«Relever le lustre et le privilège des dames, opprimés par la tyrannie des hommes, de les combattre plutôt par eux-mêmes, c'est-à-dire par les sentences des plus illustres esprits de leur sexe profanes et saints, et par l'autorité même de Dieu», voilà résumée en partie l'ambition de Marie de Gournay (1565-1645). Car, si elle défend la position des femmes, qu'elle veut à l'égal des hommes, et si elle réclame pour elles un accès au savoir et aux débats intellectuels, elle dénonce aussi la superficialité de la haute société qui l'entoure. «Fille d'alliance» de Montaigne et éditrice de ses Essais, Marie de Gournay puise, chez les Anciens comme chez ses contemporains, son inspiration pour de nouveaux modèles de moralité. Un plaidoyer humaniste en faveur de l'éducation des femmes placé au coeur d'une profonde réflexion et d'une indéniable vocation pédagogique consacrées à la moralisation de la société.
Extrait de Sens et non-sens (Bibliothèque de philosophie)
«L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature, mais c'est un roseau pensant. Il ne faut pas que l'univers entier s'arme pour l'écraser ; une vapeur, une goutte d'eau suffit pour le tuer. Mais quand l'univers l'écraserait, l'homme serait encore plus noble que ce qui le tue puisqu'il sait qu'il meurt et l'avantage que l'univers a sur lui, l'univers n'en sait rien.» Une méditation bouleversante sur la condition humaine, entre misère et grandeur, portée par une éloquence exceptionnelle.
Le meilleur du meilleur esprit du Grand Siècle.
Le cardinal de Retz a laissé dans l'histoire le souvenir d'un trublion et ses Mémoires passent pour un bréviaire de subversion. Depuis longtemps on leur emprunte, sans toujours les avoir lus, des formules utilisables à toutes fins, qu'on se transmet en les déformant. Or les maximes dont il a émaillé le récit de sa vie valent beaucoup mieux que cela. Détachées de leur contexte et regroupées, elles offrent en raccourci des vues pénétrantes et originales sur les hommes, le gouvernement, l'action politique. Elles sont aussi un miroir où se réfléchit le visage d'un homme dont la carrière fut un échec retentissant, mais qui sut en tirer les leçons et les mettre en forme dans un style qui a la fermeté et la souplesse de l'acier.
C'est ainsi que Simone Bertière nous présente son anthologie de plus de 250 maximes, tirées des Mémoires du cardinal : un vade-mecum pour candidat à des fonctions officielles autant qu'un recueil de férocités jubilatoires ponctuées de leçons de sagesse universelle. Un régal...
Chaque jour, un groupe, une minorité, un individu érigé en représentant d'une cause menace et veut censurer parce qu'il se dit « offensé ». Souvent, le procès est mené en criant à l'« appropriation culturelle », ce nouveau blasphème.
Au Canada, des étudiants réclament la suppression d'un cours de yoga pour ne pas risquer de « s'approprier » la culture indienne. Aux États-Unis, des étudiants s'offusquent aux moindres contradictions, qu'ils considèrent comme des « micro-agressions », exigent des safe spaces, dans lesquels on apprend à fuir le débat et l'altérité. La France elle-même n'y échappe pas, où des groupes tentent d'interdire des expositions ou des pièces de théâtre... souvent antiracistes !Ce livre propose une autre voie, universaliste, qui permet de distinguer le pillage de l'hommage, tout en continuant à penser et à se parler.Le cri d'alarme d'une figure de la gauche qui ne reconnaît plus les combats des siens. Le Point.
La Lettre à Ménécée est une courte lettre à propos de l'éthique et du bonheur, dans laquelle Épicure donne à Ménécée un mode d'emploi pour une vie bienheureuse.
Publiés en 1904, ces aphorismes sont l'exact reflet de la pensée d'Oscar Wilde. Feu d'artifice de mots d'esprit, ils disent tous les paradoxes d'un écrivain de génie qui n'a rien perdu de son caractère scandaleux.
Né à Dublin en 1854, Oscar Wilde, esthète et dandy à l'esprit brillant, est l'auteur notamment du Portrait de Dorian Gray.
Il meurt en 1900, déchu et ruiné, à Paris.
Ses Aphorismes, joyeusement cyniques, disent tous les paradoxes d'un auteur de génie qui n'a rien perdu de son caractère scandaleux.
« Une seule chose au monde est pire que de savoir qu'on parle de vous, savoir qu'on ne parle pas de vous. »
Un tel manifeste en faveur de l'abstention serait aujourd'hui impensable. Pour autant, il ne cherche point à favoriser le désengagement mais à dénoncer la mystification du système électoral qui pare de la légitimité du vote les extorsions des puissants. Selon Mirbeau, les institutions demandent à l'électeur son aval pour l'abêtir. Or, Mirbeau le prend à partie sur l'absurdité de sa contribution au grotesque spectacle de sa quête aux suffrages. Avec humour et dérision, il attente à la respectabilité des institutions, dénonce «la protection aux grands, l'écrasement aux petits». Sans visée utopique, cette critique radicale nous lègue les armes capables de nous défaire du conditionnement qui annihile le plus faible ; une vision juste, qui nous dérange encore plus de 120 ans plus tard !
«Au temps de Socrate, il y avait à Delphes, comme chacun sait, une espèce de Sibylle inspirée par Apollon, et qui vendait des conseils sur toute chose. Seulement le dieu, plus honnête que notre marchand de fluide, avait écrit son secret au fronton du temple. Et lorsqu'un homme venait interroger le destin, afin de savoir ce que les choses feraient pour ou contre lui, il pouvait lire, avant d'entrer, ce profond oracle, bon pour tous:Connais-toi.»«Connais-toi», «Des passions», «De l'imagination», «Ne pas désespérer», «Du devoir d'être heureux»... Trente superbes fragments de l'une des oeuvres phares d'Alain:Propos sur le bonheur.
« Est criminel tout ce qui a pour effet de déraciner un être humain ou d'empêcher qu'il ne prenne racine. » 1942. Résistante, Simone Weil est à Londres, rédactrice au service de la « France Libre ». C'est alors qu'elle écrit, pour l'après-guerre, plusieurs textes ayant vocation à préparer la refondation du pays.
Parmi eux, Étude pour une déclaration des obligations envers l'être humain et Luttons-nous pour la justice ? Suivra, au début de l'année suivante, La personne et le sacré. Trois textes que guident, phares en ces temps sombres, les idées de consentement, de beauté et de communauté humaine. » Un triptyque tout entier imbriqué à la grande oeuvre tardive et inachevée de Simone Weil : L'enracinement.
«Il y a dans les afflictions diverses sortes d'hypocrisie. Dans l'une, sous prétexte de pleurer la perte d'une personne qui nous est chère, nous nous pleurons nous-mêmes ; nous regrettons la bonne opinion qu'il avait de nous ; nous pleurons la diminution de notre bien, de notre plaisir, de notre considération. Ainsi les morts ont l'honneur des larmes qui ne coulent que pour les vivants... Il y a une autre espèce de larmes qui n'ont que de petites sources qui coulent et se tarissent facilement : on pleure pour avoir la réputation d'être tendre, on pleure pour être plaint, on pleure pour être pleuré ; enfin on pleure pour éviter la honte de ne pleurer pas.»
«Ce coquillage que je tiens et retourne entre mes doigts, et qui m'offre un développement combiné des thèmes simples de l'hélice et de la spire, m'engage, d'autre part, dans un étonnement et une attention qui produisent ce qu'ils peuvent:remarques et précisions tout extérieures, questions naïves, comparaisons poétiques, imprudentes théories à l'état naissant... Et je me sens l'esprit vaguement pressentir tout le trésor infus des réponses qui s'ébauchent en moi devant une chose qui m'arrête et qui m'interroge...» Qu'il évoque un coquillage aux formes fascinantes, le phénomène du rêve ou celui des mythes, Paul Valéry pense et déplie, dans ce triptyque sensible, «une poésie des merveilles et des émotions de l'intellect».
« L'histoire d'un ruisseau, même de celui qui naît et se perd dans la mousse, est l'histoire de l'infini. » « La source », « Le torrent de la montagne », « Les rives et les îlots », « Le cycle des eaux »... De chapitre en chapitre, suivant « les sinuosités et les remous » d'un ruisseau, depuis le ru jusqu'à la mer, Reclus ouvre le précis de géographie et le métamorphose, au fil de l'eau, en un singulier écrit d'écologie poétique.
Dans cette édition abrégée, se trouvent dix fragments d'une seule histoire : celle de l'Histoire d'un ruisseau d'Élisée Reclus (1830-1905), géographe arpenteur, communard exilé et figure pionnière d'une pensée écologique où se confondent connaissance de la nature et quête ardente de la liberté.
« Bagarre : En Bretagne, jadis, il y avait des bagarres de bistrot assez marrantes. C'était du rugby sans arbitre.
Oisiveté : J'adore. J'ai des rendez-vous avec moi. Je peux faire des kilomètres (des miles) pour aller retrouver une lumière, seulement une lumière, rien qu'une lumière. » Tour à tour poète, critique, humoriste, moraliste, Olivier de Kersauson se dévoile à travers ce dictionnaire très personnel, posant un regard sans détour sur notre époque, sur son enfance, ses désirs et ses rêves, en essayiste et en conteur. Ses écrits évoquent un monde complètement disparu et dessinent la philosophie d'un aventurier, libre dans tous les sens du terme.
Bienvenue au Café Panique ! Laissons Topor nous raconter l'histoire d'Attends-la-suite, le comique le plus triste du monde, celle de Double-face, l'inventeur d'un cocktail qui transforme les hommes en femmes, ou encore celle de Poney-Express et Vodka-aux-herbes aux explosives scènes de ménage. Des contes grotesques, burlesques, tragi-comiques entre légendes urbaines, anecdotes et mythologie de comptoir.
Artiste multidisciplinaire, Roland Topor (1938-1997) a été peintre, dessinateur, écrivain, dramaturge, poète, chansonnier, cinéaste, acteur, photographe... Remarqué pour ses étranges dessins (dans Arts, Bizarre et Hara-Kiri), il reçoit le prix de l'Humour noir dès 1961. Certaines de ses images ont fait le tour du monde
D'Holbach fait ici l'apologie de l'art singulier de ramper, nécessaire au maintien du courtisan dans la Cour du Roi. Art du maintien, de la bonne façade et du savoir-vivre hypocrite, ramper est une manoeuvre subtile, fondée sur l'abnégation. D'Holbach moque l'intelligence des conventions sociales, tissées d'hypocrisie et d'arrivisme. Car c'est n'avoir que peu d'orgueil et de passion que de devoir revêtir le costume de l'hypocrite pour, au fond, conforter le pouvoir des puissants. La position de l'auteur à l'égard de ces courtisans n'a d'égale que celle des courtisans face à leurs pairs et à leur maître. En décrivant les masques dont doit se revêtir le courtisan, d'Holbach met bas les mécanismes mêmes de la dissimulation et de la pantomime.
Genre littéraire initialement associé à l'oraison funèbre, l'éloge n'est ici dédié à Rien. Oui bien est-il rédigé pour Rien. Ne glorifiant que le Rien, cet ouvrage défie le ton grave et solennel, cultive à plaisir les paradoxes. En ne chantant les louanges de Rien, l'auteur célèbre tout et Rien. Ce panégyrique pour le moins flatteur à l'adresse du vide et de l'absence offre l'occasion d'un morceau remarquable de rhétorique :
Rien est la plus belle des oeuvres poétiques, parce qu'est-ce qui est plus beau que l'Iliade ? Rien. Saisissant éloge du néant, réflexion métaphysique digne des plus grands philosophes pessimistes, déconstruction de la logique dans la lignée d'Agrippa et de Rabelais, Éloge de rien s'ouvre sur une dédicace sarcastique À Personne, petit chef d'oeuvre d'humour noir.
«Ô France, France ! relève ton front altier, et n'inspire point à tes voisins le sentiment de la pitié. Que le peuple, les parlements et le roi ne forment qu'une même famille, et la Nation reprendra bientôt sa première splendeur.» Olympe de Gouges (1748-1793) dénonce les inégalités et les barrières, tant économiques que sociales et politiques, à la veille de la Révolution française. Consciente du pouvoir des mots, elle livre - à travers brochures et affiches placardées - son combat : promouvoir les différentes formes de liberté, l'égalité entre les hommes et la mise en place d'une politique solidaire efficace.
Inscrits dans le siècle des Lumières, ces plaidoyers annoncent les trois vertus cardinales qui font la République d'aujourd'hui : liberté, égalité et fraternité.
Le parti pris de cette sélection établie par Michel Granger a été de privilégier l'originalité et la radicalité de ce philosophe transcendantaliste : une critique impitoyable de la société du milieu du XIXe siècle américain, alliée à des propositions pour un autre mode de vie plus respectueux de la nature et de la vie de l'esprit. Thoreau n'est pas un penseur tiède, conformiste ; son point de vue inédit peut servir à analyser les travers de notre époque : il exprime une pensée qui se veut « débridée » - à ne pas confondre avec la décomplexion néolibérale actuelle - et il s'efforce de provoquer la réflexion, d'ébranler les certitudes, de rompre avec la tradition, d'éveiller les consciences. Une anthologie de passages essentiels pour comprendre la pensée forte de Thoreau.
Entretien avec Reynald André Chalard.
« Écrire ! À quoi bon une oeuvre, disait Marcel Arland, si elle ne peut se confondre avec l'amour, et si le chant qu'elle ébauche, tandis que je vais sur ma fin, ne peut monter d'un coeur plus nu ? ».
Ces quelques mots illustrent admirablement le talent de Philippe Jaccottet, l'exigence, la rigueur et l'honnêteté de toute une vie consacrée à la poésie et à la traduction des plus grands.
Au cours de cet entretien entre un jeune homme et un poète, il nous est permis d'entrevoir les cheminements mêmes de l'expérience poétique, la fragile beauté du paysage, les choses et leurs secrets, l'apparente tranquillité des mots, l'inquiétude souveraine et la résistance du monde.
Ce long entretien est l'occasion pour Pierre Rabhi, agriculteur, écrivain et penseur, de s'adresser aux autres, mais aussi à lui-même, comme il ne l'avait jamais fait jusqu'à présent. Et d'approfondir sa réflexion tout en restant, selon son habitude, concret, humain, terrien. Et plus que jamais philosophe et poète.
Erigeant la maxime au rang d'art, Chamfort (1741-1791) cultive le détachement aristocratique ; mais, dans le contexte révolutionnaire, il le fait jouer au service du peuple. Prenant le parti des plus humbles, il porte les coups contre les prétendus grands seigneurs et autres monarques. Ses sarcasmes n'épargnent pas non plus l'amour, le plus despotique des sentiments. Chamfort : un enfant naturel, admirablement doué, beau comme l'Amour, qui ne fait la conquête de la haute société que pour lui dire son mépris et offrir la plus cruelle peinture des dernières années de l'Ancien Régime. La Révolution survenue, Chamfort s'y jette à corps perdu. Mais ce dernier des justes ne supporte pas ce que Robespierre et Marat imposent de violence et de sang à l'action politique, et il tente de se tuer «dans des circonstances si horribles, écrit Albert Camus, qu'elles donnent sa dimension exacte à cette tragédie de la morale».
Le Christ aux coquelicots est une lettre d'amour adressée à un Christ d'avant l'Église chrétienne, lavé de tout dogmatisme. Aux antipodes des poncifs religieux sur la puissance de Dieu, il nous fait toucher d'une manière miraculeuse à la fragilité du divin. Par son inspiration, par sa lumière, par l'extrême pureté de sa langue, Le Christ aux coquelicots restera un livre tout à fait unique dans l'oeuvre de Christian Bobin. À qui s'adresse ce livre ? Aux amoureux pour qu'ils ne perdent pas leur amour dans le monde, et à ceux qui ne croient plus en rien parce qu'on leur a dit qu'il n'y avait plus rien ni personne dans cette vie comme dans l'autre.
Peu de rencontres ont suscité autant d'intérêt que celle de Rimbaud et Verlaine en septembre 1871. À son arrivée à Paris, le jeune poète ardennais apparaît à l'auteur des «Poèmes saturniens »comme un enfant « au visage parfaitement ovale d'ange en exil ». Ce sera le début d'une relation tumultueuse et féconde, qui prendra brusquement fin en juin 1873 à Bruxelles. L'intensité de cette liaison s'est transmise à la création des deux écrivains, qui dès 1872 partagent leurs élans de renouvellement poétique. Verlaine devient ainsi un témoin privilégié de son compagnon tant sur le plan humain que littéraire. C'est à travers ce rôle de témoin que Verlaine a « inauguré la gloire » de Rimbaud, comme il l'admettra lui-même, en publiant plusieurs de ses poèmes inédits et en les commentant. Ces pages, souvent émues, restituent le visage authentique du poète de Charleville.