«C'est facile, d'écosser les petits pois. Une pression du pouce sur la fente de la gousse et elle s'ouvre, docile, offerte. Quelques-unes, moins mûres, sont plus réticentes - une incision de l'ongle de l'index permet alors de déchirer le vert, et de sentir la mouillure et la chair dense, juste sous la peau faussement parcheminée. Après, on fait glisser les boules d'un seul doigt. La dernière est si minuscule. Parfois, on a envie de la croquer. Ce n'est pas bon, un peu amer, mais frais comme la cuisine de onze heures, cuisine de l'eau froide, des légumes épluchés - tout près, contre l'évier, quelques carottes nues brillent sur un torchon, finissent de sécher. Alors on parle à petits coups, et là aussi la musique des mots semble venir de l'intérieur, paisible, familière. On parle de travail, de projets, de fatigue - pas de psychologie.»
Le Tao-to king, «livre sacré de la Voie et de la Vertu», réconcilie les deux principes universels opposés : le yin, principe féminin, lunaire, froid, obscur qui représente la passivité, et le yang, principe masculin, qui représente l'énergie solaire, la lumière, la chaleur, le positif. De leur équilibre et de leur alternance naissent tous les phénomènes de la nature, régis par un principe suprême, le Tao. «Tout le monde tient le beau pour le beau, c'est en cela que réside sa laideur. Tout le monde tient le bien pour le bien, c'est en cela que réside son mal.» Le texte fondateur du taoïsme.
Suivi de Réflexions diverses et Maximes de Madame de Sablé
Plutarque raconte qu'un jour Pyrrhus faisait des projets de conquête. «Nous allons d'abord soumettre la Grèce, disait-il. - Et après ? dit Cinéas. - Nous gagnerons l'Afrique. - Après l'Afrique ? - Nous passerons en Asie, nous conquerrons l'Asie Mineure, l'Arabie. - Et après ? - Nous irons jusqu'aux Indes. - Après les Indes ? - Ah ! dit Pyrrhus, je me reposerai. - Pourquoi, dit Cinéas, ne pas vous reposer tout de suite ?» Cette anecdote illustre assez bien toute une sagesse : celle de l'«À quoi bon ?» Cependant, il faut que Pyrrhus décide. Il reste ou il part. S'il reste, que fera-t-il ? S'il part, jusqu'où ira-t-il ? «Il faut cultiver notre jardin» dit Candide. Ce conseil ne nous sera pas d'un grand secours. Car, quel est mon jardin ? Il y a des hommes qui prétendent labourer la terre entière ; et d'autres trouvent un pot de fleurs trop vaste.
Comment savoir ce qui est mien ? Quelle est donc la mesure d'un homme ? Quels buts peut-il se proposer, et quels espoirs lui sont permis ? À ces questions, - et après avoir examiné quelques-unes des «fins suprêmes» de l'homme, - Dieu, l'humanité, «les autres», - Simone de Beauvoir fait une réponse qui affirme en les définissant les limites de l'humain : «Nous pouvons toujours nous échapper vers un ailleurs, mais cet ailleurs est encore quelque part, au sein de notre condition humaine ; nous ne lui échappons jamais et nous n'avons aucun moyen de l'envisager du dehors pour la juger. Elle seule rend possible la parole. C'est avec elle que se définissent le bien et le mal ; les mots d'utilité, de progrès, de crainte n'ont de sens que dans un monde où le projet a fait apparaître des points de vue et des fins ; ils supposent ce projet et ne sauraient s'appliquer à lui. L'homme ne connaît rien d'autre que d'humain : à quoi donc le comparer ? quel homme pourrait juger l'homme ? Au nom de quoi parlerait-il ?»
Ecrivain singulier, inclassable, humaniste et étonnamment moderne, montaigne prône la tolérance.
Mêlant expérience personnelle, commentaires moraux et réflexion, il offre une vision de l'homme toujours en mouvement, sans préjugés, à la fois fort et fragile. d'une grande liberté d'écriture, montaigne nous offre quelques pages pleines de malice et de sagesse pour nous aider à conduire notre vie.
Si un homme possède une supériorité quelconque, ou s'imagine du moins la posséder, alors qu'il n'en est rien, cet homme, s'il manque d'éducation philosophique, en sera inévitablement tout bouffi d'orgueil.
Le tyran dit, par exemple : « Je suis le plus puissant du monde. » Epictète. Ces textes sont extraits de Entretiens, Livres I à IV (Tel n°232). L'enseignement du sage Epictète est d'une grande modernité : Un manuel de savoir-vivre et de liberté de pensée.
Aux nombreux fervents de Saint-Exupéry, cet ouvrage apporte, pour la période 1939-1944, un ensemble de documents et de témoignages, parfois connus mais dispersés ou inaccessibles, souvent inédits, qui éclairent vivement son attitude pendant la guerre et sa destinée.
«La seule vertu que je veuille revendiquer est la vérité et la non-violence. Je ne prétends à aucun pouvoir surhumain. Je ne saurais qu'en faire. Je suis de chair et de sang comme le plus petit de mes semblables, faible et faillible comme tout autre homme.» Dans une langue lumineuse, Gandhi nous raconte les étapes de sa vie et de son cheminement spirituel.
«J'ai achevé ce livre au cours d'une année heureuse, entre deux fêtes, un jour que la température était douce. Dans ce précieux écrin, j'ai amoncelé des bijoux. Cependant, je baisse la tête avec honte, car je sais que la mer recèle à la fois des perles et d'affreux coquillages, et les jardins des arbres puissants près d'arbustes chétifs.» Histoires, sentences, prières : cueillez avec bonheur les Fruits du Jardin de Saâdi.
« L'homme devrait être la plus libre de toutes les créatures... il n'y en a point peut-être de plus esclave » : le paradoxe ne vaut pas, chez La Mothe Le Vayer, appel à la sédition. Les « libertins érudits », dont il est une des figures majeures, sont réputés, fidèles en cela à l'esprit du Grand Siècle, apprécier les mérites d'un pouvoir fort.
Héritier de Montaigne et champion de la philosophie sceptique, Le Vayer puise des traits de « hardiesse » et des modèles d'indépendance, chez les anciens, tandis que l'histoire de la culture de cour lui démontre toute l'emprise de la « servitude volontaire ». Les « dignités » équivalent à des « charges » et l'aliénation croit à proportion de notre élévation... Faut-il pour autant se réfugier, loin du bruit et du monde, dans le loisir lettré, libre et solitaire ? L'hésitation entre le désir, ou l'utopie, de la retraite et l'agitation vaine, et nécessaire, de la chose publique brille au coeur de ce petit traité, de même qu'elle anima la vie de Le Vayer, protégé de Richelieu, et précepteur pour un temps de Louis XIV, qui n'aimait rien tant que quitter le théâtre du pouvoir pour se réfugier dans sa chambre de méditation.
Invité à l'université de Princeton en 2015, Mario Vargas Llosa accepta d'y travailler avec Rubén Gallo à un ouvrage qui puisse offrir à ses lecteurs un parcours original de sa vie et de son oeuvre. L'atelier du roman est le résultat de cet exercice. Mais il ne s'agit pas d'un livre universitaire ou académique. Au cours d'une série de conversations intelligentes, accessibles et ouvertes, le Prix Nobel péruvien revient sur des épisodes de sa biographie littéraire et politique, et nous parle également des secrets de sa cuisine littéraire, de ses lectures et de son travail d'écriture.
Les pages où il décrit ses multiples recherches autour de la figure du dictateur Trujillo, ou celles où il évoque le Pérou du tyran Odrfa, sont ici autant d'invitations à relire ses chefs-d'oeuvre La fête au Bouc et Conversation à La Catedral. Mais le livre nous offre en réalité deux perspectives parallèles : celle de l'auteur - qui raconte la fabrication de ses histoires - et celle du critique ou du lecteur qui analyse leur réception. Ces deux voix s'entrecroisent avec celles des étudiants qui ont eu accès à l'extraordinaire collection de manuscrits et documents personnels que Vargas Llosa a confiée naguère aux archives de Princeton.
L'atelier du roman culmine sur l'intervention émouvante de Philippe Lançon, rescapé de l'attentat contre Charlie Hebdo, qui préfigure son bouleversant récit intitulé Le lambeau (Gallimard, 2018). L'échange entre le Prix Nobel et le journaliste de Libération sur le terrorisme constitue sans conteste l'un des temps forts de ces conversations et un brillant point final à un livre sur les rapports toujours conflictuels entre littérature et politique.
Toute sa vie, parallèlement à son oeuvre, Jean Giono a écrit pour les journaux. On retrouve dans ses chroniques son style, son humour, sa malice, son imagination et tout son talent de romancier. Qu'il se moque en comparant les avantages du briquet et de la boîte d'allumettes, qu'il dise son mot sur l'urbanisme d'aujourd'hui, qu'il parle des arbres qu'il a plantés, ces faits divers font partie de son univers savoureux. Parfois, en trois pages, le chroniqueur nous offre un vrai petit roman intitulé tout simplement Une histoire.
«Enfant, je savais donner ; j'ai perdu cette grâce en devenant civilisé. Je menais une existence naturelle, alors qu'aujourd'hui je vis de l'artificiel. Le moindre joli caillou avait de la valeur à mes yeux ; chaque arbre était un objet de respect. J'admire aujourd'hui, avec l'homme blanc, un paysage peint dont la valeur est estimée en dollars!» Un émouvant témoignage des Indiens d'Amérique du Nord, qui racontent leur mode de vie en harmonie avec la nature : un exemple précieux pour l'homme moderne.
Comment mieux honorer les 70 ans de la prestigieuse collection qu'en donnant à lire les perles des auteurs du polar ? Une rasade de machisme, une autre de violence plus ou moins gratuite, secouez le tout avec la haine du bourgeois et de l'homme de loi, et ça donne :« Vous pouvez me croire, cette môme-là avait un châssis qu'en aurait dit long à un aveugle. »Peter Cheyney« La première chose en arrivant au bungalow, c'est de nous caler les joues ; il est près de trois heures et, depuis le matin, nous étions au régime jockey. » Ange Bastiani« La lourde a claqué, puis Marinette est entrée, annonçant :- Tous ces messieurs sont partis bien contents ; les familles seront heureuses, ce soir ! »Albert Simonin« Santa Madonna ! Dans quelle gelée de coing se trouvait-il ? C'est surtout celui qui le braquait avec son tromblon qui lui foutait les grolles. Quelle gueule qu'il avait, le gniard ! Des châsses bizarres. Des narines pincées dans le haut, palpitantes dans le bas. Une vraie frite de jobard ! On aurait parié qu'il reniflait du raisiné, que ça le démangeait de jouer de la gâchette. »Auguste Le Breton
La voie de la non-violence n'est pas seulement l'apanage des saints et des sages, mais aussi bien de tous les autres hommes. «La non-violence est la loi de notre espèce, comme la violence est la loi de la brute. L'esprit somnole chez la brute qui ne connaît pour toute loi que celle de la force physique. La dignité de l'homme exige d'obéir à une loi supérieure : à la force de l'esprit.» Dans l'histoire de l'humanité, Gandhi est le premier à avoir étendu le principe de la non-violence du plan individuel au plan social et politique
Les personnages littéraires sont des gens merveilleux : ils s'aventurent là où nous n'oserions pas mettre le pied, ils aiment et parfois en souffrent à notre place, il leur manque une jambe, ils travaillent à Séville ou à Wall Street... Ces compagnons de lecture nous accompagnent durablement, vous allez en faire l'expérience. Vous les retrouverez grâce à quelques indices et, sitôt que leur silhouette surgira de votre mémoire, vous cheminerez de nouveau dans vos lectures. De quoi passer un délicieux moment.
Premiers troubles des grands héros romanesques, couples célèbres du cinéma, déclarations en forme de chansons... Qu'en savez-vous? Constitué de plus de 250 questions de culture générale sur le thème de l'amour, ce livre-jeu vous permettra d'en avoir le coeur net. Commençons:Qui a donné cette définition de l'amour «Le verbe aimer est difficile à conjuguer:son passé n'est pas simple, son présent n'est qu'indicatif, et son futur est toujours conditionnel»? Alphonse Allais, Jean Cocteau, Marcel Aymé? Réponse page 83.
«Je ne suis ni linguiste, ni sémiologue, ni académicien (ça se saurait). Je pratique depuis plus de trente ans un métier qui dans les échelles de confiance voisine, en bas de liste, avec celui d'agent immobilier : journaliste. Cet emploi m'a permis d'enquêter sur les choses les plus ténues, de faire des reportages sur les régions les plus banales. J'aime l'ordinaire. Et quoi de plus ordinaire que les mots de tous les jours ?» Ainsi s'exprime Didier Pourquery, qui a tenu une chronique sur le mot de la semaine dans le magazine M du Monde avant de devenir directeur de la rédaction du site The Conversation France.
Marguerite Duras voit le football comme un angélisme quand Pier Paolo Pasolini y découvre des moments exclusivement poétiques; selon Marc Pietri, on commence à le pratiquer dans le ventre maternel; Albert Camus assure que le stade est un des seuls endroits au monde où il se sent innocent; pour être complet, le plaisir du spectateur, assure Françoise Giroud, doit s'accompagner d'un coup de coeur. Les écrivains connaissent le ballon rond, chaussent les crampons avec enthousiasme et, comme tout bon supporter, crient «goal» quand l'occasion se présente. C'est l'hommage des travailleurs individuels que sont les auteurs au sport collectif, car, comme le suppose Jean-Noël Blanc:«En jouant au foot, j'ai peut-être appris à écrire.» On retrouvera avec bonheur des souvenirs de grands matches, de grands joueurs, de grands moments:on a tous en nous quelque chose de Pelé ou de Zidane...
Il y a chez Jean Tardieu un rire qui peut virer aux larmes d'un vers à l'autre, des mots avec lesquels rêver ou cauchemarder, des doubles qui se nomment Monsieur Jean ou le Professeur Froeppel, des admirations pour les amis peintres ou musiciens. Un univers se déploie,porteur d'images et évocateur de sensations. On s'y sent en confiance, parce qu'il n'est pas accablant de certitudes. «L'instable est mon repos», écrit-il dans Accents. On ne saurait mieux dire.
La rhétorique est une histoire vieille comme l'Antiquité. Elle a traversé sans encombre le temps, répertoriant avec des mots savants les arguments sophistiques. Puis vint Schopenhauer. Avec L'Art d'avoir toujours raison, il ajoutait au classement une injonction:celle de batailler, de se lancer dans la discussion et de mettre au point tous les moyens possibles pour l'emporter sur son contradicteur. Avec précision et humour, le philosophe Nicolas Tenaillon inventorie cinquante situations pour lesquelles il propose une démarche de «contre», comme l'on dit dans les commentaires sportifs. Votre adversaire fait de l'humour? Soyez d'une gravité inaltérable. Il garde un silence de marbre? Rappelez-lui que «qui ne dit mot consent». Il répète le même argument en boucle? Traitez-le de perroquet. Une lecture qui fera de vous un orateur sans peur et sans reproche.