Au-delà des manipulations qui opposent droite et gauche, rétro-bolcheviques et rétro-fascistes, pro et anti n'importe quoi, le Retour à la base est un rappel des problèmes auxquels celles et ceux d'en bas, que l'on nomme le peuple, sont confrontés, quotidiennement, à la maison, au village, dans le quartier. Renouant avec la tradition des feuilles volantes, colportées par les rues à l'aube de la Révolution française, ce libelle invite à se retrouver sur le terrain de l'existence, là où l'individu autonome réapprend à vivre, perçoit clairement les mensonges d'en haut, redécouvre l'entraide et se dépouille de cet individualisme dont le calcul égoïste perpétue le règne de l'argent et de la servitude volontaire.
Au coeur du cimetière de Montmartre, sur une tombe discrète à moitié recouverte par la mousse et les chiures des corbeaux, figure cette énigmatique épitaphe : J'aurais préféré ne pas. On imagine alors, poursuivant lentement son chemin dans les allées arborées d'un dimanche après-midi de fin du monde, que cet illustre inconnu, ce membre de la confrérie des Bartleby, aurait pu écrire quelques notes où l'on aurait croisé une poupée russe, un érable du Japon, une trottinette électrique, et aussi peut-être une tête dans le fossé, des cyclistes du dimanche, des moutons sous la lune, ou encore Roger Federer, Ulysse et feu la reine d'Angleterre... Et pourquoi pas quelques fantômes et une licorne, Dieu, un héron et un sphinx amnésique, sans oublier les légendaires icebergs de la mélancolie ? En sortant du cimetière, on frissonne soudain, on se ravise : cet inconnu, eût-il écrit ces notes, ne les aurait jamais réunies dans ce mince recueil que vous tenez dans la main ; et pourtant...
Depuis des années, Michel Delhalle se passionne pour les aphorismes. Il les collectionne, les note, les compile et en parle avec passion dans des conférences endiablées qu'il anime aux quatre coins de la Belgique francophone.
C'est donc tout naturellement qu'il accéda à la proposition de Cactus Inébranlable de compiler une anthologie dans laquelle il brosserait un tableau le plus large possible des auteurs belges s'étant essayés à l'art de la forme brève.
Le résultat : une somme recensant plus de trois cents auteurs, près de deux mille aphorismes, un livre appelé à devenir une référence dans l'histoire de la littérature de Belgique.
«Je ne suis ni Belge ni surréaliste et je vous prie de me pardonner.» C'est en ces termes que Paul Lambda s'est exprimé la première fois que je l'ai lu.
Il désirait soumettre à nos bons soins un manuscrit d'aphorismes, il avait sonné à la bonne porte. Ca arrive - trop peu souvent, mais ça arrive -, ce fut une véritable claque.
Ou une caresse.
Il n'avait pas besoin d'avouer ne pas être de la bonne nationalité, il était déjà pardonné. Dans le reflet de mon écran d'ordinateur, je me devinais occupé à sourire en le lisant.
Je découvrais des phrases conçues dans la dentelle, des propos qui coulaient comme le sable entre les doigts, des mots s'articulant avec une telle évidence que l'on se reprocherait volontiers ne pas avoir pensé la formule avant lui.
S'il avait été près de moi lors de cette première lecture, sans doute l'aurais-je serré dans mes bras en le remerciant, mais j'ignorais à quoi il ressemblait, s'il était grand et bedonnant ou maigre et chauve, s'il sentait l'ail ou le vétiver, le patchouli ou le pastis, s'il piquait ou souriait, grognait ou s'esclaffait, s'il aimait la bière ou la Suze...
Je découvris que l'homme diffusait ses tweets à 7500 abonnés et lui offrit directement un contrat plantureux.
Nous étions faits pour nous entendre.
Jean-Philippe Querton.
Editeur d'aphorismes.
La démarche nonchalante, André Stas approche ; il porte son chapeau, son perfecto et, par-dessus le pull rouge, un foulard constellé de gidouilles. Il vous salue de sa voix rocailleuse, son accent traînant trahissant quelque peu ses origines. Après quelques bières, il est fort probable qu'il marmonnera des blagues dont il rira plus fort que vous, parfois même avant la chute. Je vous parie l'intégrale des solos de guitare de Keith Richards contre toute l'oeuvre de Marcel Mariën qu'il se mettra alors à tousser, calmant le graillonnement par une petite cibiche jadis mentholée. La soirée durera, il relatera les soupers chez Tom Gutt, les beuveries avec Jean-Bernard Pouy, les délires avec son ami Godin, il évoquera sa maman, se souviendra de l'époque de Radio Titanic, du Cirque Divers...
Le monde des brutes, on le connaissait. Le monde des abrutis, on le découvre chaque jour un peu plus. Progressivement, inexorablement, le second s'installe dans les pantoufles du premier, avec son raz-de-marée d'égoïsme et de méchanceté, mais surtout - nouveauté - de bêtise. C'est ce monde délirant que Dominique Watrin dévoile au grand jour dans un pamphlet humoristique noir. Pointant d'un doigt sale la prise de pouvoir des idiots sur les rouages de la vie, il décortique en 32 tableaux autant de domaines contaminés par la stupidité, en y mordant de ses 32 dents (et 6 plombages). Le migrant indésirable, l'agriculteur encombrant, l'enfant tyran adulé, le pollueur impuni, le fasciste du clavier, l'exploiteur de misère assumé... chacun, victime ou bourreau, a droit à son couplet. La parade de l'auteur face à ce chaos en marche ? Ajouter de l'absurdité délibérée à l'absurdité imposée. Et peu importe que ses propositions soient réalisables ou pas, canalisant sa colère dévorante, il taille en pièces cette communauté des humains devenue invivable. Avec ce traité prônant sarcastiquement de combattre la bêtise par encore plus de bêtise et la haine par davantage de haine, il signe un guide de comportement dédié à tous ceux qui veulent survivre dans une société à réinventer de fond en comble. L'essentiel, pour lui, est de dénoncer et surtout de rire, rire jusqu'à l'ivresse de rire ! En pointant du doigt le règne des abrutis, avant que ne s'installe la dictature des abrutis.
Le rire est notre planche de salut. Ils nous veulent tristes, apeurés et désespérés. Nous leur opposons une lecture jubilatoire. À travers une fiction pamphlétaire, le lecteur est invité à s'en payer une tranche sur les grands de ce monde.
Cet opus oscille entre critique incisive de la gestion sanitaire et des projets politiques afférents et «rire jaune»; parce que les grandes questions restent néanmoins en suspens. Qu'en sera-t-il de nos libertés de circuler, de nous distraire, de nous cultiver?
«Quand cesserons-nous de confier le sort de nos libertés à ceux qui se flattent le mieux de nous dépouiller?» Cette question, Raoul Vaneigem l'avait posée au siècle dernier ; elle est reformulée par les deux auteurs qui s'entendent à dessaper les Rois, à leur marcher sur la tête selon les voeux de Shakespeare.
Cet ouvrage s'adresse à tout le monde : que le lecteur soit «d'un côté ou de l'autre», ou s'il ne se reconnaît ni dans le complot ni dans la gestion de la pandémie par les États, il trouvera matière à réflexion ; de plus, il se délassera des nouvelles mortifères qui nous sont assénées depuis le printemps 2020 - tant par les médias que par les réseaux sociaux, tant par les conspirationnistes que par les anticonspirationnistes.
Gageons, qu'il se réjouira à la lecture de nombreux passages, et n'en croira parfois pas ses yeux.
Depuis quelques années, entre deux courts poèmes, pour se rincer l'esprit, Karel Logist écrit de petites phrases, de brèves réflexions sur le monde qui l'entoure, sur ses contemporains, des fragments empreints d'humour, de philosophie, d'amertume, parfois. Ces textes rencontrent un indéniable succès sur les réseaux sociaux. Aux aguets, l'éditeur d'aphorismes propose alors au poète de le publier... Avant-goût : Il nous manque la clé pour ouvrir le silence. J'adore avouer mes mensonges. Pour qu'ils deviennent des vérités. Je ne travaille pas. Plusieurs métiers m'exercent. On a beau accuser son âge ; le vrai coupable court toujours. Narguons les lunes et les amarres. Larguons les nuls et les amers. Les écrivains heureux jardinent leurs paysages. Mon pire cauchemar serait de laisser à d'autres le soin de réaliser mes rêves !
Et s'il n'en reste qu'un Il s'est installé dans la dernière cabine téléphonique de la ville. C'est là qu'il vit désormais. Il veut être le premier à décrocher quand ça sonnera de nouveau et, il en est absolument persuadé, ça finira bien par sonner, un jour ou l'autre. Thierry Roquet est un spécialiste de texte bref, voire excessivement bref. Il manie l'art de la concision à la perfection et s'inspire de chaque rencontre, de chaque observation, de chaque réflexion pour écrire une histoire dont on sort, à peine rentré. Cela tient de la performance...
Je dirais en substance (licite) que je conçois À l'ouest, gentil à l'ouest comme la boucle bouclée de ce qui m'apparaît comme une menue trilogie. Qui mène me suive (2017) était un macérat brûlant, un manifeste décomplexé, un docte et joyeux « craboutcha ». Hapax-2000, l'odyssée de l'extase (2019) tenait de l'enracinement au goût mystique de voyage introspectif tandis que ce troisième titre est une réconciliation aérienne de ses deux grands frères. Comme le conclut la chanson dédiée, c'est un « bol en dessous d'un nid de coucou » !
Avant-goût La vérité sort toujours de la bouche des égouts.
Des hirondelles sont passées en sifflotant, j'ai pris des notes au vol.
Une clé tomba de l'arbre. Quelque part je ne sais où, une porte devait être mûre.
Depuis la nuit des temps, ça fait quand même long la journée.
J'ai décidé de sortir du silence, l'odeur était trop forte.
Il est étonnant de voir la prodigieuse faculté d'adaptation de l'homme à sa propre connerie.
Si les amateurs d'aphorismes devaient un jour se mettre d'accord (ce qui n'est pas gagné) pour ériger une statue symbolisant leur passion pour la forme brève, ce serait sans doute le buste de Michel Delhalle qui serait inauguré par les plus hautes autorités. Comme d'autres sont transportés par la céramique japonaise du quatrième siècle avant J.-C., l'auteur louviérois éprouve une fascination compulsive pour la formule qui fait mouche qu'il traque tel un braconnier insatiable. Collectionneur, cueilleur, ramasseur, anthologiste, rassembleur, partageur... il porte avec élégance tous les chapeaux dont on l'affuble et lorsque la récolte du jour touche à sa fin, il se laisse doucement aller à écrire ses propres pensées. Il nous invite ici à les savourer.
Au long, préférer le court ; au roman-fleuve, les fragments-filets d'eau ; à l'unité de ton, la variété des approches ; au réalisme, l'imaginaire, l'absurde et l'allégorie ; au sentencieux, l'humoristique. Et écrire un livre-collage, juxtaposition de microfictions en apparence disparates où la perspective naît de l'enchevêtrement des formes et du chevauchement des couleurs.
Certes, on est averti d'emblée du procédé, on sait que l'on a affaire à des textes truqués. Certes, en les lisant, on se rend bien compte que « quelque chose cloche ». Pourtant, on ne peut s'empêcher d'y chercher du sens, mieux : d'en trouver.
C'est que nous n'aimons pas lire pour rien. La lecture exige de nous un effort, dont nous attendons la juste récompense. Sous leur apparence ludique, ces « nouvelles » en disent long sur le fonctionnement de l'esprit humain, sa propension à chercher partout de la cohérence, et à en fabriquer s'il n'en trouve pas, pourvu que l'objet proposé ait les apparences d'une totalité ou d'une continuité.
Aussi, bien que conscients de l'artifice, nous nous efforçons de combler les lacunes, nous nous évertuons à trouver une unité à ces membres épars. Nous nous surprenons même à reprendre tel passage, persuadés que nous ne l'avons pas bien lu, que quelque chose nous y a échappé. Avant de nous rendre à l'évidence : non, rien ne nous a échappé, c'est le texte qui s'est rendu insaisissable.
Circulez, il n'y a rien à voir...
La poésie est lente et doit macérer, infuser, prendre le temps de trouver son sens. Loin des couleurs criardes, le texte est blanc sur noir, parti de linogravures réalisées en son atelier sur des déchets de linoléum. Plus que jamais, la voilà nécessaire, génératrice, prometteuse de printemps.
Donnez-lui une terrasse de café, une rue déserte, un quidam dans le tram, un paysage, une file d'attente, un lit défait, une averse, un vieux cimetière et avec ses outils - des verbes, des substantifs, des adjectifs, quelques déterminants et de bons vieux adverbes - il est capable de composer une phrase belle à souhait qu'on lit et qu'on relit et qui donne de la réalité observée une vision inattendue, personelle, étonnante.
Pierre Alain Mercoeur fait partie de cette nouvelle génération de tricoteurs d'aphorismes, de ces auteurs dont se délectent les admirateurs du génial Eric Chevillard, dont il se revendique par ailleurs.
Comme il le dit, ses notes sont le petit bois qui alimente quotidiennement l'âtre de son blog. Désormais, le blog s'est fait livre.
Phrases bêtement détournées, pensées sans intérêt injustement attribuées à des célébrités, chacune des citations qui composent ce florilège est un affront à l'histoire, à la géographie, à la littérature, au cinéma, aux sciences, à la politique... et surtout, cerise moisie sur le gâteau pourri, au bon sens et au bon goût.
Entre vos mains, le centième P'tit Cactus ! Cette collection qui a vu le jour en 2011 est consacrée aux formes brèves et, pour la majorité, à l'aphorisme. Si la plupart de ces ouvrages ont été commis par des hommes d'un âge certain, c'est une jeune femme qui, en signant ici son premier livre, ouvre de nouveaux horizons dans ce genre plus que jamais vivant qu'est l'aphorisme. Elle nous propose un recueil riche en espoir et en perspective et nous prouve que les femmes peuvent contribuer à construire l'avenir de ce genre littéraire.
La révélation sera terrible pour l'ensemble des consommateurs et de producteurs d'aphorismes : aucun aphorisme n'a jamais été produit par un être humain ! Tout est issu de la mécanique complexe de l'AÀFLA, l'Appareil À Fabriquer Les Aphorismes.
Est-ce par esprit de contradiction ou par souci de contraction que j'ai écrit ces brèves fictions?
L'on m'a fréquemment reproché le laconisme de mes nouvelles : je ne suis pas coureur de fond, pour garder la forme! J'ai voulu encore désosser le jambon : je n'avais qu'une envie, laisser libre court aux idées, leur flot, l'urgence, leur impérative éruption - comme le lait débordant de la casserole.
Elles affluaient au portillon, à la queue-leu-leu du Pôle emploi de mon imagination - elles sont là, toutes, en Opus CDI!
Puisque contraction il y a, l'accouchement fut sans douleur - la mère se porte bien : elle se prénomme «Nuit Blanche»...
Écrites à la faveur de la caféine et des insectes noctambules, ces petites douceurs se dégustent à toute heure, pareilles à des toasts ou des crackers - miettes sans philosophie.
À votre guise de picorer ces anecdotes apéritives, chaque olive du cocktail, jusqu'au zeste du citron! Ou bien cul sec tout le shooter!
Une tentative de pousser le bouchon un peu loin, histoire de connaître le plaisir qu'il y a à boire la tasse, et la satisfaction de revenir au bord.
Une expérience valant autant pour moi qui ai créé ce miroir, que pour vous qui allez oser le traverser, pendant quelques minutes ou sur quelques mètres.
Et alors que vous reprendrez votre souffle, allongés sur le sable, avec la ferme intention de ne pas recommencer, je vous conseille de repartir à l'eau, de vous éloigner toujours plus du confort des plages où vous vous dorez la pilule, d'aller encore braver les vagues et le large.
Vous verrez qu'à force de goûter au sel des Bermudes, vous réussirez à atteindre une bonne fois pour toutes la fin de cet interminable paragraphe.
Contrairement à la connerie, qui n'est que le cul de sac de l'intelligence, la Bêtise ouvre au chercheur d'innombrables pistes de réflexion, jusqu'aux confins de la pensée cartésienne et même au-delà.
C'est sur ce postulat que les deux auteurs de cet opuscule ont basé leurs investigations, bien conscients que les exemples réunis dans ce volume ne dévoilent qu'une infime parcelle, une poussière de poussière dans l'immensité des possibles.
Il en résulte des spéculations aussi débridées que rigoureuses, une avalanche de solutions imaginaires déclinées sous la forme d'une iconographie édifiante et de textes frappés au poinçon de la Science.
Bien entendu, JiCé Ditróy et Le Docteur Lichic sont membres du Collège de 'Pataphysique.
Étienne Pichault a oeuvré de longues années devant les fourneaux de son restaurant pour satisfaire l'appétit bienvenu de clients affamés de nourritures et de belles tranches de rire bien épaisses farcies de jeux de mots. Car il a l'humour aiguisé, le Pichault, et il n'y va pas avec le dos de la cuillère pour assaisonner les calembours qui lui viennent à l'esprit tandis qu'il trousse la volaille, qu'il dépiaute le lièvre, qu'il blanchit l'asperge ou qu'il monte la béarnaise. Gavons-nous de ses plaisanteries, dégustons ses contrepèteries, enivrons-nous de sa bonne humeur communicative et trinquons à la joie de vivre ! Bonne dégustation !
Ayant appris que je composais des fragments érotiques, elle me propose de me montrer ses seins pour que je médite sur les concepts de la chute et des beaux restes. Je la remercie et lui réponds que l'écrire suffira. En pleine pandémie et dans le tourbillon de la culture éveillée, l'auteur s'abandonne ici à une rêverie sur ses transports amoureux. Oui, mais qu'adviendra-t-il de notre désir ?