Porté aux nues par les plus grands - d'Octavio Paz à Roman Jakobson et António Tabucchi -, Pessoa compte aujourd'hui, avec un Rilke, un Joyce ou un Kafka, comme l'un des sommets de la culture européenne de ce siècle.
Ce premier volume des proses publiées de son vivant par l'auteur réunit, parmi d'autres, certains des textes dont le style provocateur lui valut d'être remercié par les rédacteurs des journaux où ils furent publiés. Pessoa y soutenait « le contradictoire comme thérapeutique de libération », allant jusqu'à prétendre qu'« une créature de nerfs modernes, d'intelligence sans niveaux et de sensibilité éraillée a l'obligation cérébrale de changer d'opinion et de certitude plusieurs fois dans la même journée ».
Pour Pessoa, écrire, c'est comme fabriquer une bombe : il entoure sa dynamite d'une enveloppe de raisonnement, il lui met une traînée de poudre d'humour. Au lecteur d'allumer la mèche !
Ce LIVRE est né comme un témoignage de la profonde amitié qui a lié George Steiner et Nuccio Ordine. Au cours d'une longue conversation destinée à être publiée le jour même de sa mort, le grand essayiste francoaméricain a confié au professeur italien ses réflexions les plus intimes concernant ses amis, ses amours, ses regrets, ses échecs et ses succès. Comme les quatre autres entretiens publiés du vivant de Steiner, cet entretien posthume contient quelques éléments autobiographiques et certains thèmes essentiels qui éclairent plusieurs aspects de la personnalité complexe de l'un des plus brillants intellectuels du XXe siècle.
Il s'agit d'une compilation des billets d'humeur, témoignages, souvenirs, réactions à chaud sur des sujets d'actualité politique et sociale, qui valurent à Malaparte une renommée immédiate en Italie mais qui révèlent une facette de ses écrits moins connue en France. Ses prises de positions contre les ambivalences et atermoiements du gouvernement italien d'après-guerre, la désinvolture qu'entretient la toute jeune démocratie face à un récent passé fasciste, ses provocations, son irrévérence, sa grande culture, ses souvenirs foisonnants, le ton fraternel et chaleureux avec lequel Malaparte s'adresse à ses lecteurs, confèrent à ce recueil non seulement l'atmosphère d'une époque mais aussi une magnifique fresque de l'aprèsguerre, avec ses meurtrissures, ses espoirs et ses contradictions. Pour avoir tutoyé et provoqué en duel le Pape Pie XI (que Malaparte avait connu avant son élection), dans sa première prise de bec, Malaparte faillit être licencié par le directeur du Tempo. Mais devant l'augmentation des ventes du journal, dès la parution des premiers Battibecchi, celui-ci dû très vite se raviser. Le succès ne faiblira pas.
Grâce à une plume acérée, provocatrice et engagée, le Curzio Malaparte des Battibecchi s'impose comme un intellectuel de premier plan, acteur et moteur du débat politique et culturel de son époque. Il ouvre la voie à un autre escarmoucheur de renom, son successeur à Tempo, Pier Paolo Pasolini...
« Le livre commence par une conversation entendue, un jour à midi, à l'heure de l'apéritif, à la terrasse d'un bar, à Corte, qui est la ville voisine.
Cette conversation, entendue en 2016, ressemblait comme une petite soeur aux conversations plus savantes, mais aussi vivantes que Cicéron a reproduites dans nombre de ses ouvrages, surtout dans les Tusculanes.
Cicéron parle avec les morts et fait parler les morts. De là à l'inviter dans mon village où, comme dans toutes les îles de la Méditerranée, les morts ne nous quittent pas, il n'y avait qu'un pas que nous avons vite franchi.
Et nous avons eu neufs nuits - qui font les neuf chapitres de l'ouvrage - où nous avons parlé de la vieillesse et de la mort, de la souffrance et du bonheur, de la politique et du gouvernement, de la richesse et de la gloire, et, surtout de la patrie et de l'amitié.
Pour ne pas alourdir le texte et garder à la conversation sa spontanéité, je n'ai pas indiqué les références, mais j'en garantis l'authenticité, puisée aux Belles Lettres, dans la Collection des Universités de France.
J'ai les goûts les plus simples du monde, je me contente du meilleur.Une idée qui n'est pas dangereuse ne mérite pas d'être appelée une idée.Le devoir est ce qu'on attend des autres. Ce n'est pas ce que l'on fait soi-même.La perversité est un mythe inventé par les gens de bien pour expliquer le curieux attrait des autres.Le travail est la malédiction des classes qui boivent.Une chose n'est pas nécessairement vraie parce qu'un homme meurt pour elle.L'amitié est infiniment plus grave que l'amour. Elle dure plus longtemps.Si l'on dit la vérité, on est certain d'être découvert tôt ou tard.Oscar Wilde
L'architecture moderne, décriée justement dans les années 70, a fini par imposer son esthétique hideuse, reflet d'une absence totale de spiritualité et d'une négation absolue des canons de la beauté, hérités de plusieurs milliers d'années . Il s'agit d'un crime et pourtant,:nous continuons de nous laisser égorger...
Lysander Spooner démontre ici, juridiquement et moralement, que les vices (actes par lesquels un homme peut nuire à sa propre personne ou à ses biens), ne sont aucunement des crimes (actions attentant à la personne ou aux bien d'autrui),. et qu'ils ne peuvent donc être légitimement punis par un quelconque gouvernement.
A l'heure où les consommateurs et vendeurs de « drogue » sont abjectement persécutés - et demain, les fumeurs, les mangeurs de beurre ou les adeptes d'une sexualité libre - ce texte, publié en 1875, établit que les seuls véritables criminels sont les tyrans qui veulent empêcher un être humain de rechercher le bonheur et la connaissance par tout moyen qui lui semble bon.
Il est difficile d'imaginer aujourd'hui la vogue dont jouirent pendant plusieurs siècles les Epigrammes de John Owen (1564-1622), qui en leur temps firent saluer leur auteur comme le « Martial anglais », le « second Martial », « Martial ressuscité ». Plus exclusivement intellectuel que son modèle latin, Owen n'eut jamais sa richesse de dons, ni son puissant réalisme, ni inversement sa grâce et sa tendresse, ni ses raffinements d'artiste. Mais dans le domaine volontairement restreint de la satire morale et dans le cadre étroit du distique, son instrument privilégié, il porte l'épigramme à un point d'achèvement qui ne devait plus être égalé : jamais l'épigramme n'a été aussi proche de la maxime au sens que lui donnera bientôt notre La Rochefoucauld et avec laquelle elle partage le brillant et l'étincelante netteté.
Le propos est exclusivement celui d'un moraliste. Observateur fin et spirituel du train du monde, Owen livre son expérience en une multitude de traits caustiques qui fusent dans toutes les directions :
égratignant les caractères et les âges, insistant sur les travers de quelques professions et conditions (juristes, médecins, théologiens, courtisans) ; quelques traits acérés contre le sexe faible et les inconvénients du mariage pourraient le faire soupçonner de misogynie si le sujet était original. En tout cela, nulle illusion, mais nulle méchanceté ; pas d'attaque personnelle, seulement les défauts universels de la nature humaine ; quelques remarques sont plus directement inspirées par des sujets d'actualité : loyal sujet anglais à l'époque du complot de la poudre à fusil, Owen décoche quelques pointes à l'adresse de l'église catholique, il intervient malicieusement à propos de la querelle du vide. Une sagesse ironique se dégage, qui fait comprendre aisément l'influence qu'il exerça sur l'âge classique, habitué à privilégier l'analyse morale..
Le premier volume des épigrammes, dédié à Lady Neville, a paru en 1606 ; encouragé par son succès immédiat, Owen publia l'année suivante un second volume, dédié à une Stuart ; les troisième et quatrième volumes parurent en 1612 et 1613 : en tout, dix livres d'épigrammes dont l'édition d'ensemble sera publiée en 1622, l'année même de sa mort. Une editio locupletior et emendatior a été publiée à Paris en 1794 par Antoine Augustin Renouard.
Premier à ouvrir notre collection à l'humanisme du Nord, Sylvain Durand nous offre dans ce volume le texte et la première traduction française intégrale de cette oeuvre. Exécutée avec une parfaite exactitude, une aisance et un plaisir évident et même quelque gourmandise, cette traduction nous est offerte dans une prose serrée,
Attention: danger. Il est temps de réagir. Nous dormions, persuadés que les bastilles de la censure, de l'ordre moral et de la limitation des libertés avaient été toutes prises et détruites. Erreur. La pléiade d'interdictions de tout genre concoctée par ceux qui savent mieux que nous ce qui nous convient et qui sont prêts, les bons apôtres, à nous mutiler « pour notre bien »: l'ordre moral s'est remis en marche. Le temps presse. Il urge plus que jamais de promouvoir le parti d'en jouir, et de danser glorieusement sur le champ de mines en prouvant que l'on peut tout faire et prudence garder, au nom de la seule religion qui nous intéresse: celle de la vie.Tout endroit où vous posez vos pas est un etrritoire libéré. Défendez-le. Comment? Voici les instruments.
Universellement reconnu comme homme d'État animé d'une volonté de réforme radicale et pionnier de la science économique, Turgot fut aussi un homme de réflexion, auteur de textes provocants et stimulants qui érigent la liberté individuelle (de conscience, de travailler, d'échanger et de disposer de sa propriété...) en principe suprême devant guider l'action humaine tant privée que publique.Son credo: "laissez faire ", protégez par le Droit les individus poursuivant leur intérêt particulier bien compris, et ils concourront spontanément à l'intérêt général comme au progrès de tous.Pour la première fois présentés en un ensemble cursif et cohérent, les textes rassemblés ici (pour certains non réédités depuis trois quarts de siècle) illustrent le regain d'actualité des convictions de cet anti-dirigiste et anti-protectionniste tant apprécié des "philosophes des Lumières" que fut Turgot.
René Char passe aujourd'hui pour un géant de la poésie et un phare de la pensée. Ce laborieux fabricant de devinettes biscornues et de solennités boursouflées est l'idole des dîneurs en ville qui ne l'ont pas lu. Plus grave, une armée de docteurs à bonnet carré couvre la statue de gloses aussi fumeuses que le texte. Devant un tel monceau de préciosités ridicules, François Crouzet, après avoir baillé, grogné - et souvent éclaté de rire - propose ici une démystification. Rigoureusement: étayée, elle risque de hérisser les gobe-mouches.
Tout gouvernement n'est qu'« une association secrète de voleurs et d'assassins », « toute législation est une absurdité, une usurpation et un crime ». C'est ce que démontre ici, en se fondant sur les principes les plus certains du Droit naturel, de la morale et de la justice, le juriste américain Lysander Spooner (1808-1887). Cet essai s'adresse aux victimes présentes des brigands appelés « chefs d'Etat », qui les rançonnent et les envoient à la mort en une tyrannie dont la prétendue « légitimité » ne repose que sur le monopole de la violence des armes.
« Non seulement le service militaire ne rend aucun service à la société, mais il est une vaste insanité publique, comme seule l'histoire du gouvernement des hommes sait en fabriquer . Le service militaire est une "organisation " humaine , close et figée, réglée par la menace et la vanité, et où des hommes asservissent d'autres hommes afin de les utiliser à ne rien faire. Les appelés sont bel et bien les soldats de l'absurde. »Un pamphlet qui est aussi un document indispensable pour comprendre le débat actuel sur le maintien ou la suppression du « service national » .
« Depuis le choeur où chante notre irréfutabilité, jetons à la douloureuse figure des moribonds un apogée de zutisme mystique et d'irrévérence raisonnée. » MAXENCE
L'interdiction de fumer dans certains avions, et pourquoi pas, bientôt, dans les trains, ou dans la rue, est plus qu'une plaisanterie de mauvais goût: une atteinte caractérisée à notre liberté. Et le symptôme d'un phénomène plus grave encore: la condamnation, sous prétexte de santé, ou d'économie, de tous les plaisirs de la vie. Allons-nous, après des libérations difficilement conquises, retomber dans le carcan d'un moralisme écoeurant? La défense du principe de plaisir est un impératif catégorique.
« Senor Don Fidel Castro RuzMonsieur,Avec le même fol espoir, la même crainte avec lesquels j'écrivais hier au général Franco, aujourd'hui je m'adresse à vous, Caudillo... »« Arrabal hérite de la lucidité d'un Kafka et de l'humour d'un Jarry il s'apparente, dans sa violence, à Sade ou à Artaud. Mais il est sans doute le seul à avoir poussé la dérision aussi loin. L'oeuvre désoriente, provoque. Profondément politique et joyeusement ludique, révoltée et bohème, elle est le syndrome de notre siècle de barbelés et de goulags: une façon de se maintenir en sursis. »