissant leurs dirigeants), mais conserva la quatrième. Près de quarante ans plus tard, en 2011, Mayotte devient le 101e département français dans le cadre d'un processus unique de « colonisation consentie ».
Tout renvoie à la colonie sur cette île : les « mzunguland », ces ghettos de Blancs, la hiérarchisation raciale au travail comme dans la vie quotidienne, l'effacement culturel, l'économie hors-sol tournée vers la « métropole »... Entre des Mahorais reniant leur passé pour être « Français à tout prix », dont la dérive vers l'extrême droite semble sans fin, des « métros » qui se comportent en terrain conquis et cultivent l'entre-soi, et des Comoriens qui tentent de faire leur place dans un climat hostile, la violence de la vie à Mayotte est le résultat de ce double processus de dislocation et de colonisation.
Ce livre raconte les différentes étapes de cette histoire et dresse un portrait sans concession de Mayotte et de ses habitants, et plus largement de la France et du « présent colonial » qui continue de l'animer. -
Une histoire de l'imprimérie et de la chose imprimée
Olivier Deloignon
- Fabrique
- 4 Octobre 2024
- 9782358722810
Raconter l'histoire de l'imprimerie c'est d'abord se heurter à la question de ses mutations sociales et techniques. Outre le fait de déposer de l'encre sur un support, quel rapport entre le faiseur de livres ancien qui côtoie ses quelques compagnons chargés de « picorer » les lettres dans la casse ou de manoeuvrer la presse à vis et l'industriel contemporain dirigeant une armée de techniciens chargés d'assurer l'approvisionnement d'énormes rotatives ? Cet ouvrage n'a toutefois pas pour ambition de narrer par le détail les évolutions des techniques de composition et des méthodes d'impression. Il interroge plutôt la manière dont l'imprimerie a été et est encore perçue par ses usagers : les lecteurs (population des plus « plétho-atypique » qui comprend évidemment les bons et mauvais lecteurs en plus des censeurs et autres préfets en tous genres). On verra ainsi au fil des pages qu'un avis largement partagé fait de l'imprimerie un art merveilleux capable de donner une forme solide aux pensées. Inversement, de longue date, elle a été accusée de pervertir, au choix : la jeunesse, les âmes, les femmes, les hommes, les simples, les clercs... de stimuler l'oisiveté, l'hérésie, la révolte... En une douzaine de chapitres qui sont autant de haltes d'un « voyage en imprimerie », Olivier Deloignon évoque les querelles de paternité dont Gutemberg est sorti vainqueur (pour l'instant), fait le portrait des turbulents compagnons imprimeurs du xvi e siècle dont la tradition de lutte s'est poursuivie avec celle des ouvriers du livre, et nous familiarise avec les mots techniques ou argotiques des « gens du livre » comme avec les principes de la typographie moderne. Déployant les formes livresques sans cesse renouvelées au gré des innovations techniques, des « incunables » jusqu'à la bande dessinée et aux fanzines, il compose une histoire culturelle et politique de la chose imprimée des origines à... demain.
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Avis de tempête : nature et culture dans un monde qui se réchauffe
Andreas Malm
- Fabrique
- 6 Octobre 2023
- 9782358722612
Dans un monde qui se dirige vers le chaos climatique, la nature est morte. Elle ne peut plus être séparée de la société. Tout n'est plus qu'un amalgame d'hybrides, où l'homme ne possède aucune faculté d'action particulière qui le différencie de la matière morte. Mais est-ce vraiment le cas ? Dans cette polémique cinglante avec les philosophes de ce qu'il nomme le tournant culturel (dont Bruno Latour est une figure centrale), Andreas Malm développe un contre-argument : dans un monde qui se réchauffe, la nature revient en force, et il est plus important que jamais de distinguer le naturel du social. C'est en attribuant aux humains une capacité d'action spécifique que la résistance devient concevable. Ce livre pose des questions urgentes à l'heure ou l'inaction climatique à l'échelle mondiale inquiète de plus en plus de gens : quel rôle doit jouer la pensée théorique dans la lutte contre le réchauffement mondial ? Et ce qui s'écrit aujourd'hui est-il à la hauteur du défi ? Malm examine un grand nombre de textes contemporains qui interrogent le rapport entre nature et culture, leur hybridation ou leur séparation. Il offre un panorama critique des théories actuellement disponibles sur ce thème (constructionnisme, hybridisme et néomatérialisme), lequel représente par ailleurs un secteur éditorial florissant. Enfin, il fournit un manifeste théorique pour le temps présent, défendant une distinction stratégique entre nature et culture.
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Les espoirs de la civilisation et autres écrits socialistes
William Morris
- Fabrique
- 4 Octobre 2024
- 9782358722827
Poète, écrivain, artiste, décorateur, William Morris (1834-1896) est aujourd'hui connu pour son oeuvre poétique et romanesque, ainsi que pour son travail révolutionnaire dans le domaine des arts décoratifs. Après une carrière bien remplie et de nombreux succès, il se « convertit » au socialisme au début des années 1880 à l'approche de la cinquantaine et se consacre corps et âme à la « cause » avec un enthousiasme et une énergie hors du commun. C'est cet aspect moins connu de sa vie et de son oeuvre que ce recueil d'articles et de conférences pour la plupart inédits en français nous fait découvrir. On y voit Morris s'affirmer comme l'un des pionniers du mouvement socialiste au Royaume-Uni. Révolté contre l'hypocrisie et le « philistinisme » de la société bourgeoise de son temps, il trouve dans le socialisme scientifique de Marx et Engels matière à aiguiser sa propre critique radicale du capitalisme. Sa sensibilité d'artiste lui permet d'humaniser la dimension parfois aride du matérialisme historique et de faire rêver ses lecteurs (et auditoires) d'un monde meilleur. Homme d'action et militant infatigable, il réussit une synthèse habile entre marxisme et critique de la civilisation industrielle, place l'art et le travail au centre de sa réflexion et s'insurge contre la destruction de la nature engendrée par la production de masse. Nombre des thèmes qu'il aborde dans ces textes aux magnifiques accents utopiques, comme la justice sociale, l'environnement, le consumérisme ou l'égalité hommesfemmes, restent plus que jamais d'actualité.
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Accumuler du béton, tracer des routes : une histoire environnementale des grandes infrastructures
Nelo Magalhaes
- Fabrique
- 5 Avril 2024
- 9782358722766
Ce livre nous plonge dans l'histoire longue de la construction des infrastructures de transport en France. Apre`s la Seconde Guerre mondiale, le choix politique d'intensifier le trafic routier pour soutenir une consommation de masse et un commerce de plus en plus mondialise´ se traduit par la mise en chantier de milliers de kilome`tres de routes et d'autoroutes flanque´s de ponts, viaducs, tunnels et murs de soute`nement. Ce programme a accompagne´ une extension sans pre´ce´dent du ba^ti - a` travers la construction de ports, d'ae´roports, de villes nouvelles, de centrales nucle´aires, d'installations hydroe´lectriques -, et le remembrement de millions d'hectares de terres agricoles : en un mot, il a profonde´ment affecte´ les paysages et transforme´ l'espace physique et ve´cu. Nelo Magalha~es re´ve`le l'envers du de´cor et les conse´quences environnementales de cette « grande acce´le´ration » commence´e dans les anne´es 1950 et qui radicalise des innovations et proce´de´s ne´s dans la seconde moitie´ du xixe sie`cle. Dans les esprits et sur les chantiers, le ciment et le be´ton ont de´finitivement remplace´ la pierre en me^me temps que les inge´nieurs supplantaient les mac¸ons. Les me´gamachines se sont substitue´s aux ouvriers du terras- sement. La chimie et l'industrialisation des techniques ont permis une ve´ritable re´volution dans la production de l'espace en l'affranchissant des contraintes du relief, du climat et de la ge´ologie : « abstraire le sol » pour faire passer la route - et supporter le poids des camions - est devenu un leitmotiv de ce qu'on appelle l'ame´nagement du territoire. Mais cette re´volution ne s'est pas accom- plie seulement dans les laboratoires et les bureaux d'e´tudes. Elle s'appuie, aujourd'hui plus que jamais, sur un titanesque effort mate´riel et sur le de´placement de milliards de me`tres cubes de terre, de sable et de pierre pour les travaux de terrassement. L'enque^te met ainsi au centre de l'analyse « l'extractivisme ordinaire » des carrie`res franc¸aises, et une matie`re cle´ du capitaloce`ne : le granulat. Si l'engouement pour le be´ton et le transport routier ne s'est pas de´menti entre la pe´riode fordiste et l'e`re ne´oli- be´rale du capitalisme, de nouveaux enjeux ont vu le jour : entretenir cette infrastructure massive et fragile, et ge´rer les crises sociales et e´cologiques qu'elle suscite. Dans la langue des de´cideurs et des inge´nieurs : « maintenir » et « valoriser ». Alors que les conflits et controverses autour des projets de construction se multiplient, de´voilant les manoeuvres de la puissante industrie cimentie`re, ce livre identifie quelques verrous qui rendent le ba^ti si pesant. Un pre´alable pour penser des perspectives plus le´ge`res.
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L'histoire du mouvement féministe en France dans les années 1970, période au cours de laquelle le mouvement se pacifie au profit d'un féminisme étatique fondé sur des avancées législatives en terme d'égalité et de laïcité. L'internationalisme des luttes est également abordé. Enfin, des pistes d'action pour un féminisme politique sont proposées.
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Kollontaï : défaire la famille, refaire l'amour
Olga Bronnikova, Matthieu Renault
- Fabrique
- 1 Mars 2024
- 9782358722742
Personnage clé de la Révolution de 1917, figure pionnière du féminisme socialiste, première femme ambassadrice au monde, les qualificatifs ne manquent pas pour souligner l'exceptionnalité de la trajectoire intellectuelle et politique d'Alexandra Kollontai¨ (1872-1952). Promptement refoulée par la contre-révolution sexuelle qui s'était abattue sur l'Union soviétique dès les années 1920, brièvement redécouverte au lendemain de mai 1968 avant de retomber dans l'oubli avec les « années d'hiver » de la décennie 1980, l'oeuvre de Kollontai¨ fait l'objet depuis quelques années d'un puissant regain d'intérêt dans le sillage des renouvellements du féminisme mate´rialiste, sans pour autant que l'on ne dispose à ce jour d'un portrait d'ensemble. C'est ce manque que le pre´sent ouvrage se propose de combler en s'attachant à redonner à Kollontai¨ la place qui lui revient dans l'histoire du féminisme, tâche qui suppose non seulement de restituer ce qui fait l'inde´niable actualité de sa pensée, mais aussi de mettre en exergue son inactualité, au sens de perspectives e´mancipatrices qui n'ont pu être réalisées, ont été éttofées ou oubliées, mais qui gagneraient à être réactivés, intempestivement. L'hypothèse qui sous-tend ce livre, et en constitue le fil rouge, est que, pour Kollontai, l'emancipation des femmes a pour condition fondamentale l'abolition de la famille (bourgeoise, nucléaire) et des rapports de proprieété (physique et psychique) sur laquelle elle se fonde. Ce projet se décline selon elle de deux manières : d'une part, par une réinvention radicale de l'amour et des formes de la sexualité; d'autre part, par la socialisation intégrale ou la communalisation des tâches reproductives, à commencer par la maternité. Dans l'un et l'autre cas, c'est la camaraderie, comme affect communiste par excellence, qui doit prévaloir afin de rendre possible la genèse de la « grande famille prolétarienne » qui signera le « retour » à l'égalité homme-femmes, laquelle, pour Kollontai comme pour tant d'autres, avait régné au sein dudit communisme primitif. C'est ce projet que le présent de livre se proposer de recouvrer sous la forme de la biographie d'une pensée qui suivra l'itinéraire révolutionnaire de Kollontai, sans s'épargner la confrontation avec sa « part d'ombre » telle qu'elle trouve en particulier à s'incarner dans la promotion de ce qu'on peut appeler un bioproductivisme.
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À l'heure où le terme « ensauvagement », d'abord charrié par l'extrême droite, pénètre les sciences sociales et se discute dans la sphère médiatique et politique comme un phénomène tangible, Louisa Yousfi nous propose ici un récit à la fois politique et littéraire de ce (re)devenir barbare des Noirs et des Arabes de France.
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Chaque secteur spécialisé de la connaissance fait à sa manière le constat d'un désastre. Les psychologues attestent d'inquiétants phénomènes de dissolution de la personnalité, d'une généralisation de la dépression qui se double, par points, de passages à l'acte fou. Les sociologues nous disent la crise de tous les rapports sociaux, l'implosion-recomposition des familles et de tous les liens traditionnels, la diffusion d'une vague de cynisme de masse ; à tel point que l'on trouve dorénavant des sociologues pour mettre en doute l'existence même d'une quelconque "société". Il y a une branche de la science économique - l'"économie non-autistique" - qui s'attache à montrer la nullité de tous les axiomes de la prétendue "science économique". Et il est inutile de renvoyer aux données recueillies par l'écologie pour dresser le constat de la catastrophe naturelle. Appréhendé ainsi, par spécialité, le désastre se mue en autant de "problème" susceptibles d'une "solution" ou, à défaut, d'une "gestion". Et le monde peut continuer sa tranquille course au gouffre.
Le Comité Invisible croit au contraire que tous les remous qui agitent la surface du présent émanent d'un craquement tectonique dans les couches les plus profondes de la civilisation. Ce n'est pas une société qui est en crise, c'est une figure du monde qui passe. Les accents de fascisme désespéré qui empuantissent l'époque, l'incendie national de novembre 2005, la rare détermination du mouvement contre le CPE, tout cela est témoin d'une extrême tension dans la situation. Tension dont la formule est la suivante : nous percevons intuitivement l'étendue de la catastrophe, mais nous manquons de tout moyen pour lui faire face. L'Insurrection qui vient tâche d'arracher à chaque spécialité le contenu de vérité qu'elle retient, en procédant par cercles. Il y a sept cercles, bien entendu, qui vont s'élargissant. Le soi, les rapports sociaux, le travail, l'économie, l'urbain, l'environnement, et la civilisation, enfin. Arracher de tels contenus de vérité, cela veut dire le plus souvent : renverser les évidences de l'époque. Au terme de ces sept cercles, il apparaît que, dans chacun de ces domaines, la police est la seule issue au sein de l'ordre existant. Et l'enjeu des prochaines présidentielles se ramène à la question de savoir qui aura le privilège d'exercer la terreur ; tant politique et police sont désormais synonymes.
La seconde partie de L'Insurrection qui vient nous sort de trente ans où l'on n'aura cessé de rabâcher que "l'on ne peut pas savoir de quoi la révolution sera faite, on ne peut rien prévoir". De la même façon que Blanqui a pu livrer les plans de ce qu'est une barricade efficace avant la Commune, nous pouvons déterminer quelles voies sont praticables hors de l'enfer existant, et lesquelles ne le sont pas. Une certaine attention aux aspects techniques du cheminement insurrectionnel n'est donc pas absente de cette partie. Tout ce que l'on peut en dire ici, c'est qu'elle tourne autour de l'appropriation locale du pouvoir par le peuple, du blocage physique de l'économie et de l'anéantissement des forces de police.
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Faire justice : moralisme progressiste et pratiques punitives dans la lutte contre les violences sexistes
Elsa Deck Marsault
- Fabrique
- 8 Septembre 2023
- 9782358722636
Que faire, concrètement, face à l'ampleur des violences sexistes, sexuelles et autres, qui sévissent dans nos sociétés ? Comment gérer les conflits et les abus sans rejouer les mécanismes d'un système pénal qui occupe une place centrale dans la production de la violence à travers le monde ? Ces questions traversent depuis de longues années les mouvements militants en général, et LGBTQI+ tout particulièrement, d'autant plus ardemment depuis que la déflagration MeToo les a placées au centre des discussions politiques. Sur fond de reflux généralisé, les milieux progressistes voient aussi surgir d'innombrables dénonciations des violences qui se produisent en leur sein, et qui appellent à des réponses pratiques, qui mettent en vie des relations de camaraderie, des amitiés, des organisations et des principes politiques.
Écrit par une « militante gouine » impliquée dans des collectifs de gestions des violences sexistes et sexuelles, ce livre part du souci affiché de se passer de la police et des tribunaux pour en analyser les écueils dans la pratique tout en en prolongeant le geste et la réflexion. Comment en est-on arrivé au paradoxe d'un militantisme abolitionniste punitif ?
Comment les militant·es pour la justice sociale et pour l'abolitionnisme pénal en sont-iels venu·es à faire parfois pire que la police en termes de violence à l'intérieur de leurs communautés ? Et comment sortir de cette impasse ? La question est d'autant plus difficile qu'elle surgit au moment où les forces réactionnaires mènent une large offensive contre le wokisme accusé de tous les maux, pour mieux protéger ceux qui organisent les violences dans nos sociétés.
À rebours des illusions du développement personnel et sans céder à l'injonction à la pureté militante, elle propose une critique fine du moralisme progressiste qui isole les faits de violence de la société qui les produit et justifie les pratiques punitives dans les milieux progressistes. En se saisissant d'exemples concrets rencontrés au gré de son militantisme et en discutant précisément avec les théories abolitionnistes, Elsa Deck Marsaut dessine ici des pistes pratiques pour élaborer une justice transformative inventive, capable de prendre soin des victimes et de transformer les individus afin d'endiguer enfin le cycle des violences qui jalonne nos vies. -
Gagner le monde : sur quelques heritages feministes
Zahra Ali, Rama Salla Dieng, Silvia Federici, Verónica Gago, Lola Olufemi, Djamila Ribeiro, Sayak Valencia
- Fabrique
- 20 Octobre 2023
- 9782358722643
Alors qu'une aspiration féministe à la justice et à l'égalité s'est emparée d'une génération et fait feu de tout bois, c'est par le détour de l'histoire que les textes rassemblés ici nous parlent d'aujourd'hui. Contre les récupérations conformistes, les offensives réactionnaires qui ciblent le féminisme, leurs autrices évoquent des luttes et des figures qui ont compté pour elles et s'arment d'un héritage internationaliste fécond et vivant.
On verra ainsi à l'oeuvre au fil des pages cette étonnante aptitude des concepts et des mots d'ordre féministes - comme des militantes elles-mêmes - à franchir les frontières à travers les décennies et les continents qui fait la puissance du féminisme, sa capacité à changer le monde.
Traduit de l'anglais et de l'espagnol par Étienne Dobenesque, traduit du portugais par Paula Anacaona -
Contre la littérature politique
Pierre Alferi, Leslie Kaplan, Nathalie Quintanae, Tanguy Viel, Antoine Volodine, Louisa Yousfi
- Fabrique
- 19 Janvier 2024
- 9782358722728
À l'aube des années 10 de ce siècle, alors que la sous-direction antiterroriste frappait à la porte, aux fenêtres et sur les ami-es de notre maison d'édition, nous avons publié « Toi aussi, tu as des armes », sous-titré poésie & politique. Ce livre, où il était question de poésie, réunissait des écrivain-es qui avaient en commun de ne pas trop aimer qu'on les traite de poètes. Il venait témoigner d'une conversation presque clandestine à propos des manières de faire de la poésie une politique et de rendre à la politique sa poésie. Il y a plus de dix ans ce geste constituait une petite bizarrerie. Aujourd'hui, le mot « politique » est partout en littérature, peut-être au point d'en disséminer le sens et d'en atténuer la portée. C'est ce qui nous a à nouveau poussés à réunir quelques ami-es (et ami-es d'ami-es) parmi ceux et celles qui ont maintenu un effort pour renouveler la tension entre littérature et politique moins comme un thème ou une position mais davantage comme une manière de faire et de défaire.
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Silvia Federici, dont le nom a déjà un fort écho en France depuis le succès du volumineux Caliban et la sorcière (Entremonde, 2014) propose ici une lecture inédite des rapports sociaux de domination, en faisant le choix de décentrer le regard par rapport aux domaines traditionnels de la critique sociale, à savoir le salariat et l'économie marchande.
Bien informée par sa grande fresque historique de la chasse aux sorcières à l'aube du capitalisme, Federici voit dans la famille et le contrôle de la sexualité, de la natalité, de l'hygiène et des populations surnuméraires (exclus, migrants et migrantes), la véritable infrastructure de la sphère productive.
Comment en effet faire tourner les usines sans les travailleurs bien vivants, nourris, blanchis, qui occupent la chaîne de montage ?
Loin de se cantonner à donner à voir le travail invisible des femmes au sein du foyer, Federici met en avant la centralité du travail consistant à reproduire la société (sexualité, procréation, affectivité, éducation, domesticité) et historicise les initiatives disciplinaires des élites occidentales à l'égard des capacités reproductrices des hommes et des femmes. De ce fait, la lutte contre le sexisme n'exige pas tant l'égalité salariale entre hommes et femmes, ni même la fin de préjugés ou d'une discrimination, mais la réappropriation collective des moyens de la reproduction sociale, des lieux de vie aux lieux de consommation, ce qui ne va pas sans la fin du capitalisme et de la production privée - production et reproduction étant irréductiblement enchâssées.
Ce livre constitue un essai court et percutant qui propose une lecture féministe, critique et exigeante de Marx, sans aucun prérequis en philosophie ou sciences économiques ; cet essai permet en outre de saisir avec rigueur la scansion historique du capitalisme patriarcal, ou encore les débats au sein du mouvement ouvrier sur l'horizon stratégique du féminisme.
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C'est peu dire que le terrain est miné : un État-nation bâti sur l'esclavage et la colonisation, des organisations politiques fidèles au pacte national-racial, un chauvinisme de gauche qui a progressivement éteint l'internationalisme ouvrier, une société civile indifférente aux ravages de l'impérialisme, et la profonde « asymétrie des affects » entre petits Blancs et sujets postcoloniaux. Telles sont quelquesunes des manifestations de « l'État racial intégral » disséqué dans la première partie de ce livre. La seconde partie propose une réflexion stratégique sur son dépassement car, on l'a vu encore récemment, l'État racial intégral comporte des brèches, colmatées faute d'avoir été consciemment élargies. C'est là qu'il faut « enfoncer le clou et aller à la recherche de l'intérêt commun », construire une politique décoloniale, inventer une dignité blanche concurrente de celle de l'extrême droite, défendre l'autonomie indigène et accepter de se salir les mains en ferraillant contre le consensus raciste. Alors, face au bloc bourgeois occidental ébranlé par les crises qu'il a lui-même provoquées, pourra se nouer l'alliance inédite des beaufs et des barbares.
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Une histoire de la conquête spatiale : des fusées nazies aux astrocapitalistes du New Space
Irénée Régnauld, Arnaud Saint-Martin
- Fabrique
- 2 Février 2024
- 9782358722735
Apollo, Ariane, Artemis... les programmes spatiaux se présentent à nous comme les épisodes d'une glorieuse épopée. Les motifs ont varié, flattant l'élan pionnier, la science, la quête de ressources nouvelles et plus récemment d'une hypothétique « planète B », mais le script est resté le même : en se projetant dans l'espace, l'humanité accomplit sa destinée.
Les archives de la conquête spatiale contredisent pourtant cette fable. Loin du rêve humaniste, ses objectifs sont avant tout militaires, dès les premières expérimentations des ingénieurs nazis bientôt reconvertis dans l'aérospatiale aux États-Unis pour mener de front la course à la Lune, aux satellites et aux missiles. Dans le sillage des space enthusiasts au sein des gouvernements et des armées, une puissante industrie s'est développée, surfant sur le marché des télécommunications et de la surveillance, spéculant sur les projets d'expansion cosmique les plus farfelus. Cet « astrocapitalisme » se caractérise aujourd'hui par une fuite en avant destructrice : tandis que les puissances spatiales et les milliardaires du New Space visent la Lune et Mars, débris et pollutions s'accumulent au sol et dans le ciel.
Si l'enchantement perdure, c'est qu'une vaste conquête des esprits est à l'oeuvre, dont on verra que l'héroïsation des astronautes - hier intrépides aventuriers, aujourd'hui scientifiques éclairés - n'est qu'une dimension parmi les plus durables. Il existe pourtant d'autres usages de l'espace, ni guerriers ni marchands, plus contemplatifs et plus soutenables, qui offrent une voie alternative vers les étoiles. -
De nos jours, dans notre Occident moderne et progressiste, il est difficile d'imaginer de politique publique qui ne fasse mention des droits des femmes.
Selon un retournement particulièrement cruel, les gouvernements n'en retiennent que l'aspect le plus franchement répressif, à savoir la lutte contre les violences faites aux femmes. Dans ce livre, et après avoir signé un pamphlet pour un féminisme décolonial, Françoise Vergès propose de prendre à brasle- corps ce pont aux ânes des violences.
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Omniprésente dans les rues comme dans le débat public, la police soulève davantage de questions qu'elle ne semble pouvoir en résoudre. En mobilisant les études disponibles et en confrontant les chiffres, Paul Rocher réfute dans ce livre les présupposés au fondement du mythe policier d'une institution sans doute imparfaite mais nécessaire, au service de toute la société dont elle ne ferait que refléter les travers. Non, la police n'empêche pas le crime, et l'emprise policière croissante sur la société n'a pas d'autre fondement que la réorganisation autoritaire du pays et le maintien d'un ordre inégalitaire. Toute l'histoire de l'institution révèle sa nature violente, sa fidélité à l'ordre établi - et dément l'idée de son « dysfonctionnement ». Peut-on pour autant se passer de police ? En s'inspirant des exemples sud-africain et nord-irlandais, où les habitants ont expérimenté des formes de gestion des conflits indépendantes de l'appareil d'État, Paul Rocher dégage les voies possibles d'un monde sans police.
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Programme de désordre absolu : décoloniser le musée
Françoise Vergès
- Fabrique
- 3 Mars 2023
- 9782358722490
La décolonisation du musée occidental universel est impossible, c'est l'argument de départ. Elle est impossible parce que pour que la décolonisation du musée soit accomplie, il faudrait des bouleversements qui remettraient radicalement en cause ses fondements, son fonctionnement, sa structure, sa mission, ses objectifs, et dès lors, pourrionsnous encore parler de musée ? Le musée, qui n'a jamais été un espace neutre, protégé des luttes sociales et idéologiques, symbolise la puissance de l'État, la richesse de la nation et son niveau de « civilisation ». Dire que cette décolonisation est impossible ne veut pas dire qu'il ne faut pas se battre pour que des amendements, des changements et des transformations de cette institution aient lieu, que des négociations ne soient pas entreprises avec les communautés dont des objets sont exposés, répondant ainsi à des exigences de réparation et de restitution et de justice épistémologique et sociale.
Françoise Vergès part de cette impossibilité pour penser ce qui serait possible, ce qui remplacerait le musée dans un monde post-raciste et post-capitaliste. Car si le programme de la décolonisation est celui d'un « désordre absolu » car il « se propose de changer l'ordre du monde » (Frantz Fanon, Les damnés de la terre, Maspero, 1961), alors il nous faut imaginer ce qu'est ce programme. S'attaquer à l'ordre de ce monde (et non du monde, pour être précise), c'est s'attaquer à ses institutions.
Le premier chapitre revient sur une défaite, celle du projet Maison des civilisations et de l'unité réunionnaise à l'île de La Réunion et explique pourquoi cette défaite était inévitable dans un contexte de colonialité. Ensuite, l'auteure rappelle le rôle du pillage dans la constitution du plus grand musée français, le Louvre, accompli par les armées napoléoniennes dans des États d'Europe et en Égypte, établissant ainsi une politique qui trouvera son plein développement avec la colonisation. Puis l'auteure présente des pratiques qu'elle a imaginées et mises en oeuvre qui cherchent à expérimenter des méthodes collectives de performance artistiques. La conclusion portera sur « l'abolition-révolution » ou le programme décolonial de désordre absolu.