'Le voyage décrit par Grenier est un voyage dans l'imaginaire et l'invisible, une quête d'île en île, comme celle que Melville, avec d'autres moyens, a illustrée dans Mardi. L'animal jouit et meurt, l'homme s'émerveille et meurt. Où est le port ? Voilà la question qui résonne dans tout le livre.' Albert Camus.
Oublions un instant que J.-B. Pontalis est le coauteur du célèbre Vocabulaire de la psychanalyse. Ce qu'il nous propose aujourd'hui est un vocabulaire privé, un lexique à usage personnel, une invitation à en fabriquer un pour soi, le plus intime.
Ici, il fait davantage confiance à la rêverie qu'au discours maîtrisé. Il commence par un éloge des fenêtres et conclut par celui des clairières. Des pensées, des moments, des rencontres sont évoqués sous la forme d'images venues du rêve, de mots venus du divan et souvent de brèves histoires qui sont autant de petits romans : vieille dame qui a perdu sa mémoire, l'homme fâché avec ses organes, le nom d'une fleur, une dormeuse, un livre dont une phrase vous a saisi. C'est la saveur de l'enfance, le souvenir et l'oubli, le goût de vivre et le chagrin, des larmes aux sanglots.
À chaque page, on s'étonne d'une telle précision pour rester au plus près du sens, sans sacrifier l'émotion, la sensibilité, la nostalgie d'un 'pays natal' à jamais introuvable.
Les chambres closes d'où filtrent des odeurs bizarres et le cabinet de l'analyste où la parole se trouve en se perdant. Le cahier noir où vient échouer l'amour et le coup de téléphone d'une vieille dame. La villa des grandes vacances, ses jeux et ses rites que la mort vient troubler. La rencontre avec Sartre en classe de philosophie et celle de Lacan dix ans plus tard. Le Cours H honni et le lycée bien-aimé. Les villes étrangères. Les petits métiers.
Autant de lieux et d'événements évoqués ici dans le désordre de la mémoire - 'C'était quand déjà ?' - et sous l'influence du présent. Autant de séparations et de commencements que trace et retrace le mouvement inachevé des mots, eux-mêmes séparation et parfois commencement.
'Il nous faut croiser bien des revenants, dissoudre bien des fantômes, converser avec bien des morts, donner la parole à bien des muets, à commencer par l'infans que nous sommes encore, nous devons traverser bien des ombres pour enfin, peut-être, trouver une identité qui, si vacillante soit-elle, tienne et nous tienne.'
J.-B. Pontalis.
Il existe je ne sais quel composé de ciel, de terre et d'eau, variable avec chacun, qui fait notre climat. En approchant de lui, le pas devient moins lourd, le cur s'épanouit. Il semble que la Nature silencieuse se mette tout d'un coup ´r chanter. Nous reconnaissons les choses. On parle du coup de foudre des amants, il est des paysages qui donnent des battements de cur, des angoisses délicieuses, de longues voluptés. Il est des amitiés avec les pierres des quais, le clapotis de l'eau, la tiédeur des labours, les nuages du couchant.
Pour moi, ces paysages furent ceux de la Méditerranée.
L'autobus vert est arrivé, celui qui va à la Bastille, s'arrête au Père-Lachaise, a son terminus place Gambetta. L'homme monte, après un moment d'hésitation. Les portes en accordéon se referment. Il disparaît parmi les passagers, avec un singulier sourire, comme s'il voulait, lui dont je jurerais qu'il ne possède rien, se faire du premier venu un ami avant de le quitter, ce sourire en retrait de ceux qui partent, sont déjà ailleurs, un sourire dont j'aimerais croire qu'il s'adresse à moi, qui reste là, en arrêt, sur un trottoir mouillé de pluie.
Pourquoi ne l'ai-je pas suivi ?
Soudain toute la ville n'est plus comme lui qu'un fantôme.
Pierre Lampédouze, écrit en 1924, est le premier roman d'Henri Bosco. Du premier coup, il avait su créer un univers enchanté qui resterait le sien, pour toujours. Racine de l'oeuvre future, ce roman mène au lieu spirituel qu'est pour Bosco la Provence, 'ce pays si grave et si religieux, mais dont la gravité ressemble à la sagesse...'.
Un livre de raison, tenu sur quatre saisons, comme il y a quatre humeurs et quatre âges. Choses vues, notations, réflexions et aphorismes : l'humeur noire domine, portée parfois à la fureur devant la dévastation d'une culture, la ruine de la langue, la vulgarité arrogante des médias, les signes irréfutables, glanés au jour le jour, d'un effondrement sournois du monde et de la venue d'un nouveau temps des barbares. Mais l'étonnement, l'émerveillement, la tendresse, l'enchantement percent plus d'une fois dans ce petit livre de pensées, quand il s'ouvre à l'intime et au chant.
'Justification, peut-être, de ce journal, cette réflexion de Julien Green : "Le secret, c'est d'écrire n'importe quoi, parce que lorsqu'on écrit n'importe quoi, on commence à dire les choses les plus importantes.'
Jean Clair.
'Ne pas dater ces fragments. Ils sont pour moi en marge du temps qui passe, de la chaîne du temps. Même quand ils évoquent une circonstance, une rencontre, une lecture d'autrefois, ces circonstances, rencontres, lectures sont mon présent.
Je sors ces fragments des marges de ma mémoire, elle-même fragmentée, lacunaire, pour les porter non au centre - personne n'a en lui de centre ou du moins ce centre introuvable n'occupe jamais le même lieu -, mais pour qu'ils viennent au jour du vif aujourd'hui.'
J.-B. Pontalis.
Ce récit retrace l'expérience d'un dépaysement. Une ville étrangère en est le lieu : Mymia. Des femmes en sont l'instrument : Alix et Angèle, et d'autres, venues de plus loin, du temps immémorial de l'enfance.
Le dépaysement est d'abord vécu dans un sentiment de vacance et de légèreté. Il vire progressivement au malaise, à la dépossession de soi, à l'exil. Les séjours, réels ou imaginaires, dans la maison natale sont également marqués par le 'loin'.
Loin dit aussi l'éloignement du temps. C'est plus de vingt ans après l'épisode de Mymia que le héros s'en fait le narrateur. Il rouvre ainsi à son insu une plaie qu'il croyait fermée.
Né à Fougères, entré aux gardes-françaises à dix-sept ans, le marquis de la Rouërie a fait la guerre d'Indépendance des États-Unis d'Amérique à la tête d'un corps franc. Rentré en France à la veille de la Révolution de 1789, il crée en Bretagne une armée clandestine pour s'opposer aux excès de la Convention. Mort quelques jours après l'exécution de Louis XVI, La Rouërie n'a pu commander cette armée qui s'est dissoute dans les troupes de la chouannerie.
Président du comité franco-américain qui a élevé à Fougères une statue de La Rouërie, Michel Mohrt raconte, dans ce livre, la vie du marquis dont la forte personnalité l'a séduit dès sa jeunesse.
'Au fond, on ne peut rien dire de la sensation, sinon qu'elle nous comble. Mais quel vide en nous remplit-elle ? Que peut-on dire du parfum d'une fleur, sinon qu'il nous enchante ? Il n'a pas été créé pour nous et nous en prenons pourtant notre part, d'autant plus fortement peut-etre que, contrairement ´r l'insecte, nous trouvons en lui un univers libéré de la nécessité. De quelle harmonie le corps est-il le temple qui, si nous étions un peu plus s"urs de nous et plus attentifs aux sensations qui nous traversent, pourrait nous faire pressentir la nature de ce que sont les dieux ?'
Ce livre, écrit dans la tradition de l'érudition libertine, recherche les traces d'un certain savoir fondé sur les sens. En une suite de digressions apparemment capricieuses, créant tout un réseau d'échos entre chaque thcme, il chemine, de la statue de marbre de Condillac aux cires de la Specola de Florence, du clavecin de Diderot ´r un sex-shop de la rue Saint-Denis, d'une gravure de Rembrandt ´r une peinture de Vermeer. C'est bien de rencontres qu'il s'agit, dessinées comme 'en passant' d'un trait lumineux. C'est aussi un roman d'apprentissage, ou l'auteur retrouve une identité et un nom.
Ovide, Les Métamorphoses (fragments)J.-B. Pontalis, L'insaisissable entre-deuxLuc Brisson, Bisexualité et médiation en Grcce ancienneMarie-Christine Pouchelle, L'hybrideFrançoise Cachin, Monsieur Vénus et l'ange de SodomeJean Gillibert, L'acteur, médian sexuelClaude Aron, Les facteurs neuro-hormonaux de la sexualité chez les mammifcresLéon Kreisler, L'enfant et l'adolescent de sexe ambigu ou L'envers du mytheRobert Stoller, Faits et hypothcses : un examen du concept freudien de bisexualitéPierre Fédida, D'une essentielle dissymétrie dans la psychanalyseWilhelm Fliess, Masculin et fémininDidier Anzieu, La bisexualité dans l'auto-analyse de FreudGeorg Groddeck, Le double sexe de l'etre humainRoger Lewinter, (Anti)judadsme et bisexualitéHerman Nunberg, Tentatives de rejet de la circoncisionChristian David, Les belles différencesAndré Green, Le genre neutreJoyce McDougall, L'idéal hermaphrodite et ses avatarsFelix Boehm, Le complexe de féminité chez l'hommeD.W. Winnicott, Clivage des éléments masculins et féminins chez l'homme et chez la femmeMasud Khan, Orgasme du moi et amour bisexuelJean-Marc Alby, L'identité sexuelle : pour quoi faire?Hélcne Cixous, Partie
Roger Grenier, VienneGérard Régnier, Les miroirs de TriesteEdmundo Gómez Mango, L'intime penséePhilippe Lejeune, Le journal de CécileMarcel Cohen, Désastres intimesMichel Gribinski, ClaudicationMarc Le Bot, L'autre mainFrançois Gantheret, Regarder, depuis l'horizonJean Clair, Le Sphinx de Delft et la déesse aux perlesFriedrich Huch, L'animal du reveFrançois Villa, Les étrangers du jour dans l'intimité de la nuitMichel de M'Uzan, Pendant la séanceChristian David, La quete de la délimitationPierre Fédida, La verticale de l'étrangerAmy Cohen - Francisco Varela, Le corps évocateur : une relecture de l'immunitéJacques André, L'inceste et la terreurNathalie Zaltzman, Tomber hors du mondeJean-Yves Tamet, TIl errait, et il ne comprenait pastGeorges-Arthur Goldschmidt, Traquer l'intimeJacqueline Chénieux-Gendron, Bavardage et merveilleAline Petitier, Le voyage du pauvreMichcle Hechter, Happy birthday to meJ.-B. Pontalis, Le compartiment de chemin de ferIn memoriam Masud Khan, 1924-1989 : Christopher Bollas, Portrait d'une personnalité psychanalytique peu ordinaireJ.-B. Pontalis, Masud, friendDidier Anzieu, Ce que je dois ´r Masud KhanJean-Yves Tamet, Le vif de la rencontreAdam Phillips, Retourner le reveVictor Smirnoff, By mail
André Green, L'idéal : mesure et démesureGuy Rosolato, La psychanalyse idéaloducteMarie Moscovici, La dictature de la raisonPaul-Laurent Assoun, Freud aux prises avec l'idéalSophie De Mijolla-Mellor, Idéalisation et sublimationChristian David, Le roc de l'idéologiquePierre Fédida, L'asymptotiqueSerge Viderman, La toile, la mouche et l'araignéeFrançois Roustang, Le respect pour écouter, l'irrespect pour entendreMichel Mathieu, La neutralité mise ´r nu par ses idéauxMichel Schneider, Questions de légitimitéMonique David-Ménard, Insatisfaction du désir, satisfaction de la pulsion : d'un idéal ´r l'autre?Christopher Bollas, La révélation de l'ici et maintenantMichel de M'Uzan, Miscre de l'idéal du moiJean-Claude Lavie, Qui Je...?
Jean Starobinski, La vision de la dormeuseSarane Alexandrian, Le reve dans le surréalismeRoger Lewinter, Pans de mur jauneAlexander Grinstein, Un reve de Freud : les trois ParquesDidier Anzieu, Étude littérale d'un reve de FreudElla Sharpe, Mécanismes du reve et procédés poétiquesHoward Shevrin, Condensation et métaphoreSerge Viderman, Comme en un miroir, obscurément...André Green, De l'Esquisse ´r L'interprétation des reves : coupure et clôtureAndré Bourguignon, Fonctions du reveOtto Isakower, Contribution ´r la psychopathologie des phénomcnes associés ´r l'endormissementBertram D. Lewin, Le sommeil, la bouche et l'écran du revePierre Fédida, L'hypocondrie du reveRoger Dadoun, Les ombilics du reveJ.-B. Pontalis, La pénétration du reveGuy Rosolato, Désirer ou/ou reverMasud Khan, La capacité de reverJean-Claude Lavie, Parler ´r l'analyste
J.-B. Pontalis, Le moment venuJean Starobinski, Chaque balle a son billetSuzanne Said, Part, contrainte ou hasard? Les mots du destin chez HomcreDidier Anzieu, La peau de l'autre, marque du destinD.W. Winnicott, LibertéMasud Khan, PrisonsMarie Moscovici, Les circonstancesMichel de M'Uzan, Les esclaves de la quantitéGuy Rosolato, Destin du signifiantMichel Schneider, Présentation de La question au destin d'Arthur SchnitzlerArthur Schnitzler, La question au destinPierre Fédida, Une méditation de la vengeanceChristian David, Un rien qui bouge et tout est changéDietrich Fischer-Dieskau, L'idée de destin en musiqueIsabelle Stengers, Comment parler de Tnouveaut en physique?Michel Schneider, PersonneVaria, III : J.-B. Pontalis, IntermcdeSylvie Gribinski, Just-so storyMichel Gribinski, Toucher est l'idéal, fallacieux, du sens propre...Marc Froment-Meurice, TQu'est-ce que Dieu?t...Jean-Claude Rolland, La jeune femme avait entrepris...Laurence Kahn, Si une petite fille vous explique...Dominique Clerc Maugendre, TJ'ai revét, dit-elle...Patrick Merot, Pli magiquePatrick Lacoste, VraimentOctave Mannoni, Question
Un été d'avant-guerre : un pcre et un fils aiment la mer et naviguent. Ils vivent séparément leur solitude entremelée d'amours intenses et brcves en Bretagne, pays traditionaliste et moderne tout ´r la fois. Les problcmes qui, autour d'eux, agitent la petite société estivale se posent encore de nos jours. On peut les résoudre avec les moyens du bord qui, eux non plus, n'ont pas changé. De meme que les rapports du pcre et du fils sont ambigus, de meme ce roman nous propose une double vision du monde, en alliant de façon subtile le charme d'autrefois et les inquiétudes d'aujourd'hui.
La philosophie de la Révolution, selon Bernard Groethuysen, a pour tâche de montrer comment certains principes abstraits se concrétisent, deviennent pour ainsi dire des images vivantes qui correspondent aux impulsions de la volonté et personnifient en quelque sorte les buts vers lesquels tendent les hommes de l'époque.
L'auteur examine un certain nombre de penseurs et d'écrivains, de Descartes à Rousseau, qui, par leurs idées, leurs doctrines, l'atmosphère intellectuelle qu'ils ont créée, ont préparé l'évolution des esprits qui a abouti à la Révolution. De là il passe à l'idée de Droit, dont le caractère révolutionnaire et universel a trouvé son expression dans la Déclaration des Droits de l'Homme. Enfin il expose les principes d'architecture sociale adoptés par la Révolution.
Voici cinq oeuvres dispersées dans le temps (de 1944 à 1977), mais dont l'évidente unité est celle de l'obscure préparation d'une "poétique généralisée", parallèle de l'"esthétique généralisée" dont Roger Caillois a avancé l'idée en établissant une continuité entre "la turbulence encore secrète" de l'univers inerte et le monde de l'autre turbulence que représente l'imaginaire humain, et particulièrement la poésie.
Dans Approches de l'imaginaire, l'auteur avait examiné le phénomène poétique comme un cas particulier de l'imaginaire. Ici, il soumet la poésie française contemporaine à une analyse critique, il en incrimine parfois les postulats dans Les Impostures de la poésie et dans Aventure de la poésie moderne. En même temps, lui qui avait adhéré au surréalisme "pour en finir avec la littérature", il avoue dans ces essais déjà anciens sa méfiance à l'égard de "l'inspiration absolue et incontrôlée", de l'image "inimaginable".
Toutefois, sans se déjuger, il insiste désormais sur l'importance de "l'image juste", "efficace", dans l'Art poétique et Reconnaissance à Saint-John-Perse. Exactitude et surprise, désarroi suivi de fascination, énigme posée en défi et bientôt accueillie comme signe d'intelligence, "occasion de tressaillir et d'admirer" : ces vertus de l'image tiennent à une propriété essentielle de l'univers, que cerne, à partir d'une leçon faite au Collège de France, le Résumé sur la poésie.
La Télévision (c'était l'ancien ORTF) ayant demandé à Michel Mohrt d'écrire une adaptation de Bouvard et Pécuchet de Gustave Flaubert, en vue d'en faire un téléfilm, Michel Mohrt accepta d'enthousiasme. C'est cette adaptation, c'est-à-dire le découpage en scènes dialoguées du roman, que l'on trouvera dans ce volume. En s'inspirant des indications de Flaubert, qui n'a pas achevé son oeuvre, l'auteur a imaginé les scènes qui auraient donné à celle-ci une fin.
Dans une introduction où il étudie l'humour particulier de l'écrivain, perceptible dès l'enfance et les premières oeuvres et qui trouve dans Bouvard et Pécuchet son expression la plus achevée, l'auteur explique pourquoi son scénario n'a pas été tourné.
Ce texte aussi bien que l'adaptation elle-même et les indications en vue d'une réalisation composent une étude critique de l'oeuvre de Flaubert.
Approches de l'imaginaire rassemble certaines études écrites par Roger Caillois entre 1935 et 1950 et non réunies jusqu'´r présent en volume. L'ouvrage reprend également trois essais épuisés et devenus introuvables : Proccs intellectuel de l'art, Puissances du roman et Description du marxisme.
Il est divisé en quatre parties : 'L'équivoque surréaliste', 'Paradoxe d'une sociologie active', 'Sciences infaillibles : sciences suspectes', 'Puissances du roman', qui apportent souvent d'autres témoignages sur les mouvements auxquels l'auteur a participé, notamment le groupe surréaliste dont il fut membre de 1932 ´r 1935 et le Collcge de Sociologie qu'il fonda en 1937 avec Georges Bataille. Ces études reliées par des arguments qui en précisent situation et signification s'efforcent, chacune ´r sa manicre, de définir la logique de l'imaginaire. Elles racontent une sorte d'éducation intellectuelle toujours orientée vers un meme but : défricher l'univers sensible afin 'd'y déceler des corrélations, des réseaux, des carrefours, des régularités, en un mot quelques-unes des réverbérations mystérieuses dont se trouve marqué ou illuminé l'épiderme du monde, depuis les dessins des pierres dans la maticre inerte jusqu'aux images des poctes dans le jeu apparemment libre de l'imagination'.
Cases d'un échiquier (1970) constituait par anticipation le second tome de ces Approches de l'imaginaire. Il correspond ´r la période 1950-1965. Obliques (1975) a rassemblé les dernicres analyses de Roger Caillois, décédé en 1978.
Plutarque raconte que, des sept mille Athéniens faits prisonniers durant les guerres de Sicile, échappcrent aux travaux forcés dans les latomies, et donc ´r la mort, ceux qui surent réciter ´r leurs vainqueurs Grecs comme eux, quelques vers d'Euripide.
Les nazis n'appliqucrent pas ce trait de clémence antique aux déportés des camps. Citer Goethe ou Schiller ne fut ´r ces derniers d'aucun secours.
Pourtant la mémoire - la culture - joua un rôle majeur dans le destin des déportés. Savoir par cur un pocme met ´r l'abri du désastre. Ce que l'on garde en esprit, aucune Gestapo, aucune Guépéou, aucune C.I.A. ne peut vous le retirer.
En septembre 1944, le peintre Zoran Music est déporté ´r Dachau. Il y réalise, au risque de sa vie, une centaine de dessins décrivant ce qu'il voit : les sccnes de pendaison, les fours crématoires, les cadavres empilés par dizaines, c'est-´r-dire l'indescriptible.
Plus que la formule trop citée d'Adorno sur Auschwitz, la question que pose ce livre est la suivante : que pouvait alors la mémoire contre la mort, l'art contre l'indicible ? Non pas 'aprcs', mais dans le quotidien de la vie des camps ? Que peut-elle aujourd'hui dans une modernité qui, par son déni de la culture au nom de l'égalitarisme, et par sa tentation, au nom du progrcs biologique, de légaliser l'euthanasie et l'eugénisme, semble souscrire au nomos de la vie concentrationnaire meme ?