«C'est facile, d'écosser les petits pois. Une pression du pouce sur la fente de la gousse et elle s'ouvre, docile, offerte. Quelques-unes, moins mûres, sont plus réticentes - une incision de l'ongle de l'index permet alors de déchirer le vert, et de sentir la mouillure et la chair dense, juste sous la peau faussement parcheminée. Après, on fait glisser les boules d'un seul doigt. La dernière est si minuscule. Parfois, on a envie de la croquer. Ce n'est pas bon, un peu amer, mais frais comme la cuisine de onze heures, cuisine de l'eau froide, des légumes épluchés - tout près, contre l'évier, quelques carottes nues brillent sur un torchon, finissent de sécher. Alors on parle à petits coups, et là aussi la musique des mots semble venir de l'intérieur, paisible, familière. On parle de travail, de projets, de fatigue - pas de psychologie.»
Depuis quelques années, La Dactylo essaime aux quatre coins de l'Hexagone ses pochoirs doux-amers inspirés par des sujets d'une éternelle actualité : l'absurde et sa beauté, les occasions d'ébriété, les amours contrariées, les états d'âme de la société, les fausses citations de célébrités... Elle trouve dans cette pratique illicite une nouvelle identité et une multitude d'abonnés sur son compte Instagram. Ses aphorismes ici exposés, entre photos couleurs et jeux typographiques, prêtent à rire et à penser. Avec Démo d'esprit, les marges du street art, assumant à la fois impact visuel et sensibilité poétique, renouent avec un genre littéraire millénaire : l'art du bref.
Porté aux nues par les plus grands - d'Octavio Paz à Roman Jakobson et António Tabucchi -, Pessoa compte aujourd'hui, avec un Rilke, un Joyce ou un Kafka, comme l'un des sommets de la culture européenne de ce siècle.
Ce premier volume des proses publiées de son vivant par l'auteur réunit, parmi d'autres, certains des textes dont le style provocateur lui valut d'être remercié par les rédacteurs des journaux où ils furent publiés. Pessoa y soutenait « le contradictoire comme thérapeutique de libération », allant jusqu'à prétendre qu'« une créature de nerfs modernes, d'intelligence sans niveaux et de sensibilité éraillée a l'obligation cérébrale de changer d'opinion et de certitude plusieurs fois dans la même journée ».
Pour Pessoa, écrire, c'est comme fabriquer une bombe : il entoure sa dynamite d'une enveloppe de raisonnement, il lui met une traînée de poudre d'humour. Au lecteur d'allumer la mèche !
Des derniers feux de la présidence de Nicolas Sarkozy à l'avènement d'Emmanuel Macron, de la mort new-yorkaise du directeur de Sciences Po aux attentats contre Charlie Hebdo, de la chute de DSK aux confidences d'Anne Sinclair, en passant par les nuits retrouvées chez Castel, l'héritage en ruines de Bernard Tapie ou une immersion à Cologny, le village des ultra-riches, Sophie des Déserts a l'art de nous faire entrer dans les chambres et antichambres du pouvoir. Passant des mois au plus près de ses sujets, qu'ils s'appellent Edwy Plenel, Isabelle Adjani ou Alain Finkielkraut, elle cisèle leur portrait d'une plume à la fois légère et sans concession. D'un chapitre à l'autre, ils apparaissent, marquent leur temps, s'aiment, se déchirent, s'exposent à une vérité autant journalistique que littéraire. Croquis de pouvoir nous raconte, tel un feuilleton trépidant, cette cour des Miracles où gloire et tragédie se côtoient intimement : la nouvelle « Comédie humaine » de notre époque.
Après être passée par le Nouvel Observateur, Vanity Fair et Paris Match, Sophie des Déserts est aujourd'hui grand reporter à Libération. Son récit biographique consacré à Jean d'Ormesson, Le Dernier Roi soleil (Fayard/Grasset 2018), a séduit la critique et les lecteurs.
Le Tao Tö King est un ouvrage classique chinois qui, selon la tradition, fut écrit autour de 600 av.
J.-C. par Lao Tseu, le sage fondateur du taoïsme. De nombreux chercheurs modernes penchent pour une pluralité d'auteurs et de sources, une transmission tout d'abord orale et une édition progressive. Les plus anciens fragments connus, découverts à Guodian, remontent à 300 av. J.-C. environ. Il fut classé parmi les textes taoïstes par les érudits de la dynastie Han et faisait partie des écrits sacrés des Maîtres célestes.
Le Tao Tö King a eu une influence considérable en Extrême-Orient et en Occident à travers ses très nombreuses interprétations et traductions. Il n'existe pas encore de conclusion définitive quant à sa signification réelle.
Jean-Luc Sahagian relate sa découverte de Jean Giono par l'expérience, à la fois littéraire et politique. Il relie un moment qu'il vécut en communauté dans les Cévennes au début du XXIe siècle à l'expérience du Contadour dans les années 1930, où Giono, écrivain et citoyen pacifiste, rayonna. Lecteur hyper sensible d'un Giono plein d'élans et d'utopies, l'auteur propose une nouvelle entrée dans l'oeuvre du géant de Manosque. Ceux qui l'aiment revisiteront l'oeuvre des années 1920-30 avec un émerveillement grandi, et elle s'offrira à ceux qui la connaissent peu avec une étonnante fraîcheur. Amoureux de la langue de Giono, saturée d'inventions, Jean-Luc Sahagian nous restitue un moment de création littéraire intense à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Car dans les périodes de solitude et de découragement, les images, l'écriture, la joie, ce qu'il appelle l'expérience Giono est bien plus qu'une compagnie... c'est une force.
La Grève des électeurs est le titre d'une chronique, d'inspiration clairement anarchiste, de l'écrivain français Octave Mirbeau, parue le 28 novembre 1888 dans Le Figaro. Comme tous les anarchistes, Mirbeau ne voit dans le suffrage universel et le recours à des élections qu'une duperie par laquelle les dominants obtiennent à bon compte l'assentiment de ceux-là mêmes qu'ils oppriment et exploitent.
S'adressant à l'électeur moyen, « ce bipède pensant, doué d'une volonté, à ce qu'on prétend, et qui s'en va, fier de son droit, assuré qu'il accomplit un devoir, déposer dans une boîte électorale quelconque un quelconque bulletin », il s'emploie donc à démystifier, discréditer et délégitimer le prétendu droit de vote, «grâce» auquel les opprimés, dûment aliénés et abêtis, choisissent «librement» leurs propres prédateurs : « Les moutons vont à l'abattoir. Ils ne se disent rien, eux, et ils n'espèrent rien. Mais du moins ils ne votent pas pour le boucher qui les tuera, et pour le bourgeois qui les mangera. Plus bête que les bêtes, plus moutonnier que les moutons, l'électeur nomme son boucher et choisit son bourgeois. » Au lieu d'assumer sa liberté, l'électeur, cet « inexprimable imbécile », ne fait en réalité que se choisir un maître, qui l'éblouit de promesses impossibles à tenir et qui n'a pas le moindre souci des intérêts des larges masses : il participe, ce faisant, à son propre asservissement. Mirbeau appelle donc les électeurs à faire la grève des urnes et à se comporter, non en moutons grégaires, mais en citoyens lucides.
À travers cet entretien aussi loyal qu'approfondi qui aborde l'oeuvre sur un mode thématique, le lecteur revisitera l'univers des fictions de Paul Auster dont il découvrira des aspects inédits ou encore insuffisamment identifiés. Il s'agit là d'un dialogue ouvert, d'une oeuvre collaborative dans laquelle Paul Auster s'est investi de manière authentique, notamment pour rester fidèle à l'ADN si spécifique de ses romans, dont chacun constitue un voyage en terres inconnues - pour lui-même, comme pour le lecteur. Un ouvrage indispensable pour les nombreux lecteurs que son oeuvre d'exception a valu au grand écrivain américain.
Café Panique, trente-huit histoires, loufoques & véridiques, récoltées par Topor dans les bistrots, où anecdotes, légendes urbaines et mythologies s'entrelacent, et où la réalité dépasse toujours la fiction.
Contes grotesques, burlesques et tragi-comiques distillés par l'imagination panique de Topor, l'ombre de Gogol, Bierce et Kubin plane sur ces fables cruelles.
Café Panique, c'est le grand Barnum des clowns humains, où l'on écoute l'histoire d'Attends-la-Suite, celle de Double-Face ou encore de Poney-Express et Vodka-aux-Herbes.
Café Panique est suivi de Taxi stories, quinze histoires récoltées par Topor dans les taxis. En route pour le Café Panique, bien entendu.
Tour à tour poète, critique, humoriste, moraliste, il passe au crible notre époque et ses moeurs, son enfance, ses désirs et ses rêves, en essayiste et en conteur. Ses propos inédits sur un monde disparu forment ensemble un portrait et dessinent la philosophie d'un aventurier, libre dans tous les sens du terme.
Dans ce pamphlet, écrit en réaction aux récents abus de la domination étatique et marchande, tels qu'ils ont eu notamment lieu lors de l'actuelle crise sanitaire, Raoul Vaneigem persiste et signe : le capitalisme est par essence mortifère en ce qu'il bride les passions, confine les corps et racornit les esprits. Mais une autre voie s'ouvre à l'humanité pourvu qu'elle renverse un système aussi vérolé qu'à à bout de souffle, et qu'elle se débarrasse de ses mornes profiteurs : gestionnaires, technocrates et autres politicards. C'est ce qu'il nomme la lutte pour un retour à la vie, mettant fin « au calcul égoïste et à la servitude qui ont fait de la Terre une vallée de larmes ». Car « la vie ne dit jamais de dernier mot ».
Londres, 1657 : un attentat contre le dictateur Oliver Cromwell vient d'échouer. Le colonel Sexby, l'un de ses organisateurs, fait paraître peu après un pamphlet où il en appelle ouvertement à l'assassinat du tyran. Pour susciter parmi ses lecteurs des vocations d'assassin, il commence par poser trois questions : Cromwell est-il ou n'est-il pas un tyran ? S'il l'est, est-il légitime de faire justice sommaire de sa tyrannie, c'est-à-dire de le tuer en usant de tout moyen possible ? Enfin, si cet acte est légitime, s'avérera-t-il profitable ou nuisible à la République ? L'auteur y répond en déployant une argumentation irréfutable, fondée tant sur la philosophie antique que sur la Bible - et rédigée avec une maîtrise du style baroque de l'époque qui embellit sa haine. Chose assez rare, c'est l'appel à l'assassinat qui pourrait être, dans ces pages homicides, considéré comme un des beaux-arts...
« La montagne est devenue mon véritable topos : je m'y sens à l'aise et parfaitement libre, ce qui est paradoxal, car c'est par nature un monde de contraintes. Je m'y sens chez moi et, qui plus est, en sécurité, ce qui constitue un autre paradoxe ».
Depuis un séjour à Chamonix, à vingt ans, où il a ressenti « l'aspiration par le mouvement vertical des cimes » chère à Gaston Bachelard, Étienne Klein nourrit une passion profonde pour la montagne. De la Corse à l'Annapurna, en passant par le Hoggar et les Alpes, il a pratiqué randonnée, alpinisme et, depuis quelques années, s'adonne au trail. Espace de beauté et de liberté, la montagne est pour lui un révélateur des êtres, de l'amitié et de la solidarité.
Les questions jaillissent alors chez l'homme de sciences : quelles sont les ressources du corps, quels sont ses liens avec l'esprit ? Gravir les parois est une manière d'étudier une notion physique, mais aussi métaphysique : le vide.
Avec Le Huitième jour de la semaine, réflexion poétique qui ressemble à un récit initiatique, Christian Bobin nous invite à un voyage intérieur où se confond l'intime et l'universel. André Comte-Sponville dans L'Événement du jeudi en décembre 1991 en avait parlé ainsi : "J'ai découvert Christian Bobin par hasard.
Une amie libraire m'avait offert un de ses livres, Le Huitième jour de la semaine, il y a une dizaine d'années, quand il était inconnu, et je sus alors ce que c'est qu'un chef d'oeuvre : un livre qui suffit à justifier qu'on ait vécu jusque-là, pour l'attendre, pour le découvrir, et cela valait la peine, oui, ou plutôt cela valait le plaisir, le bouleversant plaisir d'admirer - enfin ! - un contemporain". Il a réitéré ces propos à La grande Librairie du 4 décembre 2019.
«J'ai dit a` la mère de mon amoureux que j'étais aphoriste et elle m'a donné son appui dans ma lutte pour l'acceptation et la reconnaissance. Je l'ai remerciée avec émotion, même si j'ai vite compris qu'elle pensait que le mot «aphoriste» désignait une identité sexuelle ou de genre a` la mode. Pour une fois qu'on ne se moque pas de mes prétentions littéraires, je n'allais quand même pas gâcher mon plaisir.» «Je crois qu'il faut cesser de dire «environnement» et commencer a` dire «survie de l'espèce humaine». Ce serait rigolo d'entendre les politicien-ne-s dire «la survie de l'espèce humaine est importante, mais pas aux dépens de l'économie».»
Le parti pris de cette sélection établie par Michel Granger a été de privilégier l'originalité et la radicalité de ce philosophe transcendantaliste : une critique impitoyable de la société du milieu du XIXe siècle américain, alliée à des propositions pour un autre mode de vie plus respectueux de la nature et de la vie de l'esprit. Thoreau n'est pas un penseur tiède, conformiste ; son point de vue inédit peut servir à analyser les travers de notre époque : il exprime une pensée qui se veut « débridée » - à ne pas confondre avec la décomplexion néolibérale actuelle - et il s'efforce de provoquer la réflexion, d'ébranler les certitudes, de rompre avec la tradition, d'éveiller les consciences. Une anthologie de passages essentiels pour comprendre la pensée forte de Thoreau.
Entretien avec Reynald-André Chalard. Écrire ! À quoi bon une oeuvre, disait Marcel Arland, si elle ne peut se confondre avec l'amour, et si le chant qu'elle ébauche, tandis que je vais sur ma fin, ne peut monter d'un coeur plus nu ? Ces quelques mots illustrent admirablement le talent de Philippe Jaccottet, l'exigence, la rigueur et l'honnêteté de toute une vie consacrée à la poésie et à la traduction des plus grands. Au cours de cet entretien entre un jeune homme et un poète, il nous est permis d'entrevoir les cheminements mêmes de l'expérience poétique, la fragile beauté du paysage, les choses et leurs secrets, l'apparente tranquillité des mots, l'inquiétude souveraine et la résistance du monde.
Maximes et réflexions / Goethe ; trad. pour la première fois par S. Sklower Date de l'édition originale : 1842 Ce livre est la reproduction fidèle d'une oeuvre publiée avant 1920 et fait partie d'une collection de livres réimprimés à la demande éditée par Hachette Livre, dans le cadre d'un partenariat avec la Bibliothèque nationale de France, offrant l'opportunité d'accéder à des ouvrages anciens et souvent rares issus des fonds patrimoniaux de la BnF.
Les oeuvres faisant partie de cette collection ont été numérisées par la BnF et sont présentes sur Gallica, sa bibliothèque numérique.
En entreprenant de redonner vie à ces ouvrages au travers d'une collection de livres réimprimés à la demande, nous leur donnons la possibilité de rencontrer un public élargi et participons à la transmission de connaissances et de savoirs parfois difficilement accessibles.
Nous avons cherché à concilier la reproduction fidèle d'un livre ancien à partir de sa version numérisée avec le souci d'un confort de lecture optimal. Nous espérons que les ouvrages de cette nouvelle collection vous apporteront entière satisfaction.
Pour plus d'informations, rendez-vous sur www.hachettebnf.fr
En novembre, les Éditions Baker Street seront au premier rang des commémorations autour du centenaire de la mort de Proust, en publiant un livre original de pastiches, exercice auquel le Maître lui-même aimait à s'adonner.
L'ouvrage sera composé d'une douzaine à une quinzaine de textes, écrits par des auteurs très divers : des proustiens éminents, comme le président de la Société des amis de Marcel Proust, ainsi que des écrivains connus, français ou étrangers. Ils seront accompagnés d'illustrations en couleur, elles-mêmes pastiches de grands artistes, du talentueux dessinateur anglais Mark Crick, qui s'est déjà distingué par l'écriture et l'illustration de La Soupe de Kafka, livre de pastiches qui a connu un large succès en France. Le tout émaillé des recettes de deux ou trois grands chefs et pâtissiers, rédigées en référence à des mets qui sont évoqués dans La Recherche du temps perdu.
Un ouvrage donc à la fois sérieux et humoristique, et un hommage en forme de clin d'oeil à Proust qui pratiqua lui-même le genre du pastiche, s'amusant à écrire à la manière des Goncourt, de Balzac, de Flaubert ou de Saint-Simon, dans un petit volume sur l'affaire Lemoine, une escroquerie qui défrayait la chronique de son époque....
Comment lutter contre les diverses formes d'oppression et sortir d'une logique défaitiste ? Jacques Rancière rappelle que l'idée de révolution moderne, réactualisée à chaque insurrection, s'inscrit dans une redéfinition sensible des rapports sociaux. La radicalité du mouvement des places tient finalement dans sa capacité à créer et consolider « des formes de dissidence subjective et des formes d'organisation de vie à l'écart du monde dominant ».
Par amour des mots, on sème tant, que la récolte livre parfois quelques pensées fugaces.
C'est donc le fruit de cette cueillette que je vous propose ici, en ouvrant le bal par l'exercice de la dédicace. Mais comme il me fallait choisir celui ou celle que je souhaitais honorer de cette tradition littéraire, j'ai choisi de ne pas choisir...
C'est ainsi que je dédie ce livre «?au Goncourt qui ne l'aura pas, et réciproquement?», mais aussi «?à Einstein, qui m'a appris à relativiser?», «?au pain perdu et au plaisir retrouvé?», ou encore à ces autres, couchés sur papier au «?hasard du je et de l'amour?».
En fait, cet ouvrage est dédié à vous. Emois...
Après ces hommages aux intérêts divers, je me suis laissé aller à quelques pensées vagabondes. C'est donc la tête dans les étoiles, que mes idées passaient de lune à l'autre. De ces philosophes qui en font parfois tout une Montaigne, aux femmes à ventre dont je loue le courage en passant par l'histoire d'avant et Ève, ou de Molière, magnifique comédien, qui pourtant n'eut jamais de Molière.
Ivre de mots, je vous invite à partager ces quelques vers.
Qui mime me suive...
Plutarque raconte qu'un jour Pyrrhus faisait des projets de conquête. «Nous allons d'abord soumettre la Grèce, disait-il. - Et après ? dit Cinéas. - Nous gagnerons l'Afrique. - Après l'Afrique ? - Nous passerons en Asie, nous conquerrons l'Asie Mineure, l'Arabie. - Et après ? - Nous irons jusqu'aux Indes. - Après les Indes ? - Ah ! dit Pyrrhus, je me reposerai. - Pourquoi, dit Cinéas, ne pas vous reposer tout de suite ?» Cette anecdote illustre assez bien toute une sagesse : celle de l'«À quoi bon ?» Cependant, il faut que Pyrrhus décide. Il reste ou il part. S'il reste, que fera-t-il ? S'il part, jusqu'où ira-t-il ? «Il faut cultiver notre jardin» dit Candide. Ce conseil ne nous sera pas d'un grand secours. Car, quel est mon jardin ? Il y a des hommes qui prétendent labourer la terre entière ; et d'autres trouvent un pot de fleurs trop vaste.
Comment savoir ce qui est mien ? Quelle est donc la mesure d'un homme ? Quels buts peut-il se proposer, et quels espoirs lui sont permis ? À ces questions, - et après avoir examiné quelques-unes des «fins suprêmes» de l'homme, - Dieu, l'humanité, «les autres», - Simone de Beauvoir fait une réponse qui affirme en les définissant les limites de l'humain : «Nous pouvons toujours nous échapper vers un ailleurs, mais cet ailleurs est encore quelque part, au sein de notre condition humaine ; nous ne lui échappons jamais et nous n'avons aucun moyen de l'envisager du dehors pour la juger. Elle seule rend possible la parole. C'est avec elle que se définissent le bien et le mal ; les mots d'utilité, de progrès, de crainte n'ont de sens que dans un monde où le projet a fait apparaître des points de vue et des fins ; ils supposent ce projet et ne sauraient s'appliquer à lui. L'homme ne connaît rien d'autre que d'humain : à quoi donc le comparer ? quel homme pourrait juger l'homme ? Au nom de quoi parlerait-il ?»
Le Christ aux coquelicots est une lettre d'amour adressée à un Christ d'avant l'Église chrétienne, lavé de tout dogmatisme. Aux antipodes des poncifs religieux sur la puissance de Dieu, il nous fait toucher d'une manière miraculeuse à la fragilité du divin.
Par son inspiration, par sa lumière, par l'extrême pureté de sa langue, Le Christ aux coquelicots restera un livre tout à fait unique dans l'oeuvre de Christian Bobin. À qui s'adresse ce livre ? Aux amoureux pour qu'ils ne perdent pas leur amour dans le monde, et à ceux qui ne croient plus en rien parce qu'on leur a dit qu'il n'y avait plus rien ni personne dans cette vie comme dans l'autre.
Homme en colère, moraliste à l'esprit corrosif, Cioran place le désespoir au coeur de sa pensée. Dans un style incisif et décapant, il livre ses aphorismes et réflexions sur le temps, la mort, la religion et la condition humaine : «Le plus grand exploit de ma vie est d'être encore en vie».
Une vision désabusée des hommes et du monde, une lucidité extrême.