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Fata Morgana
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Plénièrement ; une journée chez Eliza
Pierre Alechinsky, Julien Gracq
- Fata Morgana
- 15 Mai 2006
- 9782851946720
La figure de Breton a servi, au gré des querelles et des commémorations, d'objet de culte autant que de repoussoir. Le seul sentiment qu'elle n'aie pas inspiré fut l'indifférence. Julien Gracq, qui fut un proche de Breton et lui consacra dès 1948 une importante étude, nous livre ici une très subtile analyse de la fameuse «tyrannie de la liberté» que le poète exerça effectivement sur plusieurs générations, et que ses détracteurs considèrent avec condescendance comme une contradiction sans appel. Le regard fin et sans complaisance de Gracq nous assure d'une chose : l'impérieuse vitalité du surréalisme fut toujours à l'image de la liberté exclusive et rageuse de Breton, et la critique très «politiquement correcte» d'un Breton régalien nous révèle plus que toute autre chose l'état bien famélique de nos aspirations à la liberté.
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Un proverbe espagnol, propre à graver dans la mémoire la différence subtile entre les verbes ser et estar, dit ceci :
Un loquito del hospicio Me dijo en una occasion :
No son todos los que estan Ni estan todos los que son.
Un demi-fou de l'asile M'a dit un jour :
Ceux qui sont ici ne sont pas tous fous Et ceux qui sont fous ne sont pas tous ici.
Il en va de même pour ce recueil : ceux qui y sont ne sont pas tous des génies et ceux qui sont des génies ne sont pas tous ici.
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Mais de quoi le temps aurait-il peur, lui ce tout-puissant qui préside à la formation comme à la ruine des galaxies et de nos empires ? J'imagine qu'il a peur de s'arrêter ou, en quelque manière, de trébucher ou de s'enliser s'il s'abandonnait, un peu plus que pour un pli ou un accroc, à un ralentissement ou à une accélération quelconques : il lui faut conserver à tout prix un train égal, jusque dans les variations que la relativité lui impose.
A-t-il une vitesse propre ? Peut-on poser avec sérieux la question de savoir combien de temps le temps met pour se rendre d'un point du temps à un autre ?
Depuis la publication de Celle qui vient à pas légers, Jacques Réda n'a cessé de chercher ce qui se joue dans le glissement du ciel et de la terre. Miroir et pendant de l'herbe et du bitume, de l'ici de notre demeure et du maintenant de notre présence, le ciel, sans limite, constitue pour Réda ce dont l'oeil a besoin pour transvaser dans l'infiniment grand de ses rêves l'infiniment petit de ses préoccupations. Le cosmos appelle la science et celle-ci est ici sans cesse entretenue et valorisée par la poésie de Réda qui va trouver dans l'expérience de la vie ordinaire le moyen de se déployer.
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Cioran qui avait plus de goût pour la musique que pour la peinture, n'avait jamais fait de livres illustrés. En 1979, nous l'avions cependant persuadé de tenter l'aventure avec Pierre Alechinsky. Il lui proposa donc une suite d'une trentaine de pages d'aphorismes inédits, à quoi le peintre répondit par trente-deux lithographies en couleurs en pleines pages. Rencontre exceptionnelle, que seuls quelques bilbliophiles privilégiés purent goûter. Cette édition, que nous rendons aujourd'hui disponible à nouveau, n'est pas un simple fac simile mais une variante, puisque le texte original est accompagné d'une impression en noir du premier état des lithographies.
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Composé à la manière d'un sermon en trois points, cette réflexion de Richard Millet sur la mort ne s'intéresse pas à ses conséquences métaphysiques comme on pourrait s'y attendre. Il est ici question de la mort du monde vivant : de la mort de la foi chrétienne, la mort de la culture occidentale, la mort de la langue. Monde où chacun, vidé de toute substance, se retrouve seul.
Et le prédicateur de ce sermon n'échappe pas à cette règle, soumis à l'opprobre général que lui a valu le scandale lié à son essai littéraire sur Anders Behring Breivik. Mais c'est avec un plaisir malsain, comme empli d'une lucidité morbide, que l'on se délecte de cette fin de monde annoncée et de ce désespoir hargneux que l'on trouve chez les grands penseurs tels Emile Cioran ou Léon Bloy.
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Toutes les remarques qui vont suivre voudraient définir, à titre d'hommage, la recherche de François de Asis. Il s'agit d'une esthétique réfléchie et passée au crible de l'expérience, construite sur des années, dont il faut mesurer toute la portée. Ce peintre n'exclut ni ne s'oppose, il se tient au lieu même d'une interrogation essentielle : que pouvons nous représenter du monde ? Quel en est le degré de nécessité ? Nous avons voulu, à la suite de nombreux entretiens, exposer la force spéculative de sa peinture. Chaque fois que nous dirons «le peintre», il conviendra de comprendre François de Asis nourri de peintures et d'oeuvres antérieures qu'il revisite.
Riche d'une centaine de dessins et peintures exécutés lors de ces quarante dernières années ce livre nous fait voyager en Provence, en Italie, sur les pourtours de toute la Méditerrannée et prend les allures d'un nouveau paysage, d'un lieu unique qui ne conserverait de la durée que les traces essentielles.
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L'éternité des chefs-d'oeuvre ne les arrache point au temps. Inconsciente et capricieuse, l'actualité se cherche une raison et une assise dans les oeuvres du passé qui, malgré leur achèvement, changent ainsi de signification, se renouvellent et vivent. Proust qui n'appartient plus au présent parce que déjà il peut le guider, connaît le magnifique destin de survies innombrables.
Dans ce volume, publié pour la première fois en 1976, Levinas poursuit la méditation élaborée dans ses grands ouvrages, avec la même conviction, mais avec plus de doigté, de fraternité, puisqu'il ne s'agit plus ici d'expliquer sa philosophie mais de comprendre, de penser celle des autres : Agnon, Buber, Celan, Derrida, Jabès, Kierkegaard ou encore Proust. Et c'est en leur prêtant ses propres problèmes, et ses propres exigences - ce qui est le signe de l'exacte compréhension - qu'il parle de ceux qu'il préfère.